Maîtrisez l’AUM 2017 : champ d’application, principes, déroulement de la médiation, rôle du médiateur et force exécutoire de l’accord. Le guide de la résolution amiable des litiges.
Chers juristes, dirigeants d’entreprise et gestionnaires de risques, bienvenue sur sagessejuridique.com. Après avoir analysé l’Arbitrage (la justice privée), nous nous tournons vers la Médiation (la justice négociée), régie par l’Acte Uniforme relatif à la Médiation (AUM), en vigueur depuis 2018.
Cet Acte est la reconnaissance officielle par l’OHADA de l’importance des Modes Alternatifs de Règlement des Différends (MARD). Dans un environnement commercial où la réputation et la continuité des partenariats sont primordiales, la médiation se présente comme le mécanisme idéal pour résoudre les conflits sans rupture. Elle évite la lourdeur des tribunaux et la rigidité de l’arbitrage.
Si vous êtes à la recherche du document intégral pour télécharger l’Acte Uniforme sur la Médiation OHADA en PDF, le lien est disponible en fin d’article. Pour les professionnels, la maîtrise de l’AUM est un atout stratégique : c’est savoir transformer un litige en opportunité de renégociation et de consolidation des liens d’affaires.
I. Champ d’Application et Définition (Chapitre 1)
Bien que l’AUM soit l’un des Actes Uniformes les plus concis (seulement 18 articles), son impact est immense.
1. Définition et Nature (Art. 1er)
L’AUM donne une définition claire et moderne de la médiation :
« La médiation désigne tout processus, quelle que soit sa dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties demandent à un tiers, le médiateur, de les aider à parvenir à un accord pour la résolution d’un différend résultant ou susceptible de résulter d’une relation juridique. »
Les caractéristiques clés sont :
- Volonté : Le processus repose sur le consentement des parties.
- Tiers Neutre : Le médiateur n’est ni juge, ni arbitre. Il aide à la communication et à la négociation.
- Objectif : Parvenir à un accord consensuel qui résout le différend.
2. Le Domaine d’Application (Art. 2)
L’Acte s’applique à toute médiation lorsque :
- La médiation porte sur un différend commercial ;
- Le lieu de la médiation se trouve sur le territoire de l’un des États Parties de l’OHADA, OU si les parties ont choisi d’appliquer l’AUM, même si le lieu de la médiation est à l’étranger.
L’AUM, de par son caractère communautaire, s’applique de manière uniforme dans l’ensemble des 17 États membres de l’OHADA, garantissant aux entreprises une seule et même loi de la médiation.
II. Les Principes Directeurs de la Médiation (Chapitre 2)
L’AUM consacre cinq principes fondamentaux qui garantissent l’équité et l’efficacité du processus.
1. Le Consentement et la Liberté des Parties (Art. 3, 5)
La médiation est fondamentalement un processus volontaire. Les parties ont la liberté de :
- Choisir le Médiateur (personne physique ou morale, comme un centre de médiation).
- Déterminer les Modalités (lieu, langues, durée).
- Mettre fin au Processus à tout moment (droit de retrait).
L’accord de médiation peut résulter d’une clause de médiation insérée dans un contrat (prévoyant le recours à la médiation en cas de litige futur) ou d’un compromis de médiation (accord conclu après la naissance du litige).
2. La Confidentialité (Art. 4)
Ce principe est la pierre angulaire de la médiation et la rend attractive pour les entreprises.
- Absolue : Tout ce qui est dit, échangé ou produit au cours de la médiation est strictement confidentiel.
- Conséquence : Les documents et déclarations effectués en médiation ne peuvent être produits ou invoqués dans une procédure judiciaire ou arbitrale ultérieure, sauf accord exprès des parties ou exigence légale.
- Rôle du Médiateur : Le médiateur ne peut témoigner des faits ou des propos dont il a eu connaissance dans le cadre de la médiation.
3. Le Caractère Privé et la Suspension (Art. 7)
- Suspension de la Prescription : L’AUM prévoit qu’à compter de la date de conclusion de l’accord de médiation, les délais de prescription de l’action en justice ou en arbitrage sont suspendus. C’est un point juridique crucial, car il permet aux parties de négocier sereinement sans craindre que leur droit d’agir ne soit éteint. La prescription recommence à courir à partir de la date de l’échec ou de la fin de la médiation.
III. Le Rôle et le Statut du Médiateur (Chapitre 3)
Le médiateur est le catalyseur de l’accord. Son statut est précisément encadré par l’AUM.
1. L’Impartialité et l’Indépendance (Art. 8)
Le médiateur doit être indépendant des parties et se comporter de manière impartiale tout au long du processus.
- Révélation des Conflits : Avant d’accepter sa mission, il a l’obligation de révéler toute circonstance qui pourrait affecter son impartialité ou son indépendance (relation antérieure avec une partie, intérêt financier, etc.).
- Absence de Mandat de Représentation : Le médiateur n’est pas l’avocat d’une partie. Son rôle est de faciliter le dialogue, de rétablir la communication, et d’aider les parties à explorer des solutions créatives et mutuellement acceptables.
2. La Neutralité et la Liberté d’Action (Art. 9)
Le médiateur est libre de conduire la médiation de la manière qu’il juge appropriée, mais il est toujours tenu de :
- S’assurer que les parties sont traitées avec équité.
- Tenir compte des circonstances du différend et des souhaits des parties.
- Respecter le secret professionnel.
Il peut rencontrer les parties ensemble, ou séparément (caucus), selon ce qui est le plus propice au dénouement.
IV. La Fin de la Médiation et l’Accord (Chapitre 4)
La médiation se termine par un succès (accord) ou un échec (rupture du processus).
1. Les Modalités de Fin (Art. 13)
La médiation prend fin dans les cas suivants :
- Par la signature d’un accord transactionnel (succès).
- Par décision du médiateur si le processus ne peut se poursuivre (ex: mauvaise foi manifeste d’une partie).
- Par décision d’une partie de se retirer du processus (droit de retrait).
- Par l’expiration du délai convenu par les parties pour la médiation.
2. La Force Exécutoire de l’Accord (Art. 14)
L’accord issu de la médiation, signé par toutes les parties, a une valeur contractuelle (il lie les parties).
Pour lui conférer la force exécutoire (c’est-à-dire pouvoir le faire exécuter par la contrainte en cas de non-respect, comme une décision de justice) :
- L’accord doit être soumis au juge compétent (généralement le Président de la juridiction compétente au siège de la médiation).
- Le juge vérifie uniquement si l’accord est conforme à l’ordre public et qu’il porte sur des droits dont les parties avaient la libre disposition.
- Si ces conditions sont remplies, le juge délivre la formule exécutoire (équivalent de l’exequatur), et l’accord a alors la même valeur qu’un jugement définitif.
Cette disposition est le point fort de l’AUM, car elle sécurise l’accord amiable en lui donnant la même robustesse juridique que l’Arbitrage.
V. La Dualité OHADA : Médiation et Arbitrage
L’adoption simultanée de l’AUA et de l’AUM n’est pas un hasard. Elle répond à une stratégie globale de l’OHADA : doter les entreprises de la panoplie complète des MARD.
- Clause Parapluie : Il est désormais courant dans les contrats d’investissement de prévoir une clause « Médiation-Arbitrage » (Med-Arb) :
- Tentative de médiation obligatoire dans un délai limité (ex: 30 jours).
- En cas d’échec, le différend est soumis à l’arbitrage.
- Complémentarité : L’AUM permet aux parties de sauver leur relation et de trouver une solution sur mesure. L’AUA prend le relais si le désaccord est trop profond pour être résolu par le consensus. L’OHADA garantit que, quel que soit le processus choisi, le cadre juridique est moderne et harmonisé.
Conclusion : La Médiation, Outil de Performance Commerciale
L’Acte Uniforme sur la Médiation (AUM 2017) est une étape majeure pour la promotion d’une culture de la négociation et du règlement consensuel en Afrique. En garantissant la confidentialité, l’indépendance du médiateur et, surtout, la force exécutoire de l’accord par le biais du juge, l’OHADA a créé un mécanisme puissant pour une justice rapide et efficace.
Pour les entreprises, inclure une clause de médiation conforme à l’AUM dans leurs contrats n’est plus une option, mais une stratégie de résilience qui protège les actifs, préserve les partenariats, et réduit considérablement le coût des litiges.