Au premier abord, certains esprits pressés pourraient s’interroger, presque avec étonnement : « 25 ans de service… et seulement Docteur ? » La question est légitime. Mais elle est incomplète. Je vous invite donc à lire ces lignes jusqu’au bout, car derrière ce titre se cache une trajectoire rare, presque dérangeante à l’ère des carrières calibrées et des ambitions pressées.
Le 19 décembre 2025 restera gravé comme un jour singulier à l’Université de Dschang. Un mentor célèbre 25 années de service. Un enseignant se retire administrativement. Mais, comme l’a rappelé avec justesse le Professeur Bipele Kemfouedio, « le Docteur ne nous quitte pas ». L’Université de Dschang est sa maison. Et une maison ne se quitte jamais vraiment lorsqu’on en a posé les fondations avec amour. D’ailleurs ! un vieux dicton africain affirme que « Le maître disparaît le jour où ses élèves cessent de marcher. »
Qui est le Dr Ernest Folefack ?

Un adage africain exprime que « Là où est ton cœur, là est ta patrie. »
Assister à un homme raconter lui-même son parcours est toujours un privilège. Mais écouter Son Enseignant parler sans fard de ses origines, c’est une leçon d’humilité.
Le Dr Ernest Folefack, Camerounais d’expression bilingue, a grandi à Lebang-Fontem fréquenté une école primaire Catholique à Fondenera, un groupement de villages de l’Ouest Cameroun, dans le département de la Menoua terre de ses grands-parents de son père. Enfant, comme beaucoup, il rêvait d’un uniforme : il se voyait gendarme, aux côtés de son frère jumeau aujourd’hui disparu.
Après l’obtention de son CEP, son destin bascule discrètement. Grâce à l’aide d’un instituteur figure silencieuse mais décisive, il est inscrit au Lycée Classique de Dschang, alors unique établissement secondaire public de la Menoua. Son père, polygame, ne disposait pas des moyens nécessaires pour financer ces études. Déjà, la solidarité humaine traçait le chemin.
Plus tard, après une licence en Droit de l’ancienne université de Yaoundé, il s’inscrit à l’université de Bordeaux grâce à une bourse du Gouvernement français. A Bordeaux il a contenu la Maitrise, un DEA et un doctorat. Le Dr. Folefack sera sollicité par le Professeur Paul-Gérard POUGOUé pour embrasser la carrière universitaire. En 1999, son nom apparaît à la fois à Yaoundé et à Dschang, après dépôts de dossiers dans plusieurs villes, y compris Douala.
Pourtant, le jeune docteur hésite. Déjà inséré professionnellement en Occident, il prend une décision rare : faire une pause. Une année entière sans rentrer, malgré un recrutement effectif. Puis, par amour pour son pays, sans même passer l’oral, il choisit de revenir servir. En 2000, commence sa carrière à l’Université de Dschang.
Pourquoi seulement Docteur après 25 ans de carrière ?

Une maxime en Droit dit que : « Non omne quod licet honestum est » Tout ce qui est possible n’est pas forcément honorable.
Le Dr Folefack raconte un souvenir fondateur. Le jour de son premier cours en amphithéâtre, le Cameroun venait d’être classé PPTE (pays pauvre très endetté.) Profondément choqué, il commence son enseignement en critiquant frontalement cette qualification. Au fond de l’amphi, une voix lance : « Celui-là est un opposant ! » Tout était dit. Depuis lors, la trajectoire est cohérente. Le Dr Folefack a toujours choisi son camp : celui des opprimés, des minorités, des pauvres, des sans-voix. Sa carrière académique ne fut jamais une fin en soi, mais un outil au service de l’humain. Les avancements ? Secondaires. L’urgence, pour lui, était ailleurs.
Il ira jusqu’à confier que c’est l’ancien doyen de la faculté des sciences juridiques et politiques de l’université de Dschang, le Professeur Anoukaha, qui dut l’insister fermement pour qu’il signe les documents lui permettant de monter au grade de chargé de cours.
Un humanisme vécu, non proclamé

Un proverbe Africain exprime que :« Quand la route est juste, même les étrangers la reconnaissent. »
Pour le Dr Ernest Folefack, bien enseigner, c’est transmettre. Mais une fois le cours terminé, il fonçait ailleurs vers l’humanitaire, souvent dans la discrétion la plus totale. Même ses collègues ignoraient l’ampleur de ses engagements. Depuis le début de la crise anglophone dans le NOSO, ses actions parlent d’elles-mêmes. À travers ses programmes, il a facilité l’intégration des déplacés internes à Dschang, sans discrimination. Il a servi d’intermédiaire dans le Lebialem entre populations civiles et forces de défense. Il a continué à soutenir les victimes de la guerre par des aides alimentaires et logistiques.
Le Chef de département, le Professeur Gnimpieba Édouard Tonang, le dira sans détour :
« C’est le seul à détenir toutes les statistiques relatives aux déplacés de la crise anglophone dans la Menoua. » Il ajoutera, avec une sincérité rare : « Il a toujours eu une longueur d’avance sur son époque. Je l’ai toujours envié, malgré ma posture. » Quand des représentants de grandes organisations internationales arrivaient à Dschang, ils demandaient à rencontrer le Dr Folefack avant même les autorités administratives.
Dr Folefack Ernest : un humaniste par l’action

Une maxime en droit dit que : « Fiat justitia, pereat mundus » Que la justice soit faite, quand bien même le monde devrait en trembler.
Calme, serein, Peu bavard. Ce genre d’homme parle par ses œuvres, pas par le bruit. Pionnier du procès simulé à Dschang dès 2004, il a contribué à donner une visibilité internationale à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’université de Dschang (Cameroun). Son équipe remportera une finale internationale, révélant le génie de nombreux étudiants. Il le dit lui-même, sans triomphalisme : « Aucun étudiant ayant participé au procès simulé à l’Université de Dschang n’est au chômage. » À titre d’illustration, Maître Dylan Yomto, aujourd’hui avocat stagiaire, est l’un des fruits de cette initiative portée par l’ONG Fountain of Justice Cameroon (FJC). Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Tous ces projets étaient menés à la main, sans moyens spectaculaires, mais avec une foi inébranlable.
Il est également l’un des piliers de la filière Droit de l’homme, Droit pénal international et Droit international humanitaire à l’Université de Dschang. Longtemps redoutée pour son caractère prétendument subversif, cette discipline a trouvé en lui un défenseur éclairé. Aujourd’hui, de grands experts camerounais en droits de l’homme sortent de ce Master, où il dispense le Droit international humanitaire.
Des œuvres qui parlent d’elles-mêmes
- Fondateur et principal dirigeant de l’ONG Fountain of Justice Cameroon (FJC)
- Plus de 20 anciens étudiants devenus enseignants, dont le Professeur Robert Assontsa, qui lui rendra un vibrant hommage
- Coach de l’équipe de plaidoirie victorieuse à Lagos en août 2009, sur 72 équipes africaines, avec un étudiant élu meilleur plaideur
- Depuis 2012, Secrétaire national aux Affaires juridiques, du contentieux et des libertés du syndicat des enseignants du supérieur, défendant enseignants et étudiants de toutes les universités d’État du Cameroun
Mot de fin

Le Dr Folefack Ernest nous rappelle une vérité que notre époque oublie trop vite : la grandeur ne se mesure pas aux grades, mais à l’impact. Il est devenu enseignant par vocation, et non par conviction. Et c’est précisément pour cela que son héritage restera. « L’homme passe, le service demeure. »

