Télécharger le Cours de justice et ses institutions complet par le Pr. Kuaté Tameghé Sylvain Sorel ( Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’université de Yaoundé II).

Table of Contents

UNIVERSITE DE YAOUNDE II

  • BP 1365 YAOUNDE, BP 18 SOA
  • FACULTE DES SCIENCES  JURIDIQUES  ET POLITIQUES    
  • BP 1365 YAOUNDE, BP 18 SOA

I. OBJECTIF PEDAGOGIQUE 

Autrefois baptisé « Introduction générale au droit processuel », l’enseignement se rattache à la catégorie de ceux que l’on qualifie de complémentaires. D’un volume de 30 heures, réparties en 10 séances de cours, il se passe à ce jour de travaux dirigés.

Un objectif majeur, à double détente, est recherché. Il s’agit d’initier l’étudiant au Droit processuel, qui sera approfondi dans le cours de sa formation lors de l’étude de la « Procédure civile », de la « Procédure pénale », du « Contentieux administratif », du « Contentieux constitutionnel », du « Contentieux fiscal », des « Voies d’exécution », des « Modes alternatifs de règlement des différends », etc. Il s’agit de stimuler les habiletés de l’apprenant sur le terrain de la mise en œuvre de la norme juridique. Autant dire que celuici  devrait pouvoir orienter ou s’orienter vers la justice, conseiller le justiciable non averti dans des cas peu complexes, prêter main-forte aux personnes dans le cadre du règlement alternatif des différends. Cela suppose une bonne maîtrise de l’ « appareil judiciaire » et une vision claire des métiers du droit liés à la justice.

II. APPROCHE PEDAGOGIQUE

L’enseignement est dispensé tantôt en mode présentiel, tantôt en mode distantiel, tantôt en combinant ces procédés. En tout état de cause, un support de cours et une fiche pédagogique sont rendus disponibles. Dans le cours de l’enseignement et après coup, des échanges sont ouverts sur les points névralgiques insuffisamment compris par l’apprenant.

III. RESUME DU COURS

Le cours est structuré autour de deux axes.

Le premier axe s’intéresse aux juridictions étatiques. Y sont examinés : le tribunal du premier degré, le tribunal coutumier, les « alkali courts », les « customary courts », les tribunaux de première et de grande instance, le tribunal militaire, la commission provinciale du contentieux de la prévoyance sociale, le conseil d’arbitrage, le tribunal administratif régional, le tribunal régional des comptes, la cour d’appel, la haute cour de justice, la cour suprême, le conseil constitutionnel…

Le second axe s’intéresse au personnel de la justice. Une place à part y est réservée aux magistrats, avec un accent sur les catégories de magistrats, l’accès à la profession et son exercice, etc. Une place non moins importante y est réservée aux auxiliaires de justice : avocats, huissiers de justice, notaires, fonctionnaires des greffes, fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, officiers et agents de la police judiciaire, mandataires judiciaires…

Au gré des contraintes liées au temps, l’étude des principes directeurs du procès pourrait être inscrite à l’ordre du jour.

  1. ORGANISATION DE L’ENSEIGNEMENT

Le séquençage de l’enseignement par séance se décline dans le tableau ci-après.

Séances Programmation Contenu 

 

Séance 1. (date-jourheure) « Prise de contact » et « entrée en matière».

La séance de cours comporte deux articulations.

La première articulation est réservée à la présentation de la fiche pédagogique, avec un accent sur les modalités de l’enseignement, les objectifs à atteindre, le positionnement du cours dans le parcours académique, la bibliographie, l’évaluation.

La seconde articulation est réservée aux mises au point notionnelles et à la délimitation du périmètre de l’enseignement (la notion de justice, la notion d’institutions de la justice, la justice alternative). Séance 2.  (date-jour- Les juridictions traditionnelles de l’ex-Cameroun oriental.

heure) La séance de cours est consacrée à l’étude du tribunal du premier degré et à celle du  tribunal coutumier, avec un temps d’arrêt sur leur composition, leur organisation, leur compétence.

Séance 3. (date-jour- Les juridictions traditionnelles de l’ex-Cameroun occidental.  heure) La séance de cours comporte deux moments. L’un de ceux-ci est consacré aux Customary courts, avec un point d’attention particulier sur leur composition, leur organisation, leur compétence. L’autre est consacré aux Alkali courts, avec un accent sur leur composition, leur organisation, leur compétence.

Séance 4.      (date-jour-  Le tribunal de première instance et le tribunal de grande instance. L’étude heure)      s’opère à travers différents points. Au nombre de ceux-ci : la composition desdites juridictions, leur organisation, leur compétence proprement dite, la compétence des chefs de juridictions.

Séance 5.      (date-jour-  La commission provinciale du contentieux de la prévoyance et le conseil heure)        d’arbitrage.

L’étude s’opère à travers l’examen de leur organisation et de leur compétence.

Séance 6. (date-jour- Le tribunal militaire et le tribunal criminel spécial.  heure) L’étude se réalise à la lumière des règles qui touchent à leur organisation, à leur compétence et à quelques-uns des éléments de procédure saillants devant ces juridictions.

Séance 7.         (date-jour-             La haute cour de justice, la cour d’appel.

heure) Un temps est consacré à l’examen de la composition et de l’organisation de ces juridictions, mais également à leur compétence. Enfin, un mot est dit sur les missions que la loi réserve au président de la cour d’appel.

Séance 8.         (date-jour-             La cour suprême.

heure) La séance se structure autour de l’examen de son ressort, de sa composition, de son organisation, de la compétence matérielle des chambres et de celle de quelques-uns des organes essentiels de la cour (chambres réunies, assemblée générale, sections réunies, premier président, etc.)

Séance 9.         (date-jour-             Le tribunal administratif, le tribunal régional des comptes.

heure) Sont abordées ici : la composition de ces juridictions, leur organisation, leur compétence et celle de leurs présidents.

Séance             (date-jour-             La ressource humaine essentielle.

  1. heure) Il s’agit du magistrat, de l’avocat, de l’huissier de justice, du notaire, des fonctionnaires des greffes, des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, du personnel affecté à la police judiciaire, des mandataires judiciaires, des experts, etc.

Le TPE porte, entre autres, sur la lecture des textes et documents relatifs au personnel judiciaire et auxiliaire de justice

 

V. INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

A. Ouvrages

  • ADER H., BORTOLUZZI S, DAMIEN A., WICHERS T., Règles de la profession d’avocat, Dalloz, Paris, 2018
  • AKA N., FENEON A., TCHAKOUA J.M., Le nouveau droit de l’arbitrage et de la médiation en Afrique (OHADA), LGDJ, Lextenso éditions, Paris, 2018
  • ALBERT J.P., AYADI-TAKERKATK S., La justice, éd. Fleurus, Paris, 2013
  • AMBOULOU H.D., Le droit de l’arbitrage et des institutions de médiation dans l’espace OHADA, l’Harmattan, Paris, 2015
  • AMBOULOU H.D., Le notaire et le service public, l’Harmattan, Paris, 2008
  • AMRANI-MEKKI S., Guide des modes alternatifs de règlement des litiges, LexisNexis, Paris, 2018 – ANGIBAUD B., Le parquet, Que sais-je ? PUF, Paris 1999

ANOUKAHA F. (dir.), Les grandes décisions de la jurisprudence pénale camerounaise, SOPECAM, Yaoundé, 2020

ANYANGWE C., The magistracy and the bar in Cameroon, CEPER, Yaoundé, 1989

ANYANGWE C., The cameroonian judicial system, CEPER, Yaoundé, 1987

ASSIEHUE A., LAURIOL T., Le droit de l’arbitrage CCJA, Lexis Nexis, Paris, 2018

  • ASSIRA C., Procédure pénale et pratique des juridictions camerounaises, Ed. Clé, Yaoundé, 2011
  • ATANGANA MESSANGA N., La pratique des greffes, Minos, Yaoundé, 2002
  • BADUGUE P.L., Manuel de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, Academial’Harmattan, Louvain-la-Neuve, 2020
  • BEIGNIER B., MINALTO L., PERROT R., Institutions judiciaires, LGDJ, Paris, 2017
  • BEN ACHOUR R., LAGHMANI S. (dir.), Justice et juridictions internationales, Pédone, Paris, 2000
  • BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, Dalloz, Paris 2011
  • BINYOUM J., NGWESE NGOLE Ph., Eléments de contentieux administratif camerounais, l’Harmattan, Paris, 2011
  • BLOHORN-BRENNEUR B., La médiation pour tous dans l’espace OHADA et en Afrique de l’Ouest. Théorie, pratique et cadre juridique de la médiation, l’Harmattan, Paris, 2018
  • BOYER CHAMMARD G., Les magistrats, PUF, Paris, 1985
  • BOULARD D., DE CHARRETTE L., Les notaires, Seuil, Paris, 2012
  • BOULEZ J., Expertises judiciaires, Delmas, Paris, 2018
  • BRACONNAY N., Leçons d’institutions juridictionnelles, Ellipses, Paris, 2015
  • BRANLARD J.P., L’essentiel de l’organisation judiciaire en France, Gualino, Paris, 2017
  • BRUSORIO-AILLAUD M., HERAUD A., MAURIN A., Institutions juridictionnelles, Sirey, Paris, 2020
  • BUISSON J., Police, pouvoirs, devoirs, Dalloz, Paris, 2019
  • BULLIER A.J., Réflexion sur le procès de Common law, Brulant, Bruxelles, 2015
  • CADIET L., CLAY T., Les modes alternatifs de règlement des différends, Dalloz, Paris, 2019
  • CADIET L., CLAY T., JEULAND E., Médiation et arbitrage, Litec, Paris, 2009
  • CADIET L., JEULAND E., Droit judiciaire privé, Lexis Nexis, Paris, 2017
  • CAYROL N., Procédure civile, Dalloz, Paris, 2020
  • CHABANOL D., Le juge administratif, LGDJ, Paris, 1993
  • CHAINAIS C., FERRAND F., MAYER L., GUINCHARD S., Procédure civile, Dalloz, Paris, 2020
  • CHAPPUIS B., GURTNER J., La profession d’avocat, Schulthess-LGDJ, Paris, 2021
  • CLAY Th., L’arbitre, Dalloz, Paris, 2001
  • CONUS A., La conciliation judiciaire, l’Harmattan, Paris, 2020
  • DEBARD T., GUINCHARD S., VARINARD A. et alii, Institutions juridictionnelles, Dalloz, Paris, 2019
  • DEBOVE F., Magistrat, Dalloz, Paris, 2019
  • DECOCQ A., MONTREUIL J. et BUISSON J., Le droit de la police, Litec, Paris, 1998
  • DELFORGE C., RENSON P.P., Code de la médiation, Larcier, Bruxelles, 2013
  • DE LORGERIL D., Procédure civile et nouvelles technologies, l’Harmattan, Paris, 2017
  • DIPANDA MOUELLE A. (dir.), Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême du Cameroun, tomes 1, 2, 3, 4, Yaoundé, 2011
  • DIPANDA MOUELLE A. (dir.), Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême du Cameroun, tomes 1, 2, 3, 4, Yaoundé, 2009
  • DJIAZET MBOU MBOGNING S., L’accès à la justice au Cameroun, l’Harmattan, Yaoundé, 2015
  • DOGUE K.O.C., Guide pratique de la médiation OHADA, D. et Partners éditions, Cotonou, 2021
  • DOUENCE M., AZAVANT M., Institutions juridictionnelles, Dalloz, Paris, 2019
  • EBA’A G.R., Les grands moments de la justice au Cameroun, PUCAC, Yaoundé, 2010
  • EYIKE-VIEUX, L’application du droit OHADA par les juridictions camerounaises. Le cas des juridictions de Douala, PUA, Yaoundé, 2017
  • EYIKE-VIEUX, L’audience en procédure pénale camerounaise, PUA, Yaoundé, 2007
  • EWANG SONE A., Readings in the criminal procedure Code, PUA, Yaoundé, 2007
  • FADLALLAH D., HASCHER D., Les grandes décisions du droit de l’arbitrage, Dalloz, Paris, 2020
  • FAVOREU L., GAÎA P. et alii, Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 2020
  • FOYER J., Histoire de la justice, Que sais-je ? PUF, Paris, 1996
  • FRICERO N., Les institutions judiciaires, Mémentos LMD, Gualino, Paris, 2020

GHIRARDI O.A., Le raisonnement judiciaire, éd. Bière, Bibliothèque de philosophie comparée, Paris, 1999

GUILLET M.B., POMES E., Institutions juridictionnelles et administratives, Studyrama, Paris, 2013

GUINCHARD S. (dir.), Droit processuel, Dalloz, Paris, 2017

GUINCHARD S., FERRAND F., CHAINAIS C. et alii, Procédure civile, Dalloz, Paris, 2019

  • GUINCHARD S., VARINARD A., DEBARD T., Institutions juridictionnelles, Dalloz-Sirey, Paris, 2017
  • HERAUD A., Institutions juridictionnelles, Sirey, Paris, 2015
  • HERON J., LE BARS Th., Droit judiciaire privé, Domat-Montchrestien, Paris, 2015
  • JEULAND E., Droit processuel général, Montchrestien-Domat, Paris, 2018
  • JACOBS J.I.M., The fabric of English civil justice, Stevens and sons, Londres, 1987
  • KAMTO M., Droit administratif processuel du Cameroun, PUC, Yaoundé, 1990
  • KANDIL F., Fondements de la justice, PUF, Paris, 2012
  • KEMFOUET KENGNY E.D., Les juridictions d’intégration économique en Afrique, LGDJ, Paris, 2018
  • KERE KERE G., Droit civil processuel, SOPECAM, Yaoundé, 2006
  • KERNALEGUEN F., Institutions judiciaires, Lexis Nexis, Paris, 2015
  • KEUBOU Ph., Précis de procédure pénale camerounaise, PUA, Yaoundé, 2010
  • KEUTCHA TCHAPNGA C., Les grandes décisions annotées de la juridiction administrative du Cameroun, l’Harmattan, Yaoundé, 2017
  • KEUTCHA TCHAPNGA C., Précis de contentieux administratif, l’Harmattan, Paris, 2013
  • KUATE TAMEGHE S.S., La justice, ses métiers, ses procédures, l’Harmattan, Paris, 2021
  • LAM C.T., La modernisation de la justice au Sénégal, l’Harmattan, Paris, 2019
  • LASSERRE JEANNIN F., Institutions juridictionnelles, Foucher, Paris, 2010
  • LECUCQ O., La composition des juridictions, Bruylant, Bruxelles, 2014
  • LUZOLO BAMBI LESSA E.J., Traité de droit judiciaire. La justice congolaise et ses institutions, P.U.C., Kinshasa, 2018
  • MAH E.P, La profession d’huissier de justice au Cameroun, l’Harmattan, Paris, 2014
  • MANGIN G., L’organisation judiciaire des Etats d’Afrique et de Madagascar, LGDJ, Paris, 1962
  • MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Academia, Bruylant, Louvain-la-Neuve, 2006
  • MAURIN A., Institutions juridictionnelles, Dalloz-Sirey, Paris, 2015
  • MBAH-NDAM J., Practice and procedure in civil and commercial litigation, P.U.A., Yaoundé, 2003
  • MBARGA A., Procédure civile camerounaise, Primalex, Achicourt, 2012
  • MBOME F., Le contentieux fiscal camerounais, PUA, Yaoundé, 2000
  • MINJUSTICE, Rapport du ministère de la justice sur l’état des droits de l’homme au Cameroun en 2016, 2015, 2014, Yaoundé, 2017, 2016, 2015
  • MINKOA SHE A., Droits de l’homme et droit pénal au Cameroun, Economica, Paris, 1999
  • MOUTASSI J.P., Les techniques d’enquête criminelle, l’Harmattan, Yaoundé, 2017
  • MPINDA F.A., Le procureur de la République au Cameroun, PUA, Yaoundé, 2016
  • MOLFESSIS N. (dir.), Les revirements de jurisprudence, Lexis Nexis, 2005
  • MOUSSA T. (dir.), Droit de l’expertise 2021-2022, Dalloz, Paris, 2020
  • NDJERE E., Le ministère public ou parquet, PUCAC, Yaoundé, 2009
  • NGANGO YOUMBI E., La justice constitutionnelle, l’Harmattan, Paris, 2016
  • NGOLE NGWESE Ph., BINYOUM J., Eléments de contentieux administratif camerounais, l’Harmattan, Paris, 2011
  • NOLLEZ-GOLDBACH R., La cour pénale internationale, Que-sais-je, Paris, 2018
  • NYAMA J.M., Droit et contentieux du travail et de la sécurité sociale au Cameroun, PUCAC, Yaoundé, 2012
  • OHADA (CCJA), Guide d’arbitrage de la CCJA-OHADA, www.ohada.org, 2018
  • ONDOA M., Textes et documents du Cameroun (1815-2012), Vol. I, VII, IX, XV, XVI, XXI, LIV, EDLK, Yaoundé, 2014
  • OWONA J., Contentieux administratif de la République du Cameroun, l’Harmattan, Cameroun, 2011
  • PERROT R., Institutions judiciaires, Montchrestien, Paris, 2012
  • PLANE J.M., Théorie des organisations, Dunod, Malakoff, 2017
  • POUGOUE P.-G., L’arbitrage dans l’espace OHADA, Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, tome 380, Brill Nijhoff, Leiden/Boston, 2016

POUGOUE P.-G., KUATE TAMEGHE S.S. (dir.), Les grandes décisions de la cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, l’Harmattan, Paris, 2010

POUGOUE P.G., MIENDJIEM I.L., Droit camerounais du travail. P.U.A., Yaoundé, 2021

PRADEL J., VARINARD A., Les grands arrêts de la procédure pénale, Dalloz, Paris, 2020

PUA, La justice camerounaise et ses nouvelles institutions, PUA, Yaoundé, 2009

  • PUA, Code pénal et lois pénales annexes, PUA, Yaoundé, 2015
  • RAWLS J., Théorie de la justice, traduction C. Audard, Seuil, Paris, 1997
  • RAYNAUD J., La cour des comptes, PUF, Paris, 1998
  • RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, Economica, Paris, 1984
  • RICARD Th., Le conseil supérieur de la magistrature, PUF, Paris, 1990
  • RIGAUX M., HUMBLET P. (dir.), Conciliation, médiation et arbitrage, Bruylant, Bruxelles, 2011
  • ROUQUETTE R., Petit traité du procès administratif, Dalloz, Paris, 2020
  • ROUSSILON H., Le conseil constitutionnel, Dalloz, Paris, 2004
  • RUYMBEKE R.V., Le juge d’instruction, PUF, Paris, 2016
  • SINDJOUN L., « Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine… », Bruylant, Bruxelles, 2009
  • SMITH A., Leçons sur la jurisprudence, Dalloz, Paris, 2009
  • SOKENG R., Les institutions judiciaires au Cameroun, 4ème éd., Macacos, Douala, 2005
  • TCS, Recueil des arrêts du tribunal criminel spécial, tomes 1, 2, 3, 4, 5, Yaoundé, 2020
  • TAISNE J.-J., La déontologie de l’avocat, Dalloz, Paris, 2019
  • TAISNE J.-J., Institutions juridictionnelles, Dalloz, Paris, 2020
  • TCHAKOUA J.-M., Introduction générale au droit camerounais, PUCAC, Yaoundé, 2017
  • TCHAKOUA J.M. (dir.), Les grandes décisions du droit travail et de la sécurité sociale, Jusprint, Yaoundé, 2016
  • TCHOKOMAKOUA V., KENFACK P.E., Droit du travail camerounais, PUA, Yaoundé, 2000
  • TRICOIT J.-Ph., La médiation judiciaire, l’Harmattan, Paris, 2008
  • VASSINE T., Les institutions judiciaires. L’organisation judiciaire, Enrick B. éd., Bruxelles, 2016
  • VUITTON X., La juridiction du président, Litec, Paris, 2011
  • WILF I., Comprendre la justice, éd. Des citoyens, Paris, 2013
  • YAWAGA S., La police judiciaire au Cameroun, PUA, Yaoundé, 2009
  • YAWAGA S., L’information judiciaire dans le code camerounais de procédure pénale, PUA, Yaoundé, 2007
  • YOUCHE J.M., La justice au Cameroun, Imprimerie nationale, Yaoundé, 1986

B. Textes essentiels

Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Traité relatif à l’harmonisation en Afrique du droit des affaires

Traité portant révision du traité relatif à l’harmonisation en Afrique du droit des affaires

Traité révisé de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale

Traité instituant la Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale

Traité révisé de l’Union économique et monétaire ouest africaine

Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage

Acte uniforme relatif à la médiation

Protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

Accord de coopération judiciaire entre les Etats membres de la CEMAC

Constitution de la République du Cameroun

Code de procédure civile et commerciale

Code de procédure pénale

Code de justice militaire

Code pénal

Loi n° 2019/014 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun

Loi n° 2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission des droits de l’homme du Cameroun

Loi n° 2018/014 du 11 juillet 2018 portant organisation et promotion des activités physiques et sportives au Cameroun

Loi n° 2017/014 du 12 juillet 2017 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême

Loi n° 2016/014 du 14 décembre 2016 fixant le capital social minimum et les modalités de recours aux services du notaire dans le cadre de la création d’une société à responsabilité limitée

Loi n° 2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme

Loi n° 2014/015 du 18 juillet 2014 fixant les procédures de fonctionnement des d’enquêtes parlementaires

Loi n° 2012/015 du 21 décembre 2012 modifiant la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel

Loi n° 2012/016 du 21 décembre 2012 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel

Loi n° 2012/011 du 16 juillet 2012 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création d’un tribunal criminel spécial

Loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire

Loi n° 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création d’un tribunal criminel spécial

Loi n° 2009/004 du 14 avril 2009 portant organisation de l’assistance judiciaire

Loi n° 2008/003 du 14 avril 2008 régissant les dépôts et consignations

Loi n° 2008/013 du 29 décembre 2008 relative au règlement du contentieux lié à l’emploi temporaire dans la fonction publique

Loi n° 2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l’exécution et fixant les conditions de l’exécution des actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales étrangères

Loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire

Loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême

Loi n° 2006/017 du 29 décembre fixant l’organisation, les attributions et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes

Loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs

Loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême

Loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel

Loi n° 2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel

Loi n° 2003/005 du 21 avril 2003 fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement de la chambre des comptes de la Cour suprême

Loi n° 2003/009 du 10 juillet 2003 portant désignation des juridictions compétentes visées à l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et fixant leur mode de saisine

Loi n° 2001/017 du 18/12/2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des cotisations sociales

Loi n° 92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice

Loi n° 90/59 du 19 décembre 1990 portant organisation de la profession d’avocat

Loi n° 90/60 du 19 décembre 1990 portant création et organisation de la Cour de sûreté de l’Etat

Loi n° 88/015 du 16 décembre 1988 fixant l’assiette des émoluments des greffes des cours et des tribunaux

Loi n° 82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du conseil supérieur de la magistrature, modifiée par la loi n° 86/16 du 28 juillet 1989

Loi n° 79/4 du 29 juin 1979 portant rattachement des customary courts et alkali courts au ministère de la justice

Ordonnance n° 73/17 du 22 mai 1973 portant organisation de la prévoyance sociale modifiée par la loi n° 84/06 du 4 juillet 1984

Décret n° 2015/2527/PM du 16 juillet 2015 fixant les modalités d’application de la loi n° 017/2001 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des créances des cotisations sociales

Décret n° 2016/372 du 04 août 2014 fixant et complétant certaines dispositions du décret n° 2012/540 du 19 novembre 2012 portant organisation de la délégation générale à la sûreté nationale

Décret n° 2014/2377/PM du 13 août 2014 fixant les conditions et les modalités de prise en charge des assurés volontaires au régime d’assurance pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès.

Décret n° 2013/7899/PM du 13 septembre 2013 fixant la composition, l’organisation et les modalités de fonctionnement de la commission nationale de la concurrence

Décret n° 2013/234 du 18 juillet 2013 portant règlementation des annonces légales et judiciaires

Décret n° 2013/131 du 03 mai 2013 portant création, organisation et fonctionnement du corps spécialisé d’officiers de police judiciaire du tribunal criminel spécial

Décret n° 2013/288 du 04 septembre 2013 portant modalités de restitution du corps du délit

Décret n° 2013/234 du 18 juillet 2013 portant règlementation des annonces légales et judiciaires

Décret n° 2012/539 du 19 novembre 2012 portant statut du corps des fonctionnaires de la Sûreté nationale

Décret n° 2012/389 du 18 septembre 2012 portant organisation du ministère de la justice

Décret n° 2012/223 du 15 mai 2012 portant organisation administrative du tribunal criminel spécial

Décret n° 2012/188 du 18 avril 2012 modifiant et complétant l’article 11 nouveau du décret n° 2004/080 du 13 avril 2004 modifiant certaines dispositions du décret n° 95/048 du 8 mars 1995 portant statut de la magistrature

Décret n° 2012/202 du 19 avril 2012 modifiant et complétant certaines dispositions du décret n° 2012/120 du 15 mars 2012 portant ouverture de tribunaux de première et de grande instance

Décret n° 2012/119 du 15 mars 2012 portant ouverture des tribunaux administratifs

Décret n° 2012/120 du 15 mars 2012 portant ouverture de tribunaux de première et de grande instance

Décret n° 2012/121 du 15 mars 2012 portant création d’un centre de documentation juridique, judiciaire multimédia

Décret n° 2012/189 du 18 avril 2012 modifiant et complétant certaines dispositions du décret n° 200/310 du 3 novembre 2000 modifiant le tableau annexe A du décret n° 95/048 du 8 mars 1995 portant statut de la magistrature

Décret n° 2012/223 du 15 mai 2012 portant organisation administrative du tribunal criminel spécial

Décret n° 2011/105 du 15 avril 2011 portant organisation et fonctionnement de la caisse des dépôts et consignations

Décret n° 2011/020 du 4 février 2011 portant statut spécial des fonctionnaires des greffes

Décret n° 2010/0365 du 29 novembre 2010 portant statut spécial du corps des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire

Décret n° 2005/253 du 30 juin 2005 portant organisation et fonctionnement du secrétariat général du Conseil constitutionnel

Décret n° 2005/122 du 15 avril 2005 portant organisation du ministère de la justice

Décret n° 98/170 du 27 août 1998 modifiant et complétant le décret n° 79/448 du 5 novembre 1979 portant règlementation des fonctions et fixant le statut des huissiers de justice

Décret n° 91/021 du 24 décembre 1998 août 1998 portant instruction interministérielle du 12 octobre 1989 sur le paiement des frais de justice

Décret n° 95/033 du 20 février 1995 portant organisation de l’examen de fin de stage d’avocat et fixant les indemnités des membres de la commission d’examen

Décret n° 95/034 du 24 février 1995 portant statut et organisation de la profession de notaire

Décret n° 95/048 du 8 mars 1995 portant statut de la magistrature

Décret n° 93/087 du 15 mars 1993 fixant les modalités de répartition des émoluments des greffes des cours et tribunaux et de la prime de rendement

                Décret n° 92/052 du 27 mars 1992 portant régime de l’administration pénitentiaire

Décret n° 91/305 du 4 juillet 1991 portant organisation de l’examen d’aptitude au stage d’avocat

Décret n° 85/520 du 13 avril 1985 portant organisation administrative des juridictions militaires

Décret n° 80/299 du 26 juillet 1980 portant organisation administrative des juridictions, tel que modifié et complété par le décret n° 81/264 du 8 juillet 1981

Décret n° 79/448 du 5 novembre 1979 portant règlementation des fonctions et fixant le statut des huissiers

Décret n° 79/85 du 13 mars 1979 fixant le tarif des huissiers et des agents d’exécution, complété par le décret n° 80/142 du 28 avril 1980

Décret n° 78/484 du 9 novembre 1978 fixant les dispositions communes applicables aux agents de l’Etat relevant du Code du travail

Décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969 fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles du Cameroun oriental, modifié par décret n° 71/DF/607 du 3 décembre 1971

Décret n° 61-84 du 6 juin 1961 sur les fonctions de commissaire-priseur

Arrêté n° 050/MINTSS/CAB du 6 octobre 2010 fixant les modalités de convocation et la comparution des parties devant l’inspection du travail

Arrêté n° 41/DPJ/SG/MJ du 12 avril 2005 portant homologation et publication du règlement intérieur du barreau

Arrêté conjoint METPS/MINEFI n° 035 du 12 juillet 2002 fixant les modalités d’application de la loi n° 2001/017 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des cotisations sociales

Arrêté n° 049/METPS/MINFI n° 049 du 11 octobre 2002 modifiant et complétant certaines dispositions de l’arrêté conjoint n° 035 du 12/07/02 fixant les modalités d’application de la loi n° 2001/017 du 18/12/2001

Arrêté n° 57/SG/MJ du 28 septembre 1982 fixant les modalités d’examen de fin de stage d’huissier…

INTRODUCTION GENERALE[1]

L’usage est à ce jour établi qui suggère, lorsqu’on souhaite entreprendre avec des chances de succès une étude juridique, quelle qu’elle soit, de procéder au plus vite à des mises au point notionnelles sans lesquelles la compréhension court le risque d’être brouillée. Cette tradition se vérifie tout particulièrement s’agissant de la justice et de ses institutions qui sont marquées par de profonds changements et dès lors, constituent le foyer d’incertitudes voire de controverses. Telles sont, avec d’autres, les arguments qui imposent, dans des considérations liminaires, qu’une place à part soit réservée à la justice, vue de face. Au détour de cet exercice se révèle un autre cliché inattendu de la justice, regardée de profil.

Section 1. Vue de face de « La justice et ses institutions »

Assez curieusement, aucune présentation suffisamment globalisante de « la justice et ses institutions » n’existe qui soit communément admise et fasse autorité. La raison en est que le terme justice, véritable pierre angulaire de la science du droit, est de ceux qui se prêtent à une multiplicité d’acceptions au gré des champs disciplinaires où on l’évoque. Pour ne s’en tenir qu’aux cas récurrents, on le retrouve en économie, en philosophie, en théologie, en anthropologie, en sociologie et en droit, avec des significations parfois très hétérogènes. Malgré cette diversité d’acceptions, des constantes se dégagent autour desquelles l’opinion tend à s’accorder.

La première constante, c’est que le mot justice renvoie, dans un sens considéré comme large, à une valeur (sociale ou humaine) voire à une qualité. Son reflet est alors celui de ce sentiment faisant appel à l’équité que l’espèce humaine recherche, sincèrement, chaque jour. Ainsi entendue, la justice a une connotation fortement subjective et, parfois, sera au cœur des révoltes ou des révolutions lorsque des personnes seront convaincues qu’elle n’existe pas, ou pas suffisamment, dans une société. Il se comprend alors, à l’issue d’une introspection ou d’une méditation, que la question s’élève de savoir si une personne a traité son vis-à-vis, dans une situation, comme elle aurait fait si ses propres intérêts étaient en cause. Il se comprend, dans cette perspective, que l’on estime parfois qu’un homme est « juste » ou « injuste ». Surtout, il se comprend que ceux qui ont initié un procès ou y ont pris part aient ou n’aient pas le sentiment que « justice a été faite » ; que des plaideurs en arrivent à qualifier leur procès d’ « équitable » ou de « parodie de justice »[2].

La deuxième constante, c’est que le mot justice renvoie, dans un autre sens considéré comme moins large, à un pouvoir, celui de juger, de « dire le droit » (jurisdictio), de se prononcer sur les prétentions en conflit de deux ou plusieurs personnes. Ce pouvoir de trancher les contestations susceptibles de s’élever entre des personnes (en société) est indispensable. Effectivement, si chacun devait se rendre justice, l’ordre public serait gravement troublé ; ce qui aurait comme conséquence de rendre la vie ensemble impossible ou du moins, extrêmement difficile. Voilà pourquoi, dans les sociétés contemporaines où l’Etat est garant de l’ordre public, ce dernier a à cœur d’organiser cette prérogative souveraine, de s’arroger le monopole de régler les différends et, par ce moyen, d’assurer la protection des droits et des libertés constitutionnellement consacrés. Voilà pourquoi les constitutions contemporaines, mieux que celles d’hier, accordent une place à part au pouvoir judiciaire qu’elles distinguent nettement du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif[3]. Une phrase presque rituelle y est généralement gravée dont l’économie voudrait que ledit pouvoir soit exercé, à la fois, par les juridictions suprêmes, les cours d’appel, les tribunaux[4]

La troisième certitude, c’est que le mot justice renvoie, au sens strict, à une organisation que l’on qualifie d’ « appareil », de « machine », d’« organisation judiciaire ». Il ne s’agit plus ni d’une valeur, ni de la fonction juridictionnelle ou du pouvoir de juger, mais d’un service public particulier financé, structuré et assuré par l’Etat au sens du droit administratif. Ce service public, traversé par l’exigence angulaire d’indépendance, a la charge d’apaiser les tensions sociales en réglant les conflits entre les personnes. La justice se présente alors comme un ensemble de structures ou d’organes, disséminés sur l’ensemble du territoire, animés par des personnes d’horizons divers et rattachées à des corps de métiers différents, dont la mission est de connaître des litiges mettant aux prises les citoyens entre eux ou avec l’Etat et ses émanations, en toute indépendance, à la lumière de la norme juridique. En un mot, elle se ramène essentiellement à une série d’institutions qualifiées de juridictions, puis à l’important personnel (magistrats, assesseurs, avocats, huissiers de justice, fonctionnaires de greffes, notaires, officiers ou agents de la police judiciaire, etc.) grâce auquel ces dernières assument la mission qui leur incombe, à savoir apaiser les conflits sociaux. Ces structures ou organes sont désignées par moments sous l’appellation « institutions judiciaires », « institutions juridictionnelles » ou, depuis peu de temps, « institutions de la justice ». Un regard sur elles, jeté de profil, en donne une meilleure lecture.

Section 2. Vue de profil de « La justice et ses institutions »

L’idée selon laquelle la justice constitue à la fois une vertu, un pouvoir, un service public voire une institution a le mérite d’offrir un aperçu de la physionomie actuelle de l’organisation judiciaire. Elle incite toutefois à des remarques visant à rendre davantage fidèle l’image qui en est déclinée.

La première observation, linéaire en quelque sorte, c’est que les juridictions et le personnel chargé de l’animation de celles-ci ne représentent, à regarder de près, qu’un pan du service public de la justice. La meilleure illustration d’une telle assertion, au Cameroun, est logée dans le décret n° 2012/389 du 18 septembre 2012 portant organisation du ministère de la justice. Dans ses grandes lignes, le texte présente le ministère en cause, placé sous l’autorité du « Garde des sceaux ». Les attributions de ce ministère y sont déclinées. Entre autres, l’exigence est formulée que la charge lui revient de conseiller le gouvernement en matière judiciaire, d’élaborer ou de contribuer à l’élaboration de l’arsenal législatif et réglementaire relatif aux conflits de lois, au statut des magistrats, à l’organisation et au fonctionnement des juridictions, y compris à leur compétence et aux exigences de procédure devant elles. On y découvre encore que le soin revient à ce ministère de concevoir, de mettre en œuvre la politique pénitentiaire et de veiller à l’application de la politique pénale ; d’organiser et de suivre le fonctionnement des centres de détention, des maisons d’arrêt. Le décret du 18 septembre 2012 retient également que le ministère de la justice anime la coopération judiciaire, accompagne les activités se rapportant à l’OHADA, à la Cour internationale de justice, à la Cour pénale internationale, au Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ; qu’il est tenu d’assurer le suivi des droits de l’homme et de la lutte contre la torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants ; qu’il veille au bon fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés[5]. Le soin lui revient également, en relation avec d’autres administrations et avec les ordres professionnels concernés, de suivre les activités se rapportant à la formation des magistrats et des auxiliaires de justice ; d’assurer la tutelle de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire ; de garantir la discipline des membres du corps judiciaire et des corps auxiliaires de justice. A la suite de l’énoncé de ces missions, et très logiquement, un personnel important est affecté à ces tâches, lequel n’est pas que magistrat ou auxiliaire de justice. Effectivement, le Garde des sceaux, ministre de la Justice est assisté d’un ministre délégué, puis d’un secrétaire d’Etat chargé de l’administration pénitentiaire. A côté de ceux-ci, on retrouve un secrétaire particulier, trois conseillers techniques, des inspecteurs généraux, une administration centrale coordonnée par un secrétaire général, des services déconcentrés…[6]

La deuxième observation, littérale elle aussi, c’est que l’application de la règle de droit n’implique pas toujours la saisine d’une juridiction avec en toile de fond l’intervention de magistrats assistés d’auxiliaires dont les figures emblématiques sont les avocats, les huissiers de justice, les fonctionnaires de greffes, les notaires, les officiers ou agents de la police judiciaire. Dans l’immense majorité des cas, la norme juridique et les prérogatives qu’elle confère sont respectées spontanément. Au bout du compte, le contentieux n’est, d’après l’expression saisissante de Monsieur le Professeur Perrot, qu’un « accident de la vie juridique »[7]. Il n’empêche que l’existence des institutions juridictionnelles, la possibilité d’y avoir recours voir simplement la crainte d’affronter le regard du « gendarme » incitent davantage au respect de ce qui est prescrit ou proscrit ; que la justice se situe en amont et prévient les conflits sociaux. Il n’empêche que la disponibilité des juridictions et du personnel chargé de leur fonctionnement dissuade de violer les droits d’autrui et de s’exposer à des poursuites, à un procès, à une condamnation, à une sanction. Il n’empêche que, pris isolément, les litiges requérant l’intervention des tribunaux sont très nombreux et n’ont de cesse d’augmenter ; que l’encombrement des prétoires relève moins du mythe que du vécu.

La troisième observation, c’est que l’intervention du personnel judiciaire ou auxiliaire, chargé d’animer les juridictions, ne suppose pas impérativement une des prétentions antagonistes.

Si l’on s’en tient au magistrat, des désaccords ne sont pas le préalable à l’exercice de ses fonctions, notamment lorsque sont en cause les « mesures d’administration judiciaire », lesquelles touchent davantage au fonctionnement administratif de la juridiction ou au service public de la justice. Par exemple, une décision peut émaner d’un chef de juridiction qui ventile les affaires dans les chambres de celle-ci ou y affecte des collègues. Une autre décision peut provenir d’un chef de cour dont la teneur est de préciser simplement la date à laquelle des affaires seront appelées aux audiences. Des décisions peuvent émaner des chefs de juridictions et concerner la radiation ou le retrait du rôle d’une cause, la désignation d’un expert auquel est assignée une tâche précise, la fixation de la date du dépôt de ses conclusions par un plaideur lorsque cela est utile.

Non loin des actes d’administration judiciaire se trouvent les « mesures gracieuses ». Généralement, celles-ci sont prises lorsque des magistrats ont été saisis en vue du prononcé d’une émancipation, d’une homologation d’un concordat préventif. Elles sont également décidées lorsque des autorités judiciaires sont saisies à l’effet de coter et parapher ces documents comptables que le commerçant ou l’entreprenant tient ; lorsque des tribunaux sont sollicités pour autoriser la cession de tout ou partie de l’actif d’une société commerciale en liquidation à une personne ayant eu dans cette dernière la qualité d’associé, de dirigeant, de commissaire aux comptes[8]. On est encore en présence de telles mesures lorsqu’une personne s’est adressée à eux pour faire injonction à un opérateur économique de procéder à son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier parce que celui-ci ne l’a pas spontanément réclamé ainsi que la loi le requiert[9][10].

De l’ensemble de ces morceaux, choisis au hasard, il se révèle que, dans les juridictions, le contentieux côtoie la matière gracieuse dont l’une des caractéristiques irréductibles demeure, au moins dans un premier temps, l’absence de conflits ouverts. Dès lors, l’action du magistrat ne le conduit pas à proprement parler à trancher, donc à condamner ou à absoudre l’un des plaideurs. Elle consiste couramment à autoriser, contrôler, habiliter, homologuer, organiser…

La quatrième observation a trait à ce que si c’est à l’Etat qu’échoit la mission de juger dans une société organisée, cette tâche ne lui est pas exclusive. Deux arguments, parmi d’autres, permettent de s’en persuader résolument.

Tout d’abord, et l’histoire l’atteste, au Cameroun comme ailleurs, la justice n’a pas de tout temps été rendue par l’Etat.

Au départ fut le règne de justice privée centrée sur la vengeance de l’individu offensé, lequel se paye directement sur la personne ou sur les biens de son agresseur. A cette époque où prévaut la « loi du talion », il n’existe ni un corps de professionnels habilité à encadrer les différends, ni des juridictions. Du coup, la personne lésée ou le groupe auquel elle appartient cherche à infliger à l’adversaire ou à sa communauté de rattachement une punition, sans souci de proportionnalité ; ce qui parfois engendre des cycles de conflits. Au plan civil, dans l’éventualité d’un impayé par exemple, le créancier se voit offrir la « manus injectio ». D’une grande brutalité, cette voie de droit consiste à asservir le débiteur en exploitant sa force de travail pendant soixante jours, à le présenter dans ce laps de temps à un forum afin que des familiers ou des amis payent en ses lieu et place, à en faire définitivement son esclave si l’obligation n’est pas exécutée au terme de ce délai, à le décapiter lorsque différentes personnes réclament sans succès d’être payées[11].

Au règne de la justice privée succéda celui des seigneurs dont les dignitaires traditionnels et religieux furent, pendant longtemps, les représentants symboliques[12]. Ainsi que l’écrit fort opportunément un auteur, la terre et le pouvoir de juger sont intimement liés. Tout seigneur, maître d’un espace, tranche, directement ou indirectement, les différends opposant les sujets établis sur le territoire où s’exerce son autorité. Ce pouvoir d’« exhumer la paix » s’affirme avec force lorsqu’un lien quelconque est établi ou allégué avec un esprit ou une divinité, comme assez souvent en Afrique noire avec le concours des « sociétés secrètes » où celles-ci existent. La chose est vivace et aisément perceptible dans les chefferies traditionnelles où la justice est rendue soit par le souverain qui est le représentant des dieux, soit, sur délégation de celui-ci ou sous sa supervision, par des notables particuliers, des chefs de quartiers, de sousquartiers ou de familles,  des reines ou parfois des « premières femmes » ayant des rôles spécifiques  ayant des rôles spécifiques. La construction n’est pas étrangère aux prévisions du Code général des collectivités territoriales décentralisées récemment promulgué au Cameroun13, lesquelles réhabilitent la « house of divisional representatives » et la « house of chiefs » dans les régions à statut spécial du Nord-Ouest et du Sud-Ouest[13].

C’est avec la centralisation de la justice dans ce qui était autrefois le royaume de France, puis sa sédentarisation avec le développement des parlements, et ailleurs l’amorce du mouvement colonial, que sera ébauchée la forme moderne de l’organisation judiciaire. Celle-ci, on ne le sait que trop, est marquée par une institutionnalisation progressive des cadres de règlement des différends qui se démultiplient et se rapprochent du justiciable potentiel ou du citoyen. L’institutionnalisation emprunte diverses voies, notamment celle d’une autonomisation accrue des juridictions, celle du recours pour le règlement des conflits à des personnes ayant reçu une formation appropriée, celle de la systématisation des normes à suivre pour le règlement des litiges.

Ensuite, le recours au service public de la justice n’a jamais été une contrainte.

A preuve, le titulaire du droit d’agir ou d’accéder à la justice, prérogative subjective, a la latitude de ne pas l’exercer. Sans surprise, une opinion estime que ce droit correspond davantage à une liberté.

A preuve, les désaccords entre des personnes trouvent couramment une solution ailleurs que devant les juridictions étatiques. A titre d’illustration, dans les aires géographiques où les populations sont très attachées à leurs traditions ou dans celles où l’accès aux juridictions étatiques impose de parcourir de longues distances, donc d’effectuer d’importantes dépenses, il arrive fréquemment que les personnes retiennent l’option de confier le règlement de leur désaccord à une divinité, qu’elles s’en remettent au « jugement dernier » ou encore s’adressent au marabout du coin. Quelquefois, et la tendance est très visible dans les Etats ayant épousé la culture anglo-saxonne où le règlement des conflits par les modes dits alternatifs n’a de cesse de se développer, le choix est retenu d’avoir recours à la transaction, à la conciliation, à la médiation, à l’arbitrage. L’observation incline d’ailleurs à penser là-bas et ailleurs, demain, que les litiges seront essentiellement résolus par ces voies alternatives ou parallèles. On imagine mal, dans les Etats rattachés à un système juridique différent, et dans un contexte où la confiance en la justice étatique est en déliquescence au point parfois d’atteindre le seuil de 43 % de la population, une indifférence totale à cette sorte d’effet de mode. On imagine mal, avec le traumatisme provoqué par la pandémie dite de la Covid 19, que les sujets de droit négligent les voies et moyens pouvant servir à trouver une solution à une contestation sans les exposer au risque d’une contagion par le virus au cœur de la crise sanitaire à laquelle allusion est faite[14].

Là n’est pas tout. Au fur et à mesure de l’écoulement du temps, afin de garantir une meilleure protection des libertés et des droits ou d’assurer le bon fonctionnement de l’économie de marché sont créés des « conseils », « commissions », « agences », « autorités » de régulation. Ceux-ci héritent d’importantes fonctions, notamment celles de rechercher, contrôler et, le cas échéant, poursuivre et sanctionner telle ou telle pratique proscrite[15]. En conséquence de cela, ces organes secrètent des décisions d’une étonnante variété, généralement au bout d’une procédure marquée notamment du sceau de la collégialité, de la contradiction, de l’impartialité. Certes, les effets des décisions prononcées ne sont pas rigoureusement similaires. Toutefois, celles-ci constituent parfois des titres contraignants qui, moyennant le respect de conditions strictes, vont servir à engager ces procédures qui conduisent à exécuter contre son gré[16]. Du coup, et comme cela était à prévoir, la question de leur nature juridique anime le débat au sein de l’opinion ; quelques-uns y voyant des juridictions ; quelques autres estimant que ces « conseils », « commissions », « agences » ou « autorités » ne sont finalement que des organes administratifs…

La cinquième observation tient à ce que, de nos jours, la justice supra nationale et les mécanismes juridictionnels de règlement des litiges à l’échelle universelle, régionale ou  sous-régionale prennent une importance croissante au fur et à mesure que se développent la criminalité et les relations transfrontalières ayant ou non un caractère économique. Dans un tel contexte, le juriste gagne à approfondir l’examen de ces catégories à propos desquelles peu de choses sont parfois dites dans le cadre restreint de l’étude de la justice et ses métiers au Cameroun. Il est d’ailleurs de son intérêt d’aller au-delà de la justice internationale, régionale ou sous-régionale pour se familiariser avec l’organisation juridictionnelle d’autres Etats. Ce réflexe est d’autant plus salutaire qu’à des degrés divers, les difficultés de l’organisation juridictionnelle sont semblables. En effet, on s’interroge, un peu partout, sur le meilleur mode de recrutement des magistrats et du personnel auxiliaire de justice, sur le statut de ceux-ci. On s’interroge, un peu partout, sur l’étendue des pouvoirs des juges, l’opportunité de la collégialité, le moyen le mieux à même de désengorger les prétoires, de rapprocher la justice du justiciable. On s’interroge, ici et ailleurs, sur les options idoines pouvant concourir à renforcer la sécurité judiciaire, etc. Les solutions esquissées là-bas peuvent donc inspirer et servir ici.

La sixième observation a trait à ce que la justice ne se réduit pas à un ensemble désincarné d’acteurs ou d’institutions dont le rôle est de révéler le droit afin de régler les conflits. La raison en est que la décision d’un tribunal ou celle d’un magistrat, quel qu’il soit, ne s’obtient jamais qu’après l’observation d’une procédure généralement longue. Seulement, l’analyse de cette procédure et des actes qui lui sont inhérents est menée dans le cadre de ce qu’on appelle la « procédure civile », la « procédure pénale », la « procédure administrative contentieuse », le « contentieux constitutionnel », les « voies d’exécution » ou, plus globalement, pour qui entend se mettre en marge d’une certaine querelle, le « droit processuel ». Autant avouer que ces disciplines, simplement effleurées au passage, sont le prolongement indispensable de l’étude des institutions judiciaires ; autant dire, contrairement aux opinions reçues, qu’une bonne connaissance des structures par lesquelles la justice se déploie représente le point de départ du labyrinthe que constitue le procès.

La septième observation a trait aux métiers de la justice. Sans forcer le trait, on découvre que, bien que répandus et très sollicités, ceux-ci ne sont pas les seuls métiers du droit. D’autres professions existent qu’un nombre élevé de juristes exploitent et qui se rattachent soit à la fonction publique, soit au « secteur privé »[17]. Toujours est-il que des « métamorphoses » sont signalées s’agissant de ces professions et métiers. Quelles en sont les raisons, les orientations, les contraintes ?

Les raisons immédiates des mutations attendues, pour commencer par elles, abondent. On songe au renouvellement de la norme, donc à son foisonnement et, incontestablement aussi, à sa complexification. On songe au développement du tissu économique et à l’optimisation de la gestion dans l’optique de l’accroissement des gains de l’entreprise individuelle ou collective ; à l’augmentation des dépenses de l’Etat et, avec elle, des charges fiscales. On pense aux dynamiques en matière d’intégration régionale, notamment à la libre circulation des personnes et des biens, voire au phénomène de la mondialisation. On songe à la consolidation, un peu partout en Afrique, de l’Etat de droit. On pense à l’évolution de la condition féminine et au développement des considérations liées au genre. On évoque le développement de l’éducation, toute chose qui provoquera l’accroissement du taux de processivité et du contentieux. Surtout, on entrevoit une reconfiguration future de l’organisation judiciaire pouvant conduire à doter certaines juridictions d’instance, à l’exemple du tribunal de première instance ou du tribunal de grande instance, d’un ensemble de formations permettant de couvrir la variété des différends susceptibles d’opposer les sujets de droit dans leur ressort de compétence. La probabilité n’est pas nulle que la logique actuelle, dominée spécialement par la fixation des taux de compétence et par l’existence de chambres au sein des juridictions, soit partiellement ou totalement remplacée par une autre privilégiant, à la base, la création de tribunaux entièrement spécialisés tantôt en matière répressive, tantôt en matière commerciale, tantôt en matière civile, tantôt en matière sociale, tantôt en matière administrative, tantôt en matière de « Common law ». La probabilité est élevée que le système actuel soit maintenu en partie, puis que les contraintes liées à la décentralisation aboutissent, du moins dans certaines collectivités territoriales personnalisées, à la création de chambres administratives, de chambres de comptes, de chambres de contrôle des modes alternatifs de règlement des désaccords …

Les raisons lointaines des mutations attendues, pour poursuivre avec elles, se trouvent notamment dans les prescriptions de la loi n° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun. Celle-ci, on le sait, impose à l’Etat, aujourd’hui plus que par le passé, notamment à la faveur des crises identitaires que traverse le pays, de garantir l’égalité de l’anglais et du français dans l’ensemble des secteurs de l’activité administrative, économique, sociale et politique[18]. Très logiquement, il y est résolu que ces langues sont les langues de travail dans les entités publiques ; que l’usager a le droit de demander à être servi dans l’une ou l’autre de celles-ci ; que l’usager a le droit de communiquer et d’échanger avec les entités publiques et ceux qui les animent dans l’une ou l’autre langue officielle[19]. Très logiquement, il y est décidé, avec force, que les agents publics ont l’obligation de rendre service dans l’une ou l’autre langue[20] ; que l’anglais et le français sont indifféremment utilisés devant les juridictions de droit commun et spéciales ; que les décisions de justice sont rendues dans l’une ou l’autre langue officielle, en fonction de la préférence du justiciable[21]

Les voies ou les contraintes des métamorphoses concernant les métiers surabondent.

Les voies ou les contraintes visées sont, d’abord et avant tout, d’ordre statistique. En ce sens, les pronostics exhortent à estimer que le juriste de demain devra avoir une bonne connaissance du droit des activités économiques nationales et supra nationales, qu’elles se rapportent au droit public, au droit privé ou à la Common law. Seront singulièrement mobilisés, non seulement le droit processuel au sens large, lequel est transversal, mais également le droit matériel. On songe spécialement à ces disciplines juridiques souvent négligées, notamment le droit de la distribution, de la concurrence, de la consommation, le droit du crédit et du recouvrement des créances, le droit administratif, le droit de la décentralisation, le droit fiscal, le droit social, le droit des assurances, le droit du commerce international et des investissements, le droit des transports, le droit de la propriété intellectuelle, le droit des biens, avec en bonne place le droit de l’immobilier dont les racines s’étendent à la propriété foncière et domaniale. Dans cette tournure d’esprit, les missions des professionnels du droit seront forcément repensées. La réorganisation évoquée pourrait déboucher sur la création, par scission, de nouveaux métiers. Dans le même temps, elle pourrait aboutir à la disparition, par fusion, de certaines professions traditionnelles, notamment de celles rattachées à la catégorie des auxiliaires de justice. On pourrait même assister au développement de l’exploitation concertée des métiers, avec l’espoir que les professionnels locaux parviennent à affronter et à contenir la concurrence sur le marché du droit en Afrique, laquelle se durcit du fait notamment de son envahissement par les cabinets internationaux réputés, par le retour dans les pays dont ils sont ressortissants de juristes formés à l’étranger et ayant acquis un niveau d’expertise enviable…

Les voies ou les contraintes visées sont ensuite liées à l’adaptation, à la formation, au recyclage, à la documentation. Sur ce terrain, l’observation laisse entrevoir une grande féminisation des postes de travail entretenant un lien avec le droit dans les entreprises et les organisations. Effectivement, on note déjà à ce jour un accroissement numérique des filles et des femmes dans les cycles d’études sanctionnés par un Master en droit sous ses différentes déclinaisons[22]. La pratique révèle chez ces dernières, à la quarantaine ou en milieu de carrière, davantage de rigueur voire d’efficacité quant à la gestion des dossiers, et parfois une plus grande sensibilité à la détresse humaine[23]. Le constat invite à imaginer une reconfiguration des espaces socioprofessionnels. Mieux encore, il appelle, lui aussi, une adaptation des savoirs lors de l’élaboration de différents programmes de formation continue….

Les voies ou les contraintes visées correspondent à la déspécialisation qui devrait suivre la spécialisation. Très probablement, cette sorte de « désintoxication » s’opèrera, en priorité, dans la sphère des savoirs juridiques. Cela se traduira par la recherche de collaborateurs polyvalents nantis d’habiletés touchant à la fois aux branches traditionnelles et nouvelles du droit. Très probablement, cette déspécialisation s’accomplira aussi hors de la sphère du droit. Cela conduira, lors des recrutements, à privilégier les candidatures de juristes pétris de valeurs morales. Ce emmènera, lors des sélections de candidats à un emploi, à rechercher ceux qui ont une connaissance de plusieurs langues, de l’éthique, de l’économie, de la gestion ; à ne pas négliger ceux qui utilisent au mieux les technologies de l’information et de la communication et paraissent prêts ou au moins aptes à s’adapter aux mutations technologiques liées au travail. Il n’est même pas à exclure que des savoirs en lien avec l’informatique, l’algèbre ou les mathématiques soient fortement sollicités bientôt. Effectivement, lorsque la résolution sera arrêtée de faciliter la compréhension de la norme et des procédures en s’inspirant davantage de l’arrière-plan culturel africain ou du lien indissoluble entre la « pratique » et la « théorie » ou entre « l’école » et le « palais », pour reprendre ces formules souvent instrumentalisées, l’utilisation des techniques mathématiques et graphiques sera ressentie. Théoriquement, elle débouchera sur la modélisation, la schématisation, la mise à contribution de la cartographie et des statistiques. C’est ainsi, par exemple, que l’utilisation des manuels de procédures se répandra afin de rendre aisée la compréhension du droit processuel dont les méandres n’épousent pas toujours les contours de l’oralité. C’est ainsi, par exemple, que les procédures contentieuses seront exposées dans des schémas accessibles aux populations, même les moins lettrées. A n’en pas douter, de telles figures, diffusées par des canaux différents sous la forme de « guides » à l’attention de l’usager, dévoileront et rendront accessibles les méandres du contentieux constitutionnel, administratif, civil, commercial, social, fiscal, pénal. Mieux encore, le juriste pourrait finalement en être progressivement dépendant, notamment parce que les éléments servant à argumenter, à convaincre voire simplement à accroître son rendement ou son efficacité se trouvent dans des banques ou des bases de données ainsi que des sites internet. Au fur et à mesure de l’écoulement du temps, on y retrouve en stock l’essentiel de ses outils de travail que sont les sources du droit, à savoir la loi, la coutume, la jurisprudence, la doctrine. Surtout, il apparaît que le cerveau et la mémoire de l’homme, même surdoué ou à potentiel élevé, ne pourraient pas les conserver afin de les rendre disponibles à tout moment…

Sous le bénéfice de telles prévisions, l’étude de la justice peut s’opérer, d’une part, à travers l’examen de son organisation, laquelle se structure essentiellement autour des juridictions (Titre 1) ; l’étude de la justice peut s’opérer, d’autre part, à travers l’analyse des corps professionnels qui, au quotidien, animent l’appareil judiciaire (Titre 2).

TITRE 1.  LES JURIDICTIONS CAMEROUNAISES[24]

La première représentation que les personnes se font de la justice renvoie aux juridictions à travers lesquelles s’exprime le pouvoir de juger et, par ricochet, le droit fondamental d’accéder à la justice. Heureusement ou malheureusement, celles-ci sont à ce point nombreuses et diversifiées que leur étude suppose, d’entrée de jeu, une classification, laquelle parfois correspond à une division du travail judiciaire.

On peut, en premier lieu, regrouper les juridictions en fonction de la nature voire de l’étendue du contentieux qu’elles sont appelées à trancher. Sous cet angle, les juridictions de droit commun ou « ordinaires » vont être opposées aux juridictions d’exception ou « spécialisées ». Tandis que celles-ci ont en plus de leurs attributions exclusives une compétence générale et donc vocation à examiner en première instance toutes les affaires dont la connaissance n’est pas attribuée en vertu d’un texte particulier à une autre juridiction, celles-là n’ont vocation qu’à statuer sur des catégories de litiges qui leur sont réservées par une loi ou parfois par un règlement précis, du fait de leur technicité ou de leurs spécificités. A l’aune de ce même critère, les juridictions civiles vont être opposées aux juridictions répressives. Tandis que celles-ci appliquent, pour tenter de départager des plaideurs ces règles qui gouvernent les rapports des particuliers entre eux ou avec les collectivités privées à l’instar des sociétés, des associations, du groupement d’intérêt économique, celles-là appliquent le droit répressif dont la particularité majeure consiste en la détermination des infractions et des peines susceptibles de frapper leurs auteurs. C’est assez dire, devant ces juridictions[25], que les questions débattues seront en lien avec l’infraction et sa sanction.

On peut, en deuxième lieu, regrouper les juridictions en fonction de l’ordre auquel elles appartiennent. Sous cet angle, la classification fondamentale est celle qui aboutit à distinguer les juridictions de l’ordre administratif, de l’ordre judiciaire, de l’ordre des comptes, de l’ordre constitutionnel. L’ordre administratif comprend un ensemble hiérarchisé de cours et de tribunaux qui, sous le contrôle de la chambre administrative de la Cour suprême, sont chargés du règlement des différends à la lueur du droit administratif ou, plus globalement, du droit public. L’ordre judiciaire rassemble les juridictions chargées du contentieux privé lequel est tantôt civil, tantôt commercial, tantôt social, tantôt pénal. Au sommet de celles-ci se trouve, au plan interne, la chambre judiciaire de la Cour suprême censée intervenir en tant que juge de cassation. L’ordre des comptes, dans cette logique, représente un ensemble de juridictions hiérarchisées ayant à leur tête la chambre des comptes de la Cour suprême, dont le rôle essentiel est de vérifier et juger les comptes des comptables publics et de fait. Enfin, l’ordre constitutionnel, dont l’existence est loin de faire l’unanimité, viserait les juridictions chargées de régler les différends en lien avec la constitutionnalité et ceux qui entretiennent un lien de connexité avec cette matière, à l’instar de la conventionalité.

En troisième lieu, on peut classer les juridictions en s’intéressant à la place qu’elles occupent dans la « hiérarchie des cours et des tribunaux ». Sous ce prisme, les juridictions du fond, appelées à « juger en fait et en droit », sont opposées aux juridictions de cassation qui, autrefois, ne jugeaient qu’en droit[26]. Sous le même prisme, les « tribunaux du premier degré », encore dits « d’instance » ou « de première saisine », sont confrontés aux juridictions d’appel encore dites « du second degré », puis aux juridictions que l’on qualifie volontiers de « suprêmes ».

Contre toute attente, du fait notamment de la globalisation des échanges, du développement des technologies de l’information et de la communication ou de leur utilisation par des personnes se trouvant dans des espaces géographiques différents, beaucoup tendent à privilégier la classification qui distingue les juridictions non étatiques des juridictions étatiques. Au Cameroun, une telle grille de lecture conduit à considérer que la juridiction étatique au cœur de l’étude est soit de traditionnelle ou  de droit traditionnel, soit moderne ou de droit moderne.

CHAPITRE 1. LES JURIDICTIONS TRADITIONNELLES

Jusqu’à très récemment, des statistiques dignes de foi dévoilaient l’existence d’environ 447 juridictions de droit traditionnel sur le territoire de la République du Cameroun[27]. D’une certaine manière, de telles données incitent à sonder davantage la carte judiciaire du pays. Pour les besoins de cet exercice, une habitude s’est à ce jour établie qui suggère de distinguer les juridictions de droit traditionnel de l’exCameroun oriental de celles de l’ex-Cameroun occidental.

Section 1. Les juridictions traditionnelles de l’ex-Cameroun oriental

Dans ce qu’une opinion répandue considère à tort ou à raison de « partie francophone » du Cameroun, les juridictions de droit non-écrit ont une organisation particulière et des attributions spécifiques.

Paragraphe 1. Composition et organisation

Les juridictions que l’on oppose aux juridictions modernes sont organisées par le décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969 fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles du Cameroun oriental tel que modifié par un autre décret n° 71/DF/607 du 3 décembre 1971. Aux termes de l’article premier de ce texte, il s’agit du tribunal du premier degré que la pratique a baptisé « TPD » ; du tribunal coutumier familièrement appelé « TC » par quelques-uns.

A. Le tribunal du premier degré

Le « TPD », pour s’exprimer de la sorte, est composé d’un président, de deux assesseurs ayant voix délibérative, d’un secrétaire.

Nommé par le ministre de la Justice, le président du tribunal du premier degré est désigné parmi les fonctionnaires en service dans le ressort de cette juridiction. En cas d’absence ou d’empêchement, celui-ci est remplacé de plein droit par le sous-préfet de l’arrondissement où le tribunal a son siège ou, à défaut, par un adjoint d’arrondissement choisi par cette autorité. Avant son entrée en fonction, l’intéressé prête serment, par écrit ou verbalement, devant le tribunal de première instance du coin ; la formule du serment est celle des magistrats[28].

A la tête de cette liste de six notables que le ministre de la Justice arrête pour chaque juridiction, sur proposition conjointe du Préfet et du président du tribunal de première instance du ressort, les deux assesseurs, appelés à siéger, sont censés avoir une bonne connaissance des coutumes des justiciables du ressort de compétence de leur juridiction. C’est pourquoi l’article 10 (2) c du décret du 19 décembre 1969 précité prévoit que la coutume de chacune des parties doit, dans la mesure du possible, être représentée au sein du tribunal. Par voie de conséquence, lorsque les assesseurs titulaires ou suppléants en poste ne couvrent pas les traditions des protagonistes dans une cause précise, le président de la juridiction saisie doit appeler à siéger à côté des deux assesseurs, avec obligation de le consulter, un notable résidant dans la localité ou à proximité, jouissant de l’estime publique et surtout, rattaché aux usages des parties. Audelà, et cela n’est pas à négliger, les fonctions d’assesseur sont incompatibles avec tout emploi rémunéré sur ce qui représentait autrefois le « budget de la fédération ou de l’état fédéré, à l’exception des emplois de chef coutumier »[29]. Pareillement, et cela est essentiel, les deux personnes se trouvant à la tête de la liste arrêtée par le Garde des sceaux ont la qualité d’assesseurs titulaires, les quatre autres la qualité d’assesseurs suppléants[30]. Enfin, il n’est pas à exclure qu’une même personne se retrouve concomitamment sur la liste des assesseurs en service au « TPD » et sur celle des assesseurs œuvrant au profit d’une autre juridiction de droit local, singulièrement d’un tribunal coutumier[31] ; les assesseurs sont tenus, avant le démarrage de leurs fonctions, de prêter serment devant le président de leur juridiction[32][33].

Opportune, la clarification n’empêche cependant pas de se demander ce qui a pu conduire à retenir que le sous-préfet présidera la juridiction en cas d’absence ou d’empêchement de l’individu qui, de tradition, assume ces fonctions. Un auteur estime que pareille solution est susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement de la justice. Les arguments mobilisés pour en persuader sont nombreux. Les uns concernent la disponibilité du sous-préfet qui, parallèlement, est le chef de l’unité administrative où siège le tribunal du premier degré. Les autres touchent aux entorses que subissent parfois l’exigence matricielle de la séparation des pouvoirs et son excroissance, celle de la séparation des fonctions administratives et judiciaires. Les derniers touchent aux connaissances ou aux aptitudes du sous-préfet qui, assez souvent, a reçu une formation sans lien avec le droit et singulièrement avec le droit traditionnel ou le droit processuel, puisque les administrateurs civils sont recrutés parmi les licenciés issus de disciplines diverses allant des lettres à la géographie, l’histoire, la gestion. Or, paradoxalement, il peut se trouver dans le ressort du tribunal des agents publics ayant une formation de juriste qui, du reste, sont disponibles. L’option privilégiée est également susceptible de remettre en cause la hiérarchie administrative voire de compromettre l’« autorité de l’Etat » dans le ressort de compétence du « TPD ». C’est que l’on comprend mal, à l’échelle d’un arrondissement par exemple, que le chef de l’unité administrative soit appelé de plein droit à remplacer l’un des fonctionnaires qui y exerce son activité. C’est sans doute cette crainte de voir remettre en cause son autorité qui conduit le sous-préfet à tirer profit de la planche de salut qu’offrent les textes et consistant à désigner un adjoint d’arrondissement quelconque à l’effet de présider la juridiction en ses lieu et place. De tels flottements poussent alors à suggérer, demain, que la présidence du tribunal du premier degré soit réservée aux magistrats et, exceptionnellement seulement, à d’autres agents publics ayant « le profil de l’emploi » ; ils incitent, si le schéma actuel est préservé, à formuler le vœu d’une lisibilité accrue des exigences et du processus de désignation du président du tribunal du premier degré…

De même, on s’interroge sur les bases pouvant commander d’estimer qu’un individu appartient à la catégorie des gens ayant une « bonne connaissance des coutumes » et qui, seuls, doivent être retenus pour officier en tant qu’assesseurs près le tribunal du premier degré. Assez curieusement, personne n’y a jamais répondu avec assurance. Il en va ainsi, on s’en doute, parce que l’exercice est délicat…

A côté de la préoccupation relative au degré de maîtrise de la règle coutumière, l’assessorat devant le tribunal du premier degré et mieux devant les juridictions de droit non écrit soulève des inquiétudes sérieuses relatives aux autres conditions que l’on aurait dû exiger de ceux qui souhaitent y accéder. Certes, le décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969 fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles du Cameroun oriental évoque rapidement la qualité de « notable » ou celle de « chef coutumier », voire parfois la jouissance de l’« estime publique »35. Certes aussi, le décret du 19 décembre 1969 ne permet pas qu’un citoyen émargeant au budget de l’Etat puisse être investi[34]. On peut néanmoins encore se demander si le profil de l’assesseur ne devrait pas être davantage affiné. A titre d’exemple, étant donné que les juridictions de droit traditionnel peuvent parfois trancher en se référant au droit écrit, notamment lorsque la coutume est muette ou « contra legem », la préoccupation ne peut ne pas s’exprimer de savoir si la référence à un diplôme ou au moins à une formation basique en lien avec le droit n’est pas à considérer. Mieux encore, la question peut être posée de savoir si l’exigence d’un âge minimum n’est pas appropriée, notamment lorsqu’on sait que les agents publics servant au profit des juridictions de droit local sont eux aussi appelés à faire valoir leurs droits à la retraite ; lorsqu’on ne perd pas de vue que l’assesseur défaillant court le risque d’être condamné à la peine que prévoit l’article 175 du Code pénal ou encore lorsqu’on découvre que la durée des fonctions en qualité d’assesseur n’est pas circonscrite dans le temps. Dans le prolongement de cette préoccupation, on peut légitimement se demander si l’assainissement de l’ « appareil judiciaire » ne suppose pas que soient écartés de l’assessorat les anciens agents publics révoqués, les personnes en faillite, celles frappées par l’interdiction d’exercer une activité professionnelle quelconque, celles ayant succombé à l’une des peines accessoires que prévoient les articles 19 et 30, lesquels mentionnent ouvertement l’incapacité d’être juré, assesseur, expert, juré-expert. On doit se demander si l’idéal n’est pas d’en exclure solennellement ceux qui ont autrefois exercé des fonctions gouvernementales ou les métiers d’armes. Sensible à l’approche dite participative, à l’apologie de la décentralisation et aux repères actuels de la démocratie, on doit, dans des cas extrêmes, s’interroger sur le point de savoir si le rôle primordial s’agissant de la désignation des assesseurs n’aurait pas dû échoir aux collectivités traditionnelles, quitte à ce que les autorités centrales ou déconcentrées n’interviennent finalement que pour retenir quelques-uns dans la liste proposée par celles-ci. Dans le sillage de cette suggestion, quelques-uns se demanderont si la nécessité de préserver la hiérarchie de l’organisation dans les chefferies traditionnelles ne devrait pas être fortement considérée lors de la désignation de ceux qui sont chargés de révéler les usages lorsque vient le moment de régler les différends[35].

A propos du secrétaire qui semble n’avoir le bénéfice d’aucune assistance humaine car condamné à agir seul, les textes sont peu clairs. Tout au plus indiquent-ils, notamment à l’article 12-2 du décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969, que ce dernier assiste obligatoirement aux audiences, assure la transcription des jugements sur le registre prévu pour leur conservation qu’il tient et surtout contribue à conserver sous l’autorité du procureur de la République près le tribunal de première instance du ressort. Pareillement, il s’y découvre que le secrétaire effectue les opérations indispensables à la mise en ordre des procédures et au fonctionnement du tribunal. Aux articles 30 (3), 40 et 41, il apparaît que cet auxiliaire de justice reçoit en tant que de besoin les appels, mais également, consigne dans un registre spécifique les recours formés contre les décisions de la juridiction où s’exercent ses fonctions[36]

Cela dit, et bien que le législateur ne le fasse pas ouvertement savoir, la présence d’un interprète est parfois utile ici. L’éventualité est celle où les justiciables n’ont pas la même langue en partage, voire celle où l’un d’entre eux est sourd-muet. En ces circonstances, l’interprète est désigné par le président du tribunal. Seulement, celui-ci ne devra pas être mineur ; a contrario, le concerné devra être âgé d’au moins 21 ans. Pareillement, l’intermédiaire ne devra pas être l’adversaire, encore moins une personne contre laquelle a été engagée une demande de récusation fondée sur l’existence d’un lien privilégié avec le vis-àvis. Il faudra également prêter le serment de traduire fidèlement les propos à transmettre entre des personnes qui s’expriment en des langues différentes ou dans des cas extrêmes, ont du mal à s’exprimer du fait d’une infirmité[37]… Un élément trouble néanmoins, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun. Certes, celle-ci indique d’emblée que des textes règlementaires préciseront, en tant que de besoin, les modalités de son application[38]. Il demeure que l’exigence y est posée que l’anglais et le français sont les langues de travail dans les entités publiques ; que l’usager a le droit de demander à être servi dans telle ou telle langue officielle et celui de communiquer et d’échanger avec ceux qui animent les services publics dans l’une ou l’autre d’entre elles[39]. La loi est d’ailleurs davantage incisive. Elle ajoute que les agents publics ont l’obligation de rendre service, indistinctement, dans l’une ou l’autre langue officielle[40] ; que ces langues devront indifféremment être utilisées devant les juridictions de droit commun ou spéciales ; que les décisions de justice sont rendues dans l’une ou l’autre langue officielle, en fonction de la préférence du justiciable[41]. Fort heureusement, de telles exigences ne devraient s’appliquer que résiduellement devant le tribunal coutumier[42].

B. Le tribunal coutumier

L’organisation du tribunal coutumier est essentiellement exposée à l’article 8 du décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969.

La juridiction comprend un président, nommé par le ministre de la Justice, parmi les notables ayant « une connaissance satisfaisante » des usages. Le président du tribunal coutumier n’est donc pas un magistrat professionnel. Pourtant et paradoxalement, le décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969 impose à ce dernier de prêter serment avant d’entrer en fonction. Les termes de son article 13 sont suffisamment éloquents lorsqu’ils soulignent que cette profession de foi s’exprime soit verbalement soit par écrit devant le tribunal de première instance du ressort ; que son contenu ne diffère en rien de celui des magistrats de l’ordre judiciaire.

La juridiction comprend également deux assesseurs dont la voix est délibérative. Au fond, les intéressés sont des notables dont les noms apparaissent à la tête de la liste de ces dignitaires traditionnels que le ministre de la Justice retient pour servir au profit de cette juridiction, liste elle-même dressée conjointement par le Préfet et le président du tribunal de première instance du ressort. Deux de ceux dont les noms y figurent en tête de liste sont titulaires ; quatre de ceux dont l’identité s’y trouve à mi-parcours et au pied de la liste sont des suppléants. Le président appelle ces derniers lorsque les titulaires ne partagent pas les traditions des protagonistes, lorsque les concernés ne sont pas à même de siéger ou encore, refusent de siéger. En tout état de cause, un serment, à prêter devant le président du tribunal coutumier, précède le démarrage des fonctions en tant qu’assesseur ici.

Les assesseurs rattachés au tribunal coutumier bénéficient d’un atout dont sont privés ceux rattachés au tribunal du premier degré ; c’est que ces derniers peuvent, dans certaines circonstances, présider la juridiction dont ils sont membres. Tel est en tout cas ce que révèle le décret n° 71/DF/607 du 3 décembre 1971, lequel modifie l’article 10 du décret n° 69/DF/544 et proclame que,  dans les tribunaux coutumiers, l’absence ou l’empêchement éventuel du chef de juridiction doivent être officiellement constatés par ordonnance du président du tribunal de première instance du ressort. En ce cas, les deux assesseurs titulaires ont, dans l’ordre de leur inscription, qualité pour assurer la présidence. On n’a donc pas à envisager, lorsque le président est absent ou empêché, l’extension des exigences énoncées à propos de l’indisponibilité du président du tribunal du premier degré. C’est dire que, sur le plan des principes, le sous-préfet n’a pas à présider le tribunal coutumier, encore moins un adjoint d’arrondissement que celuici désignerait.

Au président et aux assesseurs vient s’ajouter un secrétaire[43]. A celui-ci échoit la mission de « mettre en ordre les procédures », de concourir au bon fonctionnement du tribunal coutumier dans le cadre de l’exercice de ses attributions. A lui revient également la charge de transcrire dans un registre spécial qu’il tient les décisions prononcées par le tribunal, puis de contribuer à leur conservation sous l’autorité du procureur de la République près le tribunal de première instance du ressort[44]. Au secrétaire échoit aussi la mission de recevoir les recours formés contre les décisions de sa juridiction et de les porter dans le registre spécial prévu à cet effet. On est réduit à entretenir l’espoir que le secrétaire ne soit pas seul à exercer les missions qui sont les siennes dans un tribunal[45].

Ici, le trouble surgit au sujet du processus de désignation des membres de la juridiction, singulièrement des assesseurs et du président du tribunal. Peu d’informations sont dévoilées sur le cadre de l’opération ou mieux sur les méandres de la procédure y relative. Le flottement bouleverse lorsqu’on s’intéresse à la désignation des chefs traditionnels dont le cheminement est méthodiquement décliné dans le décret n° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles. Effectivement, il s’y découvre l’exigence d’une consultation des notabilités coutumières. Il s’y décèle la description du cadre de la consultation des notables, lequel est celui d’une réunion que préside le préfet ou le sous-préfet en fonction des circonstances. On y apprend : qu’un procès-verbal est à dresser au terme des assises ; que ce document décrit le déroulement de la réunion de sélection du chef traditionnel ; que le procès-verbal visé est signé et contresigné par des acteurs précis ; que ce document est transmis par voie hiérarchique à une autorité donnée, accompagné de pièces méthodiquement listées, etc48.

Ici également, la préoccupation s’exprime de savoir sur quels fondements ou critères les autorités ayant compétence pour procéder à la désignation du président du tribunal coutumier et de ses assesseurs estimeront que leur compréhension de la coutume est « satisfaisante ». De même, on peut difficilement ne pas se demander si l’indépendance attendue des juges n’invite pas à esquisser des incapacités spéciales ou des incompatibilités aboutissant à exclure de l’assessorat ceux qui sont susceptibles de biaiser l’impartialité du tribunal. Bien qu’il n’y ait pas directement été répondu, des balises ont été posées qui, heureusement, conduisent approximativement à ce résultat. C’est notamment le sens de l’article 11-1 du décret du 19 décembre 1969 lorsque celui-ci envisage l’existence de motifs d’abstention des assesseurs et entrevoit leur remplacement par un suppléant choisi par le président du tribunal coutumier…

On ne pourrait pas, non plus, ne pas constater la mise à l’écart insidieuse des chefs traditionnels auxquels est réservée, éventuellement, la seule qualité d’assesseur…

Le nombre d’assesseurs, lui aussi, ne laisse pas indifférent. Sans être vraiment spécialiste de l’organisation judiciaire, il est difficile de ne pas s’apercevoir que celui que retient le décret du 19 décembre 1969 pourrait difficilement, pour s’exprimer de la sorte, «  faire l’affaire ». Le raccourci consistant à appeler à juger un notable ayant une bonne connaissance de la coutume des parties et jouissant de l’estime du public, qui aurait la charge d’éclairer le tribunal, ne résout pas durablement la difficulté, surtout lorsque le ressort de celui-ci couvre un espace géographique important où se côtoient plusieurs coutumes qui ne se rejoignent pas d’un bout à l’autre. L’incidence sur la compétence du tribunal se devine.

Paragraphe 2. Compétence

L’énoncé des attributions de chacune des juridictions de droit non écrit de l’ex-Cameroun oriental conduit forcément à en examiner la portée.

A. Enoncé des chefs de compétence

Le champ d’intervention du tribunal du premier degré semble large au sens où on y retrouve les procédures relatives à l’état des personnes, à l’état civil, au mariage, au divorce, à la filiation, aux successions, aux droits réels immobiliers[46]. La maîtrise de ces attributions incline à croire que c’est à bon droit que la Cour suprême décide :

« Attendu qu’en l’espèce, le tribunal du premier degré de Douala a, dans le jugement attaqué (…) nommé des notables et des chefs de quartier pour la représentation officielle de la communauté de Bonapriso ;

Mais attendu que de telles nominations étant aux termes des arrêtés en vigueur du ressort exclusif des autorités administratives, elles ne sauraient constituer un litige civil ou commercial ;

Que dès lors, en procédant à ces nominations, et en se substituant ainsi à l’autorité administrative, le jugement attaqué a excédé sa compétence et, par suite, violé les textes visés au moyen » (CS, arrêt n° 17, 3 mai 1960, Procureur général près la Cour suprême c. Communauté Bonapriso à Douala et Nthepe Raymond, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, Droit traditionnel, 1960-1980, tome 2, pp. 88 et s.)

Les attributions du tribunal coutumier, elles, donnent l’impression d’être plutôt exigües. Effectivement, la compétence de la juridiction se réduit aux différends d’ordre patrimonial, avec en bonne place les demandes en recouvrement de créances civiles et commerciales, les demandes en réparation de dommages matériels et corporels, les litiges portant sur les contrats[47].

C’est donc sans surprise que la très haute juridiction de l’ordre judiciaire retient de longue date :

« Attendu qu’il résulte de l’article 9 visé au moyen que les tribunaux du premier degré sont seuls compétents pour connaître des actions relatives à l’état des personnes, à la famille, au divorce et à la filiation ;

Attendu en l’espèce que, saisie d’une action personnelle en remboursement de la dot versée par Etoa Albert pour obtenir la main de la jeune Alima Sophie, le tribunal coutumier de Manemenyin a décidé que l’enfant à naître de cette fille appartiendrait à Etoa ; qu’en statuant ainsi sur l’attribution d’un enfant alors que les actions relatives à l’état des personnes, à la famille et à la filiation sont réservées aux tribunaux du premier degré, le tribunal coutumier (…) a excédé sa compétence et violé les textes visés au moyen » (CS, arrêt n° 59, 28 mai 1960, Procureur général c. Etoa Albert et Alima Sophie, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, Droit traditionnel, 1960-1980, préc., p. 89). 

C’est donc sans surprise que la Cour suprême se détermine comme suit moins de trois années plus tard : « Attendu qu’aux termes de l’article 9 alinéa 2 du décret susvisé, « en matière civile et commerciale, les tribunaux coutumiers sont seuls compétents à charge d’appel … pour connaître des affaires civiles et commerciales intéressant les indigènes résidant dans leur ressort », à l’exception à l’alinéa 3 du même article, des actions relatives à l’état des personnes, à la famille, au mariage, au divorce et à la filiation réservées à la connaissance des tribunaux du premier degré » ; 

Attendu que par jugement (…) le tribunal du premier degré de Guider, statuant en matière civile dans une affaire de bail à cheptel, a condamné le sieur Sidiki à restituer à la dame Adama le troupeau que celle-ci lui avait confié ; Attendu que les règles relatives à l’organisation judiciaire sont d’ordre public ;

Attendu que par suite, le tribunal du premier degré qui a statué dans un litige réservé à la connaissance exclusive des tribunaux coutumiers a outrepassé sa compétence et par là excédé ses pouvoirs… » (CS, arrêt n° 44, 19 mars 1963, Procureur général près la Cour suprême c. Sidiki et Dade Adama, Bulletin des arrêts de la Cour suprême du Cameroun Oriental, n° 9, 1963, pp. 544-545).

C’est encore sans surprise que la Cour suprême estime « qu’en statuant sur le sort tant de la veuve que de ses enfants dont au surplus plusieurs sont nés d’œuvres d’un tiers postérieurement au décès de son mari, le tribunal coutumier de Yabassi a outrepassé sa compétence et excédé ses pouvoirs » (CS, arrêt n° 14, 20 nov. 1962, Procureur général c. Etoundi Françoise et Njoh Mangué, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, Droit traditionnel,1960-1980, préc., p. 89). La grille de lecture invite à s’intéresser à la portée de la compétence de la juridiction en cause.

B. Portée des chefs de compétence énoncés

Afin de tenter d’épuiser l’étude des attributions des juridictions de droit traditionnel de l’ex-Cameroun oriental, des remarques s’imposent.

La première d’entre elles, décisive, c’est que leur compétence est subordonnée à l’acceptation de toutes les parties en présence, « nonobstant toutes dispositions contraires ». Du coup, il n’est pas à entrevoir que l’on retienne que l’une des juridictions de droit traditionnel de l’ex-Cameroun oriental se prononcera sur  une affaire malgré la formulation d’un déclinatoire de compétence, par exemple en privilégiant les stipulations d’un contrat. Si l’un des protagonistes décline cette compétence, la juridiction de droit moderne sera inévitablement appelée à examiner le différend. La négation de compétence ne s’opère cependant pas dans le désordre. Lorsque l’intention est affichée de ne pas comparaître, le déclinatoire doit être présenté avant toute défense au fond. A contrario, cela signifie que celui-ci sera rejeté dès lors que le débat a été ouvert et, a fortiori, à l’issue des échanges lorsqu’une décision est rendue qui déplait[48]. En revanche, il reste possible, dans le cadre d’une affaire, à l’occasion d’un procès différent portant sur d’autres points de désaccord, d’avoir une attitude rompant avec celle adoptée devant la juridiction de première saisine » (CS, arrêt n° 49/2, 7 avril 1983, Bouame Rose veuve Kameni c. Nga Tedeon Joseph, RCD n° 25, 1985, pp. 69 et s.).

La deuxième remarque, non moins importante, a trait à ce que l’intervention de ces juridictions suppose que l’affaire portée devant elles ne soit pas confiée par la loi à une juridiction moderne. A cet égard, il convient de rappeler, au terme d’une lecture croisée des articles 2 (2) et 4 (1) du décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969, que le tribunal du premier degré et le tribunal coutumier ont compétence pour connaître des procédures civiles et commerciales que les textes ne réservent pas aux juridictions de droit écrit. A cet égard,  il est de bon ton d’inviter le justiciable de renoncer à voir le tribunal du premier degré ou le tribunal coutumier condamner des personnes à des peines ayant une nature répressive. C’est que l’article 31 de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006, qui elle-même reprend les prévisions de textes antérieurs traitant de l’organisation judiciaire, confie la matière pénale aux juridictions de droit écrit à l’exclusion des autres…   

La troisième remarque se rapporte à une exigence sacrée, laquelle voudrait que la saisine d’une juridiction de droit local impose la norme à appliquer pour le règlement du désaccord à elle soumis. Un arrêt de cassation de la Cour suprême, entré dans les annales de la justice au Cameroun, la met clairement en évidence[49]. Sa teneur est celle-ci :  « Vu la Constitution du Cameroun ; 

Attendu que contrairement aux énonciations de l’arrêt confirmatif attaqué, il résulte de la constitution que tous les citoyens camerounais ont le même statut ;

Attendu que, certes, des camerounais peuvent choisir de porter leurs différends en matière civile et commerciale soit devant la juridiction de droit traditionnel soit devant la juridiction de droit moderne en application de l’article 2 du décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969 modifié (…) fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions camerounaises de l’ex-Cameroun oriental ; 

Attendu que l’option de juridiction ainsi instituée par le législateur camerounais de 1969 et 1971 implique nécessairement l’option de législation ;

Attendu, en effet, que le juge naturel du camerounais en matière civile et commerciale est le juge coutumier ;

Que dès qu’un camerounais ne veut pas porter son différend devant sa juridiction naturelle qui connaît mieux ses habitudes et les usages et pratiques en vigueur dans sa tribu, c’est qu’il n’a pas confiance en cette juridiction ; et par suite, refuse l’application des règles coutumières dans son affaire ;

Qu’ainsi il veut être jugé selon les lois écrites qu’il connaît bien et que c’est donc délibérément qu’il fait son choix ; qu’en effet une telle option serait sans intérêt si le juge de droit moderne devait lui faire application de la coutume en vigueur devant le juge de droit traditionnel dont la compétence a préalablement été déclinée… »

La quatrième remarque a trait à la nationalité des personnes pouvant être jugées. Faisant écho à la loi, la jurisprudence estime que seuls des camerounais doivent en être justiciables ; ce qui met à l’écart les juridictions traditionnelles pour les causes nées de rapports mixtes et, a fortiori, celles n’intéressant que des étrangers. Idéalement, les camerounais concernés par les procès devant les tribunaux du premier degré et coutumiers devraient être de ceux dont le niveau d’instruction et d’éducation ne facilite guère la compréhension du droit ou du modèle de justice d’inspiration romaniste ou de Common law. En ce sens, et des études fouillées ont pu accréditer cette thèse, le profil des personnes que ces juridictions accueillent de nos jours a malheureusement changé. Au lieu d’être des profanes dont les facultés mentales correspondent à celles des « indigènes » d’hier, ce sont parfois des gens ayant côtoyé le droit moderne qu’ils connaissent bien. Le choix s’explique tantôt par la plus grande célérité généralement observée ici, tantôt par le coût en argent du procès qui est moins élevé que devant les juridictions de droit moderne.

La cinquième remarque est relative à l’ambiguïté entourant le ressort territorial des juridictions traditionnelles. Le problème vient de ce que le législateur s’est borné à énoncer qu’elles sont créées et supprimées « par décret » ; que « leur siège et leur ressort territorial sont également fixés, et éventuellement modifiés par décret »[50]. Quelques-uns en ont inféré, à l’aune de la pratique, que le tribunal du premier degré est créé à l’échelle de l’arrondissement voire autrefois du district. Quelques-autres ont pensé, puisque les tribunaux coutumiers sont institués dans les collectivités traditionnelles, à savoir les groupements, villages, cantons, tribus…

La sixième observation tire sa source de l’article 9 du décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969. D’après lui, le ministre de la Justice est habilité à rattacher la présidence de tribunaux du premier degré ou coutumiers à celle du tribunal de première instance du ressort. Dans cette éventualité, le tribunal dont la présidence est ainsi rattachée peut être valablement saisi de toute affaire de sa compétence matérielle,  relevant du ressort du tribunal de première instance. De même, et à l’inverse, le tribunal de première instance est logiquement saisi d’affaires relevant de la compétence de ceux-ci.

La septième remarque vise l’hypothèse de l’inexistence d’un ou de plusieurs tribunaux coutumier dans le ressort du tribunal du premier degré. En de telles circonstances, et bien que les règles de compétence d’attribution soient d’ordre public, le second est invité à accueillir et à trancher les différends relevant du domaine du premier.

La huitième clarification est logée à l’article 15 du décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969 où la résolution est prise non seulement que les justiciables doivent comparaître en personne, mais aussi que les avocats ne peuvent ni représenter ni assister les parties. Il n’en va autrement, ainsi que le rappelle l’article 43, que lorsqu’une juridiction traditionnelle a été rattachée à un tribunal de première instance, car alors cet auxiliaire de justice est autorisé à y exercer son ministère au profit des protagonistes. Pareillement, l’interdiction d’être assisté ou représenté par un professionnel du droit est assouplie par la latitude offerte aux justiciables de recevoir des conseils de leurs avocats s’agissant de la direction du procès ou de la rédaction d’actes de procédure[51]….

La neuvième remarque concerne encore les décisions du tribunal coutumier. Devenues définitives, elles  ne sont à exécuter qu’après avoir été revêtues de la formule exécutoire. La formalité est accomplie par le greffier en chef du tribunal de première instance du ressort, sur ordonnance du président de cette juridiction[52].  Obligation est du reste faite à ce fonctionnaire de tenir une comptabilité rigoureuse et une numérotation chronologique des jugements sur lesquels a été apposée la formule exécutoire[53]. Les textes vont d’ailleurs au-delà et exigent que la formule exécutoire ne soit jamais apposée, pour chaque jugement, que sur une seule expédition assortie d’un numéro d’ordre unique[54].

La dixième remarque touche au règlement des conflits entre les coutumes que les juridictions traditionnelles ont vocation naturelle à appliquer et l’obligation d’énoncer. A ce sujet, l’article 3 du décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969 prescrit avec force que, pour les questions concernant le mariage, le divorce, la puissance paternelle et la garde des enfants, le litige est tranché à la lumière de la coutume sous le régime de laquelle l’union avait été contractée, ou dans l’incertitude, d’après les exigences du droit moderne. Le texteajoute que, pour les querelles relatives aux successions et aux testaments, le règlement s’opère à la lumière des traditions du défunt ; pour les litiges portant sur les donations, la solution est trouvée au regard de la coutume du donateur. Il conclut que, lorsque sont débattues des questions se rapportant aux contrats, à la responsabilité civile et à toutes autres matières, le différend est résolu à l’aune des usages en vigueur au lieu où le contrat a été conclu ou à celui où se sont produits les évènements au cœur du litige…

La dernière remarque amplifie la précédente et la généralise. Elle est, en quelque sorte, l’envers de cette exigence qui veut que l’option de juridiction emporte corrélativement le choix de la norme que celle-ci appliquera pour régler le litige, laquelle est soit écrite, soit non écrite. Lorsqu’une juridiction de droit local a été saisie d’un différend sans que la coutume des protagonistes énonce la conduite à tenir en de telles circonstances, elle n’aura pas d’autre attitude que celle consistant à se retourner vers la norme écrite pour trancher. Tel est du moins l’enseignement de la Cour suprême qui a décidé, depuis le 4 janvier 1966, « qu’à défaut de dispositions coutumières réglant des difficultés qui leur sont soumises, les tribunaux doivent se référer à la loi écrite »[55]. A toutes fins utiles, dans l’affaire ayant abouti à cette décision, le reproche était fait au tribunal du premier degré de Lolodorf d’avoir nommé dame Erna Mename « tutrice des biens » laissés par son défunt époux, alors que l’institution d’une tutelle des biens est inconnue en droit coutumier. De telles chroniques ne sont pas rares devant les juridictions traditionnelles de l’ex-Cameroun occidental.

Section 2. Les juridictions traditionnelles de l’ex-Cameroun occidental

Dans ce qui renvoie à l’ancien Cameroun occidental aux yeux d’une certaine génération de camerounais, les juridictions traditionnelles sont de deux ordres : les Customary courts d’une part, les Alkali courts d’autre part.

Paragraphe 1. Les Customary courts

Les Customary courts ou Customary tribunals ont une organisation et une compétence largement esquissées dans le Customary courts Law, 1956.

A. Règles d’organisation

Les customary courts ont une composition collégiale privilégiant la collégialité à cinq, « with or without assessors »[56]. Toutefois, ceux-ci peuvent valablement statuer en présence de trois de leurs juges seulement[57]. Au détour de la consultation de ce qui est qualifié de « Customary courts law » de 1956, mais dans une large mesure aussi du « Customary courts ordinance », Cap. 142, on fait différentes découvertes qui facilitent la compréhension de cette juridiction devenue emblématique en raison notamment du mystère entourant son organisation, et que les pouvoirs publics semblent entretenir ou ne pas vouloir dissiper[58][59].

L’une des révélations c’est que, pendant longtemps, le soin de désigner les membres des customary courts est revenu au « Secretary of State for the interior », avant d’échoir au Ministre de la justice en 1979 à la faveur du rattachement à son ministère des juridictions de droit local de l’ex-Cameroun occidental. Malheureusement, peu de choses ayant été faites depuis 1979, il a fallu continuer à se référer aux prescriptions des textes anciens par application des prévisions, entre autres, de l’article 68 de la constitution à ce jour en vigueur[60]. Ceux-ci découvrent qu’autrefois, pour les besoins de l’accomplissement de sa mission délicate, le « Secretary of State for the interior » bénéficie de l’assistance d’un organe, la « Customary court commission ». Ses membres sont désignés pour une durée d’un an par le « Prime minister of West Cameroons ». La sélection s’opère parmi les personnalités « indépendantes » ayant une connaissance avancée du droit traditionnel, notamment des chefs traditionnels, des notables et des patriarches[61]. A s’en tenir à certains écrits, c’est véritablement cet organe qui contrôle ces juridictions et, parfois, est à l’origine de la révocation des juges auxquels des indélicatesses sont imputées dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions[62]. Quoi qu’il en soit, et cela est important, l’intervention de la « Customary court commission » se situe à mi-parcours du processus. Ainsi que l’écrit à juste titre Tem Mbeum, « appointments were made from the recommendations of village councils. Where village councils were absent, traditional authorities were called upon to do so. Each village council or traditional authority, nominated three persons and their names forwarded to the Customary court commission and one was selected. Even though permanent presidents were appointed by the Customary court commission in 1966, this was revoked in 1968 and each quorum appointed had to designate its president[63]”.

Une autre des révélations c’est que l’autorité officiant en lieu et place du « Commissionner of the Cameroons »[64] d’autrefois conserve la latitude de désigner, pour siéger ici, un nombre davantage élevé de juges. Il suffit seulement, croit-on savoir, que celle-ci estime qu’une cette augmentation est indispensable à une représentation équitable des coutumes[65].

La troisième des revelations c’est que « The Commissioner may from time to time appoint a president and a vice-president of a customary court. Provided that where no such appointment has been made or in the absence of the president or the vice-president the members of the court shall appoint one of themselves to preside for a period of time or for a particular session »[66].

La quatrième des revélations c’est que « a person appointed under the provisions of the section shall hold office for such time as shall be stated in the instrument by which he is appointed »[67].

La cinquième revélation c’est que, « In all cases before a Customary court, the opinion of the majority shall, in the event of the members disagreeing, be deemed and taken to be decision of the court and the president or vice-president or other member presiding shall have a casting vote ». Dans le même sens, la décision est prise d’après laquelle les assesseurs ont une voie consultative, donc que ceux-ci n’ont pas à voter lors des délibérations de la juridiction[68]. Tel est du moins la compréhension que l’on a de la « section 5 (5)[69] d’après laquelle : « Assessors shall act in an advisory capacity and shall have no vote in tne decision of the court ».

La sixième révélation a trait aux « officers of the courts ». A propos de ceux-ci, il est prévu que : « A registrar, clerk or scribe may be appointed to every customary court buy the native authority having authority within the area of the jurisdiction of the court, and such registrar, clerk or scribe shall perform such duties in the execution of the powers and authorities of the court as may be assigned to him by rules of court or by any special order of the court and in particular he shall prepare for issue all warrants and writs and shall record all proceedings of the Customary court and register all orders and judgments (…) and shall enter an account off all moneys received or paid by the customary court »[70]. Au sujet des « officers of the courts », il est également prescrit que « The native authority shall appoint to every customary court such competent interpreter and such assistant registrar, clerk or scribe as may be required »73. Pareillement, la règle est affirmée dont la teneur concède à l’autorité locale le pouvoir de désigner des personnes qui officieront en tant qu’huissiers de justice ou mieux, en qualité de messagers auprès des customary courts du lieu de leur établissement[71].

La septième révélation a trait aux « legal practitioner », « person entitled to practice in accordance with section 84 of the Southern Cameroons High court Law, 1955 ». L’article 26 (1) l’indique de longue date : « No legal practitioner may appear to act for assist any party before a customary court, but a customary court may permit the husband, or wife, or guardian, or any servant, or the master, or any inmate of the household of any party who shall give satisfactory proof that he or she has authority in that behalf, or relative of a person administering the estate of a person who was subject to the jurisdiction of a customary court, to appear for such party[72] ». La formule n’est pas sans lien avec les règles de competence que l’on ne saurait occulter.

B. Règles de compétence 

Les customary courts ont compétence matérielle, une compétence territoriale et enfin, une compétence personnelle.

Au plan matériel, les customary courts connaissent de différends ayant une coloration à la fois patrimoniale et extra patrimoniale, bien que les premiers soient prédominants. On y retrouve très concrètement : les litiges relatifs à la propriété foncière, aux mariages contractés coutumièrement, au divorce, aux demandes de remboursement de dot, à la tutelle des enfants, aux testaments inspirés par les traditions, aux successions. L’article 31 de la loi portant organisation judiciaire ayant supprimé leurs attributions en matière répressive, ces dernières relèvent dorénavant du ressort des juridictions modernes[73]. En revanche, peu de choses s’opposent sérieusement à ce que, dans le champ ainsi délimité, des litiges d’un montant élevé soient tranchés par elles. L’époque est véritablement révolue où la répartition de compétence entre les customary courts en fonction était tributaire de la valeur du litige.

Au plan territorial, aucune exigence forte n’est énoncée par le « Customary courts law » de 1956. Le point 3 de ce texte prescrit seulement que, « By warrant under his hand the Commissioner may establish in the Southern Cameroons such customary courts as he shall think fit »[74]. « Such courts shall exercice jurisdiction in accordance with this law, within such limits as may be defined by the warrant, over causes and matters in which all the parties belong to a class of persons who have ordinarily been subject to the jurisdiction of customary tribunals, and reside or are within the area of the jurisdiction of the court»[75]. « The Commissioner may at any time suspend, cancel or vary any warrant establishing a customary court or defining the limits within which the jurisdiction of the customary court may be exerciced »[76][77]. Fort heureusement, la possibilité de tenir des audiences foraines est prévue. En ce sens, le point 6 du « Customary courts law » souligne que « A customary court shall hold sessions at such times and places as may be necessary for the convenient and speedy dispatch of the business of the court ».

Sur un plan strictement personnel, les justiciables sont censées avoir un niveau d’évolution mentale et culturel apparenté à celui des indigènes d’autrefois. Les parties doivent par ailleurs être établies dans les campagnes ou dans les villes couvrant le ressort du tribunal. Elles devraient appartenir au même groupe et, surtout, n’être pas islamisées. Elles devraient également, idéalement, avoir la nationalité camerounaise. Toutefois, cela doit être révélé, sur le terrain et dans les faits, les « Native Courts » se trouvent parfois dans l’obligation de connaître de litiges impliquant des indigènes du Nigéria ou d’autres pays voisins qui les saisissent dans un contexte où les paramètres de l’attribution de la nationalité ne sont pas toujours lisibles[78].

Une chose est constante que rappelle fort opportunément le point 15 de la « Customary courts Law ». C’est que « If in any cause or matter (…) proceedings have been instituted in a Customary court against a person who, immediately before the trial of such cause or matter begins, alleges that he is not subject to the jurisdiction of Customary courts, such cause or matter shall on the application of such person to the High court which court shall inquire into and determine the truth of such person’s allegations »82.

Les customary courts appliquent les coutumes locales qu’elles sont tenues d’exposer ; exigence qui rejoint la règle option de juridiction emporte option de législation. Surtout, et à s’en tenir au point 18 du « Customary courts Law », « Subject to the provisions of this Law a customary court shall administer : a) the native law and custom prevaling in the area of the jurisdiction of the court or binding between the parties, so far as it is not repugnant to natural justice, equity and good conscience nor incompatible either directly or by natural implication with any written law for the time being in force ; b) the provisions of any written law which the court may be authorised to enforce by an order made under the section 21… 

Le reste se pressent. Les décisions des « native courts » sont susceptibles d’appel, dans les mêmes formes que les jugements des tribunaux de première instance. Simplement, la juridiction saisie sur recours afin de les réexaminer est complétée par deux assesseurs dont la voix est consultative, et qui représentent les traditions des protagonistes. A en croire l’article 2 de la loi n° 79-4 du 29 juin 197983, ces assesseurs sont ceux qui, certes composaient les customary courts en instance, mais n’ont pas siégé en leur sein à ce stade du procès, car ayant alors la qualité de suppléants. Dans le prolongement de cette construction et sans surprise, le principe est posé d’après lequel l’arrêt d’appel pourra, à son tour, essuyer un pourvoi devant la Cour suprême. Il s’étend aux alkali courts.

Paragraphe 2. Les Alkali courts

Dans l’attente d’un corpus juridique actualisé qui les régira, et en vertu des termes de la constitution, les alkali courts demeurent sous l’empire des textes qui s’appliquaient à eux autrefois, lorsque le Cameroun n’était pas encore un Etat unitaire décentralisé. Effectivement, il y est gravé à l’article 68 de la constitution que « La législation résultant des lois et règlements applicables dans l’Etat fédéral du Cameroun et dans les Etats fédérés à la date de prise d’effet de la présente constitution reste en vigueur dans ses dispositions qui ne sont pas contraires aux stipulations de celle-ci, tant qu’elle n’aura pas été modifiée par voie législative ou règlementaire».

Cela réservé, les alkali courts sont des juridictions traditionnelles chargées de trancher les litiges opposant les « natives » musulmans des régions du Sud-ouest et du Nord-ouest84. A première vue, cellesci ne devraient donc voir comparaître devant elles que des individus similaires aux indigènes de naguère, ayant embrassé la foi islamique. En ce sens, le « Alkali’s court warrants », acte juridique qui institue les juridictions visées dans différentes contrées au Southern Cameroons, frappe. On y découvre une formule rituelle sous la rubrique intitulée « Persons over whom the court has jurisdiction ». Sa consistance est celle-ci : « The court shall have jurisdiction over all persons and classes of persons who would ordinarly have been subject to the jurisdiction of customary courts but who are of the Mohamedan faith ». On imagine mal, sur ces bases, que des personnes, non camerounaises par leur nationalité, saisissent avec des chances de succès ces juridictions afin qu’elles examinent un litige les intéressant ou les opposant à des tiers. On imagine aussi, étant entendu que le droit islamique est suffisamment codifié, que le panel des juges exerce ici de manière quasi permanente. Du coup, la question de la représentativité de ces derniers se pose avec moins d’acuité qu’ailleurs85. C’est assez dire qu’il n’est pas à envisager que la question soit chaudement débattue de savoir

                                                        

juridictions spéciales ; que les décisions de justice sont rendues dans l’une ou l’autre langue officielle, au gré de la préférence « du justiciable ». Le problème c’est précisément qu’il pourrait bien arriver qu’un justiciable établi dans les régions où l’on retrouve cette juridiction préfère s’exprimer en langue française, dans un contexte où une partie des autres acteurs de la justice s’exprime en langue anglaise ou en l’une des langues vernaculaires du coin.

  • Point 15 (1). Voir également le point 3 (5) déjà cité.
  • Loi portant rattachement des customary courts et des alkali courts au ministère de la justice.
  • Ainsi que cela a déjà été relevé, la loi du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun semble bouleverser partiellement le principe au cœur de la compétence personnelle de la juridiction notamment lorsque celui-ci évoque la préférence linguistique du justiciable.
  • A vrai dire, cette grille de lecture sera un jour remise en cause. En faveur de cette idée, il convient de rappeler que les prescriptions du coran et celles des textes qui lui sont subséquents n’épousent pas totalement les contours des coutumes locales dans les régions où ont été institués les alkali courts. En faveur de cette idée, il convient de rappeler qu’une tendance existe parmi les musulmans qui considère que l’islam ne se réduit pas à une religion et attire l’attention sur le fait qu’il correspond également à une forme d’organisation politique, sociale et culturelle dont la vocation est de réunir une communauté de frères indépendamment de leur nationalité. L’histoire tend à accorder du crédit à cette thèse, notamment lorsqu’on ne perd pas de vue que le droit musulman a été introduit au Cameroun, entre autres, à partir du nord du Nigéria, par des opérateurs économiques qui, pour quelques-uns, ont fini par s’établir dans la partie septentrionale du pays.

quelle coutume est à appliquer à tel ou à tel justiciable ; que les conflits de coutumes sont a priori aplanis[79]. Telle est du moins la matrice de différents documents historiques que l’on gagne à consulter par moments.  L’un de ces documents, couramment occulté, fut adressé le 29 juin 1960 au « Permanent Secretary,

Ministry of local goverment, land and survey »[80]. L’objet de cet acte administratif rappelant la

« Qualification for appointment to the post of Alkali », offre un premier signal fort au lecteur. Sa lettre est celleci : « With reference to your letter n° LG 3597/56 of 10 April 1960, suggestions from native authorities in this province slightly vary from one another. However, all the three native authorities here agreed that the candidate for this post must have the following qualifications and qualities : a) That he must be an adult, preferably over 21 years old ; b) That he must have a sound knowledge of moslem Law and Arabic (knowledge of « Rissala and Tuhfa will be an advantage) ; c) That he must be a man of integrity, honesty and intelligence ; d) That in this region, a sound knowledge of Hausa will be of a great advantage ». 

Un autre document, lui aussi oublié par la majorité, fut adressé le premier juillet 1960 au « Permanent Secretary, Ministry of local government, land and survey »[81]. Certes, son objet est identique à celui du précédent acte administratif. Toutefois, sa spécificité est d’indiquer que « The usual qualification now required for appointment as an alkali in the northern region are : 

  1. Satisfactory completion of a course of study in Arabic and Muslim Law at the School of Arabic studies at Kano

or an equivalent institution. The course at Kano is of 4 years duration ; 

  1. Satisfactory completion of a course of study of the Penal Code and Statute law at the institute of administration, Zaria. This course usually takes 3 months ».

Le troisième document fondateur est une pétition. Signée de la main du dénommé Mallam L.T. Salé, le 16 juin 1960, elle est titrée « Appointment of an alkali for Nkambe Division-Petition against ». Ses extraits majeurs révèlent : « At an emergency meeting of the muslim congress held at Nkambe (Binka) on the june 12th, 1960, and attended by 560 members of the muslim congress, the party unanimously adopted a motion rejecting the appointment of Alhaji Yusufu of Ngom as an alkali for Nkambe Division, and calling on the Commissioner to confirm the rejection on the following grounds :

  1. That Alhaji Yusufu is a member of a political party (KNDP) and will find it very difficult to dispense justice

whenever two persons one of his own party and another of a different party appear in this court. An alkali should be a political neutral person.

  1. That Alhaji Yusufu is not a qualified person to hold the post of an alkali as he has not passed through any

recognised Muslim Law school such as the Kano Muslim law school.

  1. That before anybody becomes an alkali he must have practice side by side with a fully qualified alkali as his

assistant (Muhuting Alkali) for at least ten years, and must be recommended by such an alkali on trial. Alhaji Yusufu falls short of this qualification.

It is the wish of the Muslim congress that the appointment of an alkali for Nkambe Division be posponed till after the further comming Southern Cameroons plebiscite in order that a qualified alkali may be obtained from a recognised Muslim Law school in Kano. We are aware that no alkali from Nigeria would like te come to the Southern Cameroons before the plebiscite because they do not know what the political future of the Southern Cameroons will be after the plebiscite. »

Le dernier document, déjà évoqué, est représenté par le « Alkali’s court warrants ». On y retrouve très expressément consignée la formule d’après laquelle « The proceedings of the said court shall be recorded by a mufti or scribe ». Malheureusement, les éléments de profil de ce membre du personnel de la juridiction ne sont pas exposés, encore moins le processus de sa désignation et le détail de son statut. Une chose est néanmoins hors de doute : l’existence dans les alkali courts d’un assistant est révélée. En théorie, la mission du « scribe » est similaire à celle du secrétaire en poste dans les juridictions de droit traditionnel en service dans l’ex-Cameroun oriental, notamment au tribunal coutumier. C’est à lui que revient le soin de préparer les audiences, de consigner par écrit les « résolutions » de la juridiction, de conserver les documents de celle-ci…

Au sujet de la compétence d’attribution des alkali courts, peu de choses sont révélées par la loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire dont le moindre des mérites est de les reconduire. Peu de choses sont également relatées dans la loi n° 79-4 du 29 juin 1979 portant rattachement de ces juridictions au ministère de la Justice. Il faut avoir le réflexe de retourner vers les textes fondateurs ou vers la pratique à l’époque ayant suivi l’indépendance du Cameroun pour découvrir que leur champ d’intervention est plutôt large. Effectivement, celui-ci touche l’ensemble des différends pouvant s’élever entre les autochtones musulmans des régions dites « anglophones » du pays, que ceux-ci soient d’ordre patrimonial ou que ceuxci soient sans lien avec le patrimoine des personnes[82][83][84].

Toujours est-il, et c’est le lieu de le pointer du doigt avec fermeté, que les prévisions de la « Section 27 » du Southern Cameroons High Court Law ne devraient jamais être occultées. C’est qu’on y retrouve l’idée d’après laquelle « Laws and customs shall deemed applicable in causes and matters where the parties there to are natives and also in causes and matters between natives and non-natives where it may appear to the court that substantial injustice would be done to either party by a strict adherence to the rules of English law ». Par dessus tout, l’exigence y est formulée que « No party shall be entitled to claim the benefit of any native law or custom, if it shall appear either from express contract, or from the nature of the transactions out of which any suit or question may have arisen, that such transactions are transactions unknown to native law and custom ».

Toujours est-il, et c’est également le lieu de le relever avec force, qu’on doit exclure que les « moslim  courts » en arrivent à condamner à des peines d’emprisonnement, à des amendes ou à d’autres sanctions répressives suggérées par le coran. En effet, l’article 31 de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 précitée supprime la compétence pénale qui, jadis, ne leur était pas contestée...

Toujours est-il que le jugement d’un différend par une alkali court suppose, à l’instar de ce qui se fait devant d’autres juridictions de droit local, que les justiciables veulent bien comparaître ici. En des termes simples, cela signifie clairement que ceux-ci ont le loisir d’élever une exception dans l’espoir du transfert de la cause soit devant une court of first instance, soit devant une High court.

Toujours est-il, et c’est également le lieu de le relever avec force, que les coutumes appliquées ne devront pas heurter la loi, encore moins l’ordre public. Pour reprendre une tournure de langage propre au juriste d’expression anglaise, « it must not be repugnant to natural justice, equity and good conscience », « incompatible with any law for the time being in force » nor « contrary to public policy ». Du coup, imagine mal, de nos jours, que les alkali courts règlent les litiges portés à leur attention sans se référer aux orientations de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, insérées dans les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique. Il s’agit notamment de celles logées sous la rubrique « Q », titrée « Tribunaux traditionnels ». Elles insistent sur le respect de l’égalité des femmes et des hommes dans le cadre du procès, sur le respect de la dignité des femmes et leur droit à ne pas subir des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants[85]. Elles attirent l’attention sur la nécessité de ne pas sacrifier l’égalité des personnes sans distinction aucune et estiment dans cette optique que les juridictions de droit traditionnel statuant sur les causes qui leur sont soumises devraient accorder peu d’intérêt à la hiérarchie traditionnelle lorsque l’un des maillons de celle-ci a la posture de partie dans un procès…

En tout état de cause, les coutumes devront, non seulement être clairement déclinées dans les jugements rendus, mais, davantage encore, être celles des personnes en désaccord. Enfin, les décisions prononcées sont susceptibles de recours, singulièrement de l’appel. A juste titre, d’aucuns ont estimé que tout cela concourt à l’évanouissement de la spécialité des alkali courts ou plus globalement des juridictions traditionnelles[86]. A l’appui de cette manière de voir, l’attention a notamment été attirée sur le fait que leurs décisions sont finalement appréciées, voire censurées, par les juridictions de droit moderne.

CHAPITRE 2. LES JURIDICTIONS MODERNES[87]

Les juridictions modernes ou « de droit moderne » sont tantôt rattachées à l’ordre judiciaire tantôt rattachées à d’autres ordres de juridiction.

Section 1. Les juridictions de l’ordre judiciaire

Les juridictions modernes ou « de droit moderne » rattachées à l’ordre judiciaire sont tantôt des juridictions de première saisine, tantôt des juridictions que l’on saisit sur recours.

Paragraphe 1. Les juridictions de première saisine 

Au plan interne, les juridictions de première saisine sont pour l’essentiel[88] le tribunal de première instance, le tribunal de grande instance, le tribunal militaire, la Cour de sûreté de l’Etat, la haute cour de justice, le tribunal criminel spécial. A eux s’ajoutent la commission provinciale du contentieux de la prévoyance sociale et le conseil d’arbitrage que l’on a trop souvent tendance à oublier.

A. Le tribunal de première instance

Le tribunal de première instance occupe une place véritablement centrale dans l’organisation judiciaire au Cameroun. En effet, en tant que juridiction de droit commun, ce dernier se penche sur les litiges de nature privée que la loi n’a pas attribués expressément à une juridiction particulière ; ce qui n’est pas incompatible avec un encadrement plutôt général de son domaine d’intervention. Pareille présentation de ce que le camerounais ayant embrassé une part importante de la culture anglo-saxonne dénomme « court of first instance » ne suffit malheureusement pas à en offrir un aperçu complet. On ne s’en imprègne profondément qu’en sondant son organisation d’une part ; ses attributions d’autre part.

1. Composition et organisation

La composition et l’organisation du tribunal de première instance sont encadrées. Cela ne fait cependant pas obstacle à ce que s’élèvent des préoccupations.

a. L’essentiel des règles

La composition du tribunal de première instance n’a rien d’original, du moins lorsqu’on se réfère à celle des autres juridictions de première saisine.

Au siège se trouvent le président du tribunal, un ou plusieurs juges, le greffier en chef, des greffiers.

A l’instruction se trouvent un ou davantage de juges d’instruction (ou « Examining magistrates »), un ou plusieurs greffiers.

Au parquet se trouvent un procureur de la République (ou « State council ») et, à ses côtés, un ou plusieurs substituts (ou « Deputy State council »).

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de celle du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, les formations du tribunal de première instance sont d’un côté les chambres, de l’autre côté l’assemblée générale.

S’agissant des chambres, le texte visé crée une ou plusieurs chambres civiles, une ou différentes  chambres commerciales, une ou plusieurs chambres sociales, une ou plusieurs chambres correctionnelles ou de simple police, une ou plusieurs chambres des mineurs. Les contraintes de service peuvent cependant conduire le président de la Cour d’appel du ressort, par ordonnance, à procéder au regroupement des chambres par ordonnance. Il appartient à cette même autorité, après consultation du président du tribunal, de nommer parmi les juges, donc à l’exclusion des membres du parquet, les présidents des chambres.

Logiquement, et comme le retient la loi, le président du tribunal de première instance devrait préalablement avoir affecté les magistrats appelés à trancher dans celles-ci en début d’année judiciaire, pour la durée de celle-ci[89]. Une chose est sûre, c’est que l’ordonnance de nomination des présidents de chambres n’est pas perpétuelle. L’article 14 nouveau de la loi portant organisation judiciaire calque sa durée de vie sur l’année judiciaire. Le même article envisage un remplacement des concernés, avant le terme de l’année, lorsque ceux-ci sont indisponibles ou lorsque leur rendement est insuffisant. En toute hypothèse, la décision y relative prend la forme juridique d’un « avis motivé »95 ; elle couvre « la période restante » de l’année judiciaire de remplacement ou de nomination[90].

Quant à l’assemblée générale, elle rassemble le personnel magistrat en poste au tribunal, auquel s’ajoute le greffier en chef. Ses attributions sont tantôt consultatives, tantôt juridictionnelles. Lorsqu’elle exerce ses missions consultatives, l’auguste assemblée exprime un avis sur le point soumis à son examen, lequel est presque toujours en lien avec le fonctionnement de la juridiction. Elle est convoquée soit par le chef de juridiction, soit par le procureur de la République, soit par le tiers des membres du TPI. Les magistrats rattachés au parquet participent alors à la délibération et au vote. Lorsqu’elle exerce ses attributions juridictionnelles, l’assemblée délibère hors la présence des magistrats du ministère public, non sans que ceux-ci aient présenté leurs réquisitions ou conclusions ; ce qui est dans l’ordre des choses car le soin ne revient pas aux membres du ministère public de juger.

Les méandres de la composition et de l’organisation du tribunal de première instance explorés, des précisions sont à apporter, dans l’espoir de faciliter leur compréhension.

Tout d’abord, l’attention est retenue par la mise en harmonie de l’organisation du tribunal de première instance avec celle d’autres juridictions. Pour comprendre la profondeur et les implications d’un tel constat, il sied se souvenir de la configuration passée du tribunal. Avant la réforme de l’organisation judiciaire introduite par la loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011 modifiant et complétant la loi de 2006 portant organisation judiciaire, celle-ci était structurée autour de sections et non de chambres…

Ensuite, le tribunal de première instance est fréquemment présidé par celui qui est à la tête du tribunal de grande instance. L’article 17 de la loi portant organisation judiciaire ne s’en tient pas à cela. En substance, il enseigne que les juges d’instruction du tribunal de première instance du siège d’un tribunal de grande instance peuvent, cumulativement avec leurs fonctions, être nommés juges d’instruction au TGI. Le principe y est consigné que les juges et juges d’instruction en poste ici peuvent en tant que de besoin, cumulativement avec leurs fonctions, être nommés juges au tribunal de grande instance ; que le chef du greffe de cette juridiction pourrait parallèlement œuvrer en tant que greffier en chef au tribunal de première instance. La formule y est inscrite d’après laquelle « Le procureur de la République près le tribunal de première instance du siège d’un tribunal de grande instance peut, cumulativement avec ses fonctions, être nommé procureur de la République près ce tribunal de grande instance » ; « les substituts du procureur de la République près le tribunal de première instance du siège d’un tribunal de grande instance peuvent, cumulativement avec leurs fonctions, être nommés substituts du procureur de la République près ce tribunal de grande instance »[91].

Par ailleurs, la présence au siège d’un nombre relativement important de magistrats ne doit pas induire en erreur. Les affaires relevant de cette juridiction sont tranchées par un seul juge. Ce n’est qu’à titre exceptionnel que le tribunal de première instance peut, suite à une ordonnance de son président prise d’office, sur réquisitions du ministère public ou à la requête d’un plaideur, siéger en formation collégiale. Dans cette circonstance inhabituelle, afin de faciliter l’émergence d’une majorité, deux juges, désignés par le chef de juridiction pour compléter le tribunal, statuent ensemble…

De même, appelé à statuer en matière sociale, le tribunal de première instance est composé conformément aux orientations du Code du travail. La juridiction a alors, à sa tête, un magistrat dont la mission clé est de la présider. A ses côtés se trouvent deux assesseurs représentant respectivement les employeurs et les travailleurs, lesquels participent pleinement aux délibérations (et un fonctionnaire des greffes). Les assesseurs sont nommés par arrêté du Garde des sceaux, ministre  de la justice, sur proposition du ministre chargé du travail, lui-même obligé de les choisir sur une liste dressée par les organisations syndicales les plus représentatives[92]. La liste en cause comporte au moins trois noms pour chaque poste à pourvoir. Les intéressés sont des camerounais n’ayant jamais été condamnés à des peines infamantes, qui ont exercé en qualité d’employé ou d’employeur pendant au moins trois ans dont trois mois au moins dans le ressort du tribunal, qui savent et écrire le français et l’anglais[93]. Une jurisprudence plutôt stable est là qui invite à se garder de considérer, s’agissant du règlement des différends individuels de travail singulièrement, que les assesseurs ne sont pas des figurants. Parfois, elle va jusqu’à attirer l’attention sur le fait que le serment de ces « juges » est celui du magistrat. A sa manière, elle évacue ces incertitudes introduites par quelques-uns qui ont pu estimer que la mention « après en avoir délibéré conformément à la loi », insérée dans une décision, suffit à déterminer que c’est le tribunal régulièrement composé qui a tranché et, par conséquent, que les assesseurs, réputés présents, ont pleinement participé au processus décisionnel (CS, arrêt n° 51, 9 mai 1974, Bakang Jean-Baptiste c. Ema Otou Pierre, Répertoire chronologique, Droit social, 1960-1980, tome 3, pp. 271 et s.100 ; arrêt n° 8, 6 déc. 1979, John Anagho c. Agip Cameroun S.A. ; arrêt n° 87/S, 3 juin 1982, Baba à Bisseck c. Bata, in TCHAKOUA J.M. (dir.), Les grandes décisions du droit travail et de la sécurité sociale, Jusprint, Yaoundé, 2016, pp. 553 et s., obs. KUATE TAMEGHE S.S. ; arrêt n° 6, 13 janv. 1977, La société camerounaise de bois c. Roussey Josette, Répertoire chronologique, Droit social, 1960-1980, tome 3, pp. 272 et s.101) ;  

Enfin, la composition du tribunal comporte des particularités en matière de délinquance juvénile. L’article 709 du Code de procédure pénale prescrit qu’on doit y retrouver un magistrat du siège, président ; deux assesseurs, membres ; un représentant du ministère public ; un greffier. L’article 711 du même Code indique toutefois que, lorsque, dûment convoqués, les assesseurs ne se présentent pas, le président de la chambre des mineurs ou le chef de juridiction constate leur carence et siège seul. Mention du tout est faite dans le jugement rendu. Quoiqu’il en soit, ici, les assesseurs sont désignés pour deux ans. L’acte d’investiture est conjointement dressé par le ministre chargé de la justice et son homologue responsable des affaires sociales. En tout état de cause, les concernés sont des camerounais de l’un ou de l’autre sexe, âgés de trente ans au minimum, réputés pour leur attachement aux préoccupations liées à l’enfance ou pour leur expertise en la matière. Avant d’entrer en fonction, ceux-ci sont tenus, devant le tribunal de première instance, de prêter serment non seulement de bien et loyalement remplir leurs fonctions, mais aussi de garder scrupuleusement le secret des délibérations. Leur voix est délibérative s’agissant des peines et des mesures à prononcer contre le mineur ; ce qui signifie que les assesseurs sont simplement consultés lorsque d’autres questions sont en cause. Malheureusement, l’application de ces règles ne va pas sans préoccupations.

b. Les préoccupations suscitées par les règles essentielles

Les mises au point relatives à l’organisation et à la composition du tribunal de première instance n’occultent malheureusement pas les inquiétudes qu’elles soulèvent.

La première de ces inquiétudes a trait à la ventilation des juges dans les chambres. Aucun critère n’est énoncé qui guide le président du tribunal dans cette opération délicate. Or, on ne le sait que trop, les magistrats sont titulaires de diplômes ne les prédisposant pas toujours à servir aux mieux au profit de toutes les chambres, du moins pas en début de carrière. En s’en tenant à leur parcours antérieur à l’entrée à l’école nationale d’administration et de magistrature, quelques-uns sont titulaires d’une maîtrise en droit public ou en droit privé ; quelques autres titulaires d’une maîtrise en sciences de gestion ou dans des disciplines assimilées. L’inquiétude est confortée par le décret n° 2012/188 du 18 avril 2012 qui annonce

                                                         

ressort du tribunal, aux langues officielles. Le tableau est utilement complété par l’article 134 qui pose que le mandat de l’assesseur s’étend sur deux années judiciaires ; que celui-ci est renouvelable ; que sauf cas de force majeure, l’assesseur dont la carence a été constatée trois fois au cours d’un mandat est déchu de ses fonctions ; que la liste des assesseurs peut, en cas de nécessité, être complétée en cours d’année…

  • Dans cet arrêt, il est jugé : « Sur le second moyen de cassation pris da la violation de l’article 143-3 du Code du travail ; en ce que l’arrêt du 2 janvier 1973 précise que la décision de la cour a été rendue par le président siégeant seul à défaut d’assesseur disponible dans la branche professionnelle de l’employeur sans constater également qu’aucun assesseur n’était disponible dans la branche professionnelle du travailleur ;

Attendu que l’article 143-3 du Code du travail dispose : « Dans le cas où l’un des assesseurs ou les deux assesseurs convoqués ne se présentent pas ou à défaut d’assesseurs disponibles dans la branche professionnelle du travailleur ou de l’employeur, le président statue seul » ; 

Attendu que cette rédaction signifie sans équivoque que lorsqu’il manque un assesseur soit parce que convoqué il ne s’est pas présenté, soit parce qu’il n’a pas pu être appelé un de disponible dans l’une ou l’autre des branches professionnelles, le président doit statuer seul sur l’instance qui lui est soumise ; qu’il est évident que le représentant de l’autre branche ne peut, pour des raisons d’équité, participer au jugement ; que la juridiction sociale doit être composée soit par un magistrat et deux assesseurs, soit par un magistrat seul, mais jamais composée par un magistrat et un assesseur ; Attendu qu’en décidant de siéger seul à défaut d’assesseur disponible dans la branche professionnelle de l’employeur, le juge d’appel, non seulement, n’a pas violé l’article 143-3 du Code du travail, mais en a, au contraire, fait une exacte et stricte application… »

  • Dans cet arrêt, l’un des moyens du pourvoi, le troisième, est fondé sur la violation des articles 140 et 153 du Code du travail du 27 novembre 1974. Il est reproché à la Cour d’appel d’avoir décidé qu’ « après en avoir délibéré, les assesseurs ayant été préalablement consultés », alors que les assesseurs ont voix délibérative. La Cour suprême résout : « Attendu que l’article 140 du Code du travail, applicable en l’espèce, dispose que les juridictions statuant en matière sociale sont composées d’un magistrat, président, et de deux assesseurs ; que l’article 153-1° du même Code énonce que « les débats clos, le tribunal délibère » ; qu’il s’ensuit nécessairement et sans équivoque possible que les assesseurs délibèrent avec le président ;

Attendu que l’arrêt attaqué mentionne : « Après en avoir délibéré, les assesseurs ayant été préalablement consultés » ;

Qu’ainsi, il apparaît que les assesseurs ont été seulement consultés et n’ont pas délibéré avec le président, au mépris des articles visés au moyen ; d’où il suit que celui-ci est fondé et que l’arrêt encourt cassation… »

expressis verbis que nul ne doit être recruté comme magistrat sans justifier, outre les conditions requises par le statut général de la fonction publique de l’Etat, « d’une maîtrise en droit privé, d’une maîtrise en droit public, d’une maîtrise en sciences économiques, d’une maîtrise en gestion, ou d’un master en informatique… ».

La deuxième inquiétude se rapporte au remplacement des présidents de chambres. L’article 14 (d) de loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011 précitée dresse un inventaire des circonstances dans lesquelles cela pourrait survenir. On y découvre que l’ordonnance de nomination est susceptible de modification avant la fin de l’année judiciaire « pour cause d’indisponibilité du président de chambre » ou lorsque le président du tribunal, par avis motivé, relève des « insuffisances dans le rendement du président de chambre »… A tout prendre, de deux choses l’une : soit la « révocation » des fonctions de président de chambre est liée à « l’indisponibilité » de l’individu qui les exerce ; soit la destitution de ces fonctions s’explique par des insuffisances dans le rendement de ce dernier. Bien que cette décision doive parfois être motivée, l’observation s’impose que les causes du remplacement retenues ne sont pas de celles dont l’appréciation fera l’unanimité en raison de leur objectivité…

La troisième inquiétude naît de la question de savoir si, nonobstant l’existence formelle des juridictions de droit traditionnel, l’on n’aurait pas pu envisager que le tribunal de première instance, juridiction de première saisine créée à l’échelle de l’arrondissement, comporte une ou diverses chambres de droit traditionnel[94]. Se référant à la proximité de la justice et aux considérations touchant au procès équitable, on peut également se demander si l’on ne pouvait pas songer ici à une chambre des procédures urgentes voire à une chambre d’inspiration « Common law », quitte à procéder à une réorganisation dans le cadre de laquelle cette formation de la Common law côtoie une ou plusieurs chambres de « droit civil »[95] et une ou différentes chambres de droit traditionnel. Moins radicalement, et songeant aux dynamiques liées à la décentralisation que proclame la constitution, on pourrait s’interroger sur le point de savoir s’il ne serait pas judicieux d’envisager que le tribunal comporte demain une chambre administrative, voire une chambre des comptes. Dans la même perspective, quelques-uns pourraient se demander s’il n’eut pas été judicieux de détacher la chambre sociale, donc de créer une juridiction du travail et de la sécurité sociale. Un raisonnement similaire pourrait inciter à plaider l’isolement de la chambre commerciale, donc à lui conférer une autonomie en tant que juridiction où cela est utile…

La quatrième inquiétude concerne la composition du parquet. On oublie trop souvent que celui-ci est indivisible et surtout que les magistrats en service ici officient sous le contrôle, la direction et la responsabilité de son chef, à savoir le procureur de la République[96]. Tout bien considéré, et à l’inverse de ce qu’incline à penser la rédaction de la loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, le procureur de la République et ses substituts ne sont pas les seuls à animer le ministère public. Un autre personnel s’y agrège ainsi que le prévoit le décret n° 80/299 du 26 juillet 1980 portant organisation administrative des juridictions, modifié et complété le 8 juillet 1981. On apprend que le parquet comprend ici un service des affaires judiciaires placé sous l’autorité d’un fonctionnaire des greffes ayant au moins le grade de greffier ; un service des affaires administratives et financières placé sous l’autorité d’un greffier ou de tout autre fonctionnaire de l’administration générale…

La cinquième inquiétude est relative au greffe. A l’évidence, son unité ne semble pas avoir préoccupé. Dans la composition et l’organisation du tribunal de première instance, celui-ci n’apparait pas, d’emblée, comme l’un des organes de la juridiction. A preuve, la loi distingue le siège de l’instruction et du parquet. Dans la logique de ce découpage, les fonctionnaires des greffes sont tantôt ventilés au siège, tantôt rattachés à l’instruction et très indirectement au ministère public. Seule la référence au greffier en chef et aux greffiers permet, artificiellement, de considérer que le greffe est l’un des « démembrements » essentiels du tribunal. Il n’est pas sûr que cette organisation soit la plus pertinente ; on peut douter, sur le terrain, de la concordance des pratiques avec la loi d’organisation judiciaire…

La sixième inquiétude concerne les assesseurs en poste à la chambre des mineurs. Leur nombre semble difficile à identifier à la seule lecture des dispositions y relatives. C’est que, d’une part, l’article 709 (1) du Code de procédure pénale indique que le tribunal est composé de deux d’entre eux. D’autre part, l’article 709 (2) du Code introduit entre ces auxiliaires de justice une distinction. Celle-ci les scinde en deux catégories, à savoir les assesseurs titulaires et les assesseurs suppléants, en utilisant non pas le singulier, mais le pluriel. On doit alors, malgré les hésitations, tenter de conclure que le loisir a été laissé au pouvoir règlementaire d’en fixer le nombre. En conséquence, il n’est pas à exclure que ce nombre ne soit pas homogène, notamment lorsqu’on se réfère à des paramètres tels que la taille de la population, l’envergure de la délinquance juvénile, qu’elle soit actuelle ou future. A l’évidence, le nombre de ces auxiliaires de justice aura forcément des répercussions sur la compétence de la chambre et, par ricochet, du tribunal.

2. Compétence

Les attributions du tribunal de première instance ne sont pas, à proprement parler, celles du président de cette juridiction. Du coup, elles ne peuvent être examinées qu’isolément.

a. Compétence du tribunal proprement dit

Au plan territorial, le tribunal de première instance est créé au niveau des arrondissements et siège au chef-lieu de ces unités administratives. Toutefois, suivant les besoins du service, son ressort pourrait être étendu à plusieurs arrondissements, par décret du président de la République. Il est même envisagé que le tribunal puisse, par moments, se déplacer vers les justiciables dans le cadre d’audiences foraines. Ce pèlerinage des magistrats ou cette extension de compétence était inévitable jusqu’à très récemment où, pour un total d’environ 360 arrondissements, on comptait moins de 75 tribunaux de première instance.

Au plan matériel, le tribunal de première instance a des attributions variées, exposées à l’article 15 nouveau de la loi portant organisation judiciaire.

En matière pénale, la juridiction connaît des infractions qualifiées de délits ou de contraventions. Elle se prononce sur les demandes de mise en liberté formulées par toute personne détenue et poursuivie devant elle pour une infraction relevant de sa compétence ; connaît des crimes commis par des mineurs, sans coauteurs ou complices majeurs.

En matière civile, le tribunal examine les demandes de paiement de sommes d’argent dont le montant est inférieur à dix millions de francs ; sur les demandes de recouvrement, par procédure simplifiée, de créances civiles d’un montant inférieur ou égal à ce montant. Plus généralement, la juridiction examine les différends dont le montant de la demande est inférieur à dix millions de francs.

En matière commerciale, le tribunal de première instance reçoit et examine les demandes de paiement, y compris par le biais de procédures simplifiées de recouvrement, lorsque leur taux évalué en argent est inférieur ou égal à la somme de dix millions de francs. En outre, le soin lui revient d’examiner les contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants, entre établissements de crédit, entre commerçants et établissements de crédit ; des contestations « entre associés pour raison d’une société de commerce ou d’un groupement d’intérêt économique ». Il connaît également des litiges se rapportant aux sociétés commerciales ; des contestations relatives « aux actes et effets de commerce entre toutes personnes tels que prévus par l’Acte uniforme de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires OHADA relatif au droit commercial général ». En tout état de cause, ici aussi, l’intérêt litigieux est inférieur ou égal à dix millions de francs ;

En matière sociale, le tribunal de première instance tranche les différends dont la valeur est inférieure ou égale à dix millions de francs.

A ce stade de l’exposé des attributions du TPI, il convient de ne pas oublier que nombre de litiges au carrefour de la matière civile, de la matière commerciale voire de la matière sociale, échappent parfois (tantôt provisoirement, tantôt définitivement) au tribunal alors même que leur valeur est susceptible, a priori, de s’insérer dans le spectre de son taux de compétence.

On songe spontanément aux différends d’ordre sportif. Effectivement, il est retenu dans la loi n° 2018/014 du 11 juillet 2018 portant organisation et promotion des activités physiques et sportives au Cameroun, à l’article 94, que les litiges d’ordre sportif opposant les associations sportives, les sociétés sportives, les licenciés et les fédérations sportives sont résolus, en premier ressort, conformément aux normes propres à chaque structure sportive[97]. Après l’épuisement des voies de recours internes des structures sportives, l’un des protagonistes peut, en dernier ressort, au plan national, saisir soit la Chambre de conciliation et d’arbitrage instituée auprès du Comité national olympique et sportif du Cameroun, soit les juridictions administratives ou de droit commun au gré de la nature du désaccord.

On songe spontanément, parmi eux, aux litiges touchant à la copropriété des immeubles. Effectivement, il est retenu dans la loi n° 2010/022 du 21 décembre 2010 relative à ce sujet que le syndicat des copropriétaires est compétent pour connaître, avant la saisine de toute juridiction, des différends entre les copropriétaires ou entre ceux-ci et le syndic. A cette fin, le syndicat procède à la conciliation conformément à la procédure prévue à cet effet soit par le règlement de copropriété, soit par une résolution de l’assemblée générale des copropriétaires. Le texte ne s’arrête pas là. La possibilité y est envisagée que le syndicat des copropriétaires puisse déléguer une partie de ses compétences soit au conseil syndical, soit à une instance ad hoc qu’il met en place de manière permanente par une résolution spécifique, soit à un groupe constitué en assemblée générale pour résoudre un tel différend[98].

On songe spontanément, parmi eux, aux litiges touchant à l’audiovisuel. Il est retenu à l’article 72 de la loi n° 2015/007 du 20 avril 2015 y relative que l’organe chargé de la régulation du secteur est compétent pour connaître, avant la saisine de toute juridiction, des différends entre opérateurs du domaine d’une part, les bénéficiaires des services audiovisuels et les éditeurs de ces services d’autre part. La compétence de l’organe évoqué suppose toutefois que les évènements au cœur du désaccord ne soient pas constitutifs d’une infraction pénale ; que celui-ci ne soit saisi que par un éditeur, un distributeur de services, un prestataire ou toute autre personne intéressée.

On songe intuitivement, parmi eux, aux différends de consommation qui n’ont de cesse de croître. Le mécanisme général de règlement de ceux-ci a été confié, au premier niveau, à un comité de recours institué à la lumière des prévisions de la loi cadre n° 2011/012 du 06 mai 2011 portant protection des consommateurs au Cameroun, par un arrêté du premier ministre n° 119/PM du 10 août 2012[99]

On songe instinctivement aux litiges ayant un lien avec la régulation de certaines activités économiques stratégiques, lesquels sont réservés tantôt à des « conseils », « commissions », « agences », « autorités de régulation ». C’est précisément dans cette perspective que la loi n° 2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun, pour s’en tenir à elle, a pu instituer à côté de l’Agence nationale des technologies de l’information et de la communication dite ANTIC108, l’Agence de régulation des télécommunications, ART[100][101]. Après l’avoir fait, le législateur a décidé[102] que cette dernière a compétente pour connaître, avant la saisine de toute juridiction, des différends entre opérateurs de réseaux de communications électroniques relatifs notamment à l’interconnexion, à l’accès à un réseau de communications électroniques, au dégroupage de la boucle locale, à la numérotation, à l’interférence des fréquences, à la co-localisation physique et au partage des infrastructures…[103].

Si telles sont les observations essentielles,  il se devine que l’exposé des attributions du tribunal de première instance ne va pas sans inquiétudes.

La première inquiétude a trait à son ressort territorial de compétence. Lorsqu’on s’en imprègne sans prendre de précautions, on conclut péremptoirement que le Cameroun compte autant de tribunaux de première instance que d’arrondissements. Le contenu des rapports récents du Ministère de la justice portant sur l’état des droits de l’homme dans le pays ramène brutalement à la réalité. Il y est consigné, en 2012 par exemple, qu’environ 290 arrondissements sur 360 étaient sans tribunal de première instance[104]. Littéralement, et toute réflexion faite, la conclusion s’impose, à l’opposé de ce que l’exégèse suggère et de ce que célèbrent les discours, que ce n’est qu’exceptionnellement que les arrondissements sont dotés d’un TPI ; qu’un grand déséquilibre existe entre le maillage judiciaire du territoire et l’organisation administrative de la République du Cameroun…

La deuxième inquiétude est celle de savoir s’il était raisonnable de figer le taux de compétence à moins de dix millions de francs en matière civile, en matières commerciale et sociale. Il n’est pas totalement erroné de se demander si l’on ne devrait pas envisager que le tribunal de première instance statue une fois pour toute s’agissant des petites querelles du quotidien se rapportant aux matières visées, lorsque la valeur de celles-ci est résiduelle. Dans une telle tournure d’esprit, le justiciable mécontent de la décision prononcée n’aurait comme voie de recours privilégiée que le pourvoi en cassation devant la Cour suprême. Logiquement, on ne pourrait tirer pleinement profit de ce schéma que si celui-ci est accompagné d’une simplification de la procédure, singulièrement sur le terrain de la composition du tribunal, sur celui de sa saisine, sur celui des délais, y compris de règlement des différends concernés…

La troisième inquiétude, ancienne, s’est élevée quant à savoir ce qui entre en ligne de compte lors de l’évaluation du taux de compétence et, mieux encore, à quel moment cela s’effectue. La difficulté s’est notamment exprimée lorsque les prétentions du demandeur ne sont pas stables, donc fluctuent. Cette situation se rencontre fréquemment en matière de responsabilité civile, mais également en droit du travail à propos du calcul des droits du travailleur licencié. Curieusement, la loi n’y a jamais nettement répondu. Du coup, une tendance a vu le jour et s’est propagée, suggérant de le déterminer à l’aune des dernières écritures de celui qui s’adresse au tribunal114….

La quatrième inquiétude, non moins ancienne, est relative aux demandes incidentes et en particulier à la question de savoir si la juridiction conserve sa compétence lorsqu’après sa saisine intervient une riposte de la partie défenderesse qui, en réaction aux allégations du demandeur, élève une prétention autonome et indépendante dont la valeur excède de loin le seuil de dix millions de francs. A ce propos, l’article 15 (1) (b) de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire est d’une précision quasi chirurgicale. Il dispose que, « compétent sur l’action principale, le tribunal de première instance est également compétent pour examiner les demandes reconventionnelles, quel qu’en soit le montant ». Un écho vibrant est ainsi donné à l’article 153 du Code du travail qui, longtemps à l’avance, avait esquissé l’exigence d’après laquelle les juridictions statuant en matière sociale planchent sur les demandes reconventionnelles ou en compensation lorsque, par leur nature, elles entrent dans leurs attributions[105]. A première vue, l’objectif semble d’éviter aux justiciables une multiplication des procédures et des procès lorsque le défendeur à une instance formule des demandes contre l’initiateur de celle-ci.

Une autre source d’inquiétude, proche de la précédente, porte sur le point de savoir si le tribunal devrait se pencher sur les demandes visant la réparation de dommages liés aux infractions relevant de son domaine d’intervention, singulièrement lorsque ce qui est réclamé excède le taux de dix millions de francs. L’article 15 (3) (b) de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 précitée offre une piste de solution en disposant que « le tribunal de première instance, lorsqu’il statue sur le préjudice résultant d’une infraction à la loi pénale (…), est compétent pour connaître des demandes en dommages-intérêts d’un montant supérieur à dix millions de francs CFA ». 

La sixième préoccupation se rapporte aux attributions du « tribunal correctionnel » en matière de délinquance juvénile. La juridiction, appelée à intervenir sur ce terrain, se prononce sur les crimes, délits et contraventions du mineur dont l’âge excède dix ans, et qui a moins de dix-huit ans[106]. C’est dire que le tribunal de première instance est finalement la juridiction par excellence de l’enfant suspecté de délinquance. Du coup, l’article 15 (1) de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 aussi bien que l’article 713 du Code de procédure pénale n’envisagent la compétence d’autres tribunaux, et notamment celle du tribunal de grande instance, que lorsqu’une infraction a été commise avec des complices ou des coauteurs majeurs.  

La septième préoccupation touche aux attributions de la « Court of first instance » en matière de détournement de biens publics et des infractions connexes. Elle invite à se souvenir durablement que l’article 11 nouveau de la loi n° 2012/011 du 16 juillet modifiant et complétant les dispositions de la loi n° 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création du tribunal criminel spécial décide, dans les cas marginaux où de tels détournements ou les infractions connexes sont délictuels, que la juridiction statue en premier et dernier ressort. Très concrètement, le soin revient au tribunal de se prononcer sur les détournements de biens publics dont le montant est inférieur à 50 000 000 de francs et qui, en tout état de cause, sont constitutifs de délits[107]. Une lecture de l’article 184 du Code pénal renvoie instinctivement à cette juridiction s’agissant d’affaires dans lesquelles des biens appartenant à des personnes morales de droit public sont frauduleusement obtenus ou détenus dès lors que la valeur de ceux-ci est inférieure ou égale à 100 000 francs. En ces circonstances en effet, le texte prescrit un emprisonnement de cinq à dix ans et une amende de 50 000 à 500 000 francs ; toute chose correspondant au délit qui, de tradition, échoit au tribunal de première instance…

Toujours en matière répressive, seul celui qui peut aisément identifier la contravention ou le délit cernera véritablement la consistance des attributions de cette juridiction. On gagne alors à se reporter à l’article 21 du Code pénal où sont offertes les clés de compréhension…  

La huitième préoccupation se rattache à l’intervention du tribunal de première instance en matière sociale. Celui qui s’en tient aux termes de la loi portant organisation judiciaire et oublie ceux du Code du travail court le risque de ne pas s’apercevoir que celle-ci ne concerne que les conflits individuels. S’agissant des différends ayant un caractère collectif, lesquels se caractérisent à la fois par l’intervention d’une pluralité de salariés organisés ou non en groupements professionnels ou par la nature collective de l’intérêt en jeu, l’article 157 (1) décide d’emblée de les soustraire de la compétence des tribunaux statuant en matière sociale, conformément à la loi d’organisation judiciaire. Ensuite seulement, l’article 157 (2) indique que le règlement de ce type de litige relève essentiellement des procédures de conciliation et d’arbitrage… [108]

Dans le sillage de ce qui précède, les attributions en matière sociale du tribunal de première instance ne touchent pas le domaine de la sécurité sociale. Une fraction de ce contentieux est attribuée aux commissions provinciales de la prévoyance du contentieux sociale (singulièrement celui portant sur la prévention des accidents du travail ou des maladies professionnelles et la réparation des dommages consécutifs à ceux-ci) ; une autre pan aux juridictions administratives (recouvrement des cotisations sociales)…

A propos de la matière sociale encore, l’attention est attirée par le contenu de la loi n° 2008/013 du 29 décembre 2008 relative au contentieux lié à l’emploi temporaire dans la fonction publique. Son article premier est ainsi rédigé : « Par dérogation aux dispositions de la loi n° 92/007 du 14 août 1992 portant Code du travail et celle n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, le contentieux issu des relations professionnelles entre l’Etat et ses personnels temporaires est réglé, de plein droit, par le ministre en charge de la fonction publique ». La conclusion s’impose qu’une portion non négligeable de la matière sociale d’une valeur inférieure ou égale à dix millions de francs échappe à la compétence du tribunal de première instance, pourvu qu’elle ait un lien avec les relations professionnelles entre l’Etat et ses « temporaires ». Originale aux yeux de quelques-uns, la solution bouleverse ceux qui croyaient savoir, sur la foi des prévisions du Code du travail, que les conflits de travail opposant l’Etat à ses agents contractuels relèvent des juridictions compétentes en matière sociale. Celle-ci trouble lorsqu’on se souvient des articles 43 et suivants de la loi n° 2017/010 du 12 juillet 2017 portant statut général des établissements publics, mais aussi de l’article 25 de la loi n° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques[109], lesquels posent que « Le conflit entre le personnel et l’établissement public relèvent de la compétence des juridictions de droit commun »

Toujours en matière sociale, il importe de se souvenir que, certes l’article 3 du Code du travail, pour cibler celui-ci seulement, exclut que les règles qui s’y trouvent, singulièrement celles traitant des différends individuels liés au travail, aient à s’appliquer aux fonctionnaires, aux magistrats aux militaires ou aux membres des forces de l’ordre, etc. On doit cependant garder présent à l’esprit que la situation changera au cas de détachement auprès d’entreprises dites du secteur public ou parapublic des professionnels visés. C’est que, comme l’enseigne très justement une jurisprudence à ce jour constante, deux moments doivent alors être distingués. L’un correspond à l’époque du détachement strictement entendu. Pendant cette période, le statut initial est en veilleuse. Celui-ci est assujetti aux normes du Code du travail et, dès lors, est justiciable des juridictions appelées à connaître du contentieux social. A la fin du détachement, la qualité de fonctionnaire est pleinement retrouvée. Logiquement, celui qui en est investi est régi par le statut général de la fonction publique et à ce titre, relève en première approximation de la compétence du juge administratif[110]. Des nuances ne font jour que lorsqu’un contrat de travail a été conclu par le dirigeant d’une société commerciale, correspondant à un emploi effectif au sein de l’entreprise (CS, arrêt n° 114/S, 18 juin 1998, Socamac c. Ndam Amadou, Répertoire chronologique de la jurisprudence, Droit social, 1980-2000, tome 3, pp. 1131 et s.[111]. Dans le même sens, voir aussi CS, arrêt n° 1, 30 nov. 1972, Société nationale d’investissements et le procureur général près la Cour d’appel de Yaoundé au sieur Jean-Faustin Bétayené, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, Droit social, 1960-1980, préc., pp. 209 et s. ; CCJA, arrêt n° 033/2016, 29 fév. 2016, Société AES Sonel SA c. Niat Njifenji Marcel, www.ohada.org).

La neuvième source d’inquiétude touche à la matière commerciale. Elle tient à ce qu’on ne sait pas rigoureusement à quoi celle-ci correspond. Tout au plus peut-on prendre le risque de dire, notamment à la lueur de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, qu’elle a un lien étroit avec, à la fois, les actes de commerce et les commerçants. Un tel risque invite, inévitablement, à situer l’entreprenant dont l’activité est tantôt civile, tantôt commerciale, tantôt artisanale, tantôt agricole.

La dixième source d’inquiétudes touche au rythme des audiences au tribunal de première instance. Sur ce point, et pour en faciliter la compréhension, une exigence capitale, inscrite à l’article 12 (3) de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, se doit d’être rappelée. Elle prescrit, en substance, que la période comprise entre le premier juillet et le 30 septembre est celle des vacances judiciaires. A cette époque, les magistrats prennent un temps de repos et très logiquement, le nombre d’audiences se réduit. A propos des proportions de la réduction, l’option est prise qu’elle ne doit jamais excéder le tiers des différends, sans malheureusement que les techniques de calcul soient spécifiées. Seules échappent à cette restriction les affaires pénales, les procédures de référés, et toutes les autres affaires réputées urgentes dont on sait qu’elles relèvent en principe de la compétence du chef de juridiction.  b. Compétence du président du tribunal

La lecture de la loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011 modifiant et complétant quelques-unes des dispositions de celle du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire ne renseigne pas suffisamment à propos des attributions réservées du président de la « Court of first instance » qui datent des temps anciens. Du coup, on doit avoir le réflexe de se retourner vers la mouture initiale de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 et vers le code de procédure civile et commerciale pour les découvrir.

  • Effectivement, l’article 15 (2) de ce texte souligne que le président du tribunal de première instance ou le magistrat par lui délégué à cette tâche connaît du référé. Théoriquement, cette procédure suppose l’urgence, mais n’exclut pas la contradiction. Une autre de ses spécificités touche davantage aux effets qui sont les siens. L’ordonnance rendue en cette matière ne porte pas préjudice au principal. Par-dessus tout, elle est exécutoire par provision et sans caution si le magistrat qui en est l’auteur n’a pas requis de la constituer[112]
  • Effectivement, l’article 15 (2) de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 souligne que le président du tribunal de première instance ou le magistrat par lui délégué à cette tâche rend des ordonnances sur requête. A l’instar du référé, l’office du chef de juridiction suppose, ici, l’urgence. Toutefois, la procédure n’impose pas que les parties soient appelées et que s’ouvre entre elles un débat que ce magistrat arbitrerait. Du coup, elle se caractérise la plupart du temps par un effet de surprise et est regardée comme un « référé déguisé » ou « un référé en l’absence de l’adversaire ». La suite va de soi. En raison du caractère unilatéral de la procédure sur requête, l’ordonnance qui la sanctionne n’a pas cette autorité classiquement attachée aux décisions de justice…
  • Effectivement, le président du tribunal de première instance a d’autres attributions développées ailleurs que dans la loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire ou dans la loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011 venue la modifier et la compléter.

Tout d’abord, de nombreux textes de procédure, à l’instar du Code de procédure pénale[113], lui confient la mission de diriger les audiences des chambres dont la présidence lui échoit. Précisant les termes de l’article 15 (2) de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006, l’article 46 (1) du Code pénal le place au cœur du dispositif relatif à l’engagement préventif…

Ensuite, à la faveur du toilettage du droit issu du traité OHADA et de quelques-uns des textes majeurs touchant au droit processuel, des prérogatives autrefois concédées au président du tribunal de première instance ont été affinées. Dans le même temps, il y a eu comme un accroissement de son domaine de compétence à travers de nouvelles prérogatives.

Sur ce point, l’attention est attirée par les missions qui ont un lien tantôt avec l’inscription des sûretés, tantôt un rapport avec la déclaration d’activité ou avec l’immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier…

Sur ce point, l’attention est attirée par les missions qui ont un lien avec le respect des obligations comptables des opérateurs économiques…

Sur ce point, l’attention est attirée par les missions qui ont un lien avec le contentieux de l’exécution des décisions rendues par le tribunal lui-même. L’article 3 (1) de la loi du 19 avril 2007 instituant le juge de ce contentieux et fixant les conditions de l’exécution des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales étrangères va dans ce sens. De son côté, l’article 4 de cette loi attribue au chef de cette juridiction le soin de régler les différends se rapportant à l’exécution des actes publics nationaux, non sans préciser au passage que cette catégorie regroupe notamment les actes notariés dont la mise en œuvre a lieu ou est envisagée dans le ressort du tribunal. Là n’est pas tout. A en croire les articles 5 et 6 de la loi précitée, le président du tribunal de première instance ou le juge par lui délégué a seul compétence pour connaître du contentieux de l’exécution des décisions judiciaires, des actes et sentences arbitrales provenant de l’étranger. Tel est également l’enseignement de l’article 10 où il est écrit que « Les actes publics étrangers, notamment les actes notariés (…), exécutoires dans leurs pays d’origine, sont déclarés exécutoires au Cameroun par le président du tribunal de première instance du lieu où l’exécution a lieu ou est envisagée ou par le magistrat de sa juridiction qu’il délègue à cet effet ». Le tribunal de grande instance n’a donc pas à intervenir en cette matière.    

B. Le tribunal de grande instance

Le tribunal de grande instance (« High court » en Anglais) a sa composition et son organisation, puis ses attributions.

1. Composition et organisation

Le tribunal de grande instance comprend un siège, une instruction, un parquet.

Au siège (ou « Bench ») se trouvent le président de la juridiction, un ou des juges, le greffier en chef, des greffiers.

A l’instruction (ou « Preliminary inquiry ») se trouvent un ou plusieurs juges d’instruction, un ou plusieurs greffiers.

Au parquet (ou « Legal Department »), se trouvent le procureur de la République, un ou plusieurs substituts. A eux s’ajoutent un personnel administratif et surtout des services, ainsi que le prévoit le décret n° 80/299 du 26 juillet 1980 portant organisation administrative des juridictions, modifié et complété le 8 juillet 1981. Il s’agit du service des affaires judiciaires ; du service des affaires administratives et financières…

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011 modifiant et complétant partiellement celle du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, la juridiction se structure autour de formations que sont ses chambres d’une part, son assemblée générale d’autre part.

S’agissant des chambres, le TGI comporte une ou plusieurs chambres civiles, une ou différentes chambres commerciales, une ou plusieurs chambres sociales, une ou plusieurs chambres criminelles. Nonobstant cette configuration, les besoins de service peuvent exiger que le président de la Cour d’appel du ressort, par ordonnance, regroupe une ou différentes chambres. Cette même autorité nomme, après consultation du président du tribunal et pour une année judiciaire, parmi les juges, les présidents de chambres. Symétriquement, l’autorité indexée devrait pouvoir, par avis motivé, dans l’hypothèse d’« insuffisances dans le rendement » des présidents de chambres ou pour « cause d’indisponibilité », les remplacer prématurément. La nomination du nouveau président de chambre, survenue en cours d’année judiciaire, couvre la période de cette année restant à courir[114].

Venant à l’assemblée générale, elle rassemble les magistrats en poste près le tribunal de grande instance et le greffier en chef. Elle est convoquée soit par le chef de juridiction, soit par le procureur de la République, soit par le tiers des membres du tribunal. Ses attributions sont tantôt consultatives, tantôt juridictionnelles. Lorsqu’elle exerce ses attributions ayant un caractère consultatif, la formation exprime un avis sur le débat porté à son arbitrage. Au cas où l’assemblée générale exerce ses attributions juridictionnelles, elle délibère hors la vue des membres du ministère parquet, lesquels expriment néanmoins leur avis dans le cadre très formel des réquisitions traditionnelles du ministère public. Théoriquement, le secrétariat de l’assemblée est dévolu au greffier en chef qui alors participe à l’assemblée générale sans voix délibérative[115].

A priori linéaires, l’organisation et la composition du tribunal de grande instance ne vont pas sans histoires, lesquelles peuvent être restituées sous la forme d’observations.

La première observation est relative à la logique d’écriture de la loi consistant à distinguer le siège du parquet et de l’instruction. La construction étonne lorsqu’on n’oublie pas que les juges d’instruction sont traditionnellement rattachés au siège et que la loi portant organisation judiciaire le rappelle à son article 24. La distinction est difficile à digérer spontanément lorsqu’on découvre que les missions du greffe semblent peu explicites parce que les fonctionnaires servant ici sont tantôt rattachés au siège, tantôt rattachés à l’instruction. A ce sujet, il est d’ailleurs curieux que la composition du parquet ne renseigne pas à propos du rôle du greffier ici. Or, le décret n° 80/299 du 26 juillet 1980 portant organisation administrative des juridictions déjà évoqué révèle sans ambages que de nombreux services sont animés par les fonctionnaires des greffes.

La deuxième observation invite à attirer l’attention sur le fait que la présidence de cette juridiction est parfois assumée, cumulativement avec ses fonctions, par le président du tribunal de première instance[116]. Pareillement, les juges d’instruction, juges, greffiers en chef, greffiers et juges d’instruction près le tribunal de première instance peuvent, cumulativement avec leurs fonctions, être nommés juges, greffiers ou juges d’instruction près le tribunal de grande instance. Ensuite, le tribunal de première instance est fréquemment présidé par le président du tribunal de grande instance. La loi portant organisation judiciaire ne s’en tient pas à cela. Elle décide que le procureur de la République près le tribunal de première instance du siège d’un tribunal de grande instance peut, cumulativement avec ses fonctions, être nommé procureur de la République près ce tribunal de grande instance, puis que les substituts du procureur de la République près le tribunal de première instance du siège d’un tribunal de grande instance peuvent, cumulativement avec leurs fonctions, être nommés substituts du procureur de la République près ce tribunal de grande instance »127. On croit savoir que ce schéma s’impose parce que le siège du TGI est parfois aussi celui d’un TPI, donc qu’une économie en personnel a semblé utile…

La troisième observation, déjà esquissée s’agissant des présidents des chambres du tribunal de première instance, touche aux prérogatives des chefs de cours d’appel concernant la désignation des présidents de chambre des tribunaux de grande instance de leur ressort et, parallèlement, de la « révocation » de ceux-ci de ces mêmes fonctions. A moins de se situer dans une perspective angélique, il est difficile de ne pas envisager qu’un usage instrumental desdites prérogatives conduise parfois à empêcher que la justice soit rendue sans crainte ni faveur ainsi que le requiert notamment le statut de la magistrature. Au-delà, on ne pourrait pas exclure que la recherche du rendement susceptible de mettre à l’abri d’un remplacement prématuré ou du non-renouvellement du mandat en tant que président de chambre ait des répercussions sur la qualité des ordonnances ou des jugements prononcés.

La quatrième remarque vise à mettre en lumière le fait que le tribunal de grande instance est une juridiction à juge unique. Toutefois, à titre exceptionnel et sur ordonnance de son président prise d’office ou sur réquisitions du ministère public, la juridiction peut statuer en formation collégiale composée de trois membres. Des justiciables peuvent d’ailleurs aussi solliciter une composition collégiale de la juridiction. Dans ce cas, il va de soi que le dernier mot reviendra au chef de la juridiction qui appréciera le bien-fondé de la démarche[117]. La situation ne se présente autrement que lorsque l’auguste juridiction statue en assemblée générale. Effectivement, en semblables circonstances, lorsqu’elle exerce ses fonctions juridictionnelles, elle réunit l’ensemble des magistrats et le greffier en chef et est convoquée soit par le chef de juridiction, soit par le chef de parquet, soit par le tiers de ceux qui composent statutairement ladite assemblée.

La cinquième remarque incite à ne pas perdre de vue que, siégeant en matière sociale, le tribunal de grande instance est composé conformément aux prévisions du Code du travail. La juridiction a alors à sa tête un magistrat qui la préside, un assesseur employeur, un assesseur travailleur. Les assesseurs sont nommés par le ministre de la Justice, sur proposition du ministre chargé du travail. Le choix est opéré sur une liste dressée par les organisations syndicales les plus représentatives, comportant trois noms au minimum pour chaque poste à pourvoir[118]. La liste ne pourrait directement être suggérée par le ministre en charge du travail que dans l’hypothèse où les organisations syndicales n’ont pas procédé à la désignation des assesseurs. En tout état de cause, la durée du mandat des assesseurs s’étend sur deux années judiciaires et est renouvelable[119]. Nul ne devrait assumer ces fonctions sans jouir de ses droits civiques. En sont également exclues les personnes ayant été condamnées à des peines emportant les déchéances prévues à l’article 30 du Code pénal ; les étrangers n’ayant pas résidé pendant cinq ans au moins sur le territoire de la République du Cameroun. A ces conditions s’ajoutent d’autres, logées sous l’article 135 (1) du Code du travail : exercer depuis trois ans au moins, apprentissage non compris, une activité professionnelle ; avoir exploité cette activité dans le ressort du tribunal depuis au moins trois mois ; savoir lire et écrire le français ou l’anglais…

A dire vrai, on ne doit pas exclure qu’un tribunal de grande instance, statuant en matière sociale, ne soit pas composé de manière trinitaire. En effet, le président pourrait se passer des assesseurs et statuer seul lorsque ces derniers sont défaillants ou encore n’ont pas été désignés[120]. Reste à ne pas perdre de vue que, sauf preuve d’un évènement en lien avec la force majeure, l’assesseur dont la carence a été constatée trois fois au cours de son mandat est déchu de ses fonctions. L’article 175 du Code pénal intitulé « assesseur ou juré défaillant » vient au demeurant le punir d’une privation de liberté de six jours à trois mois assortie d’une amende de 5 000 à 50 000 lorsque, sans excuse légitime, il n’exerce pas les fonctions qui sont les siennes. La peine encourue est hissée à une privation de liberté d’une durée comprise entre trois mois et un an lorsque des excuses fausses sont alléguées[121]. A l’évidence, et contre toute attente, elle sort du domaine de compétence du tribunal de grande instance.

2. Compétence

Au plan territorial, le tribunal de grande instance est créé dans chaque département et siège au cheflieu de celui-ci. Toutefois, suivant les contraintes liées au service, son ressort peut s’étendre à plusieurs de ces unités administratives, par décret du président de la République. Afin de rapprocher la justice du justiciable et par contrecoup de contribuer à l’idéal du droit à un juge, singulièrement dans les zones où le ressort de la juridiction serait vaste, il est envisagé que des audiences foraines soient organisées et se tiennent hors du siège du tribunal.

Au plan matériel, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011, le tribunal de grande instance a des attributions qui ne sont pas identiques d’une matière à l’autre.

En matière pénale, et sans préjudice des attributions du tribunal criminel spécial, la juridiction connaît des crimes et délits connexes, des demandes de mise en liberté provisoire formées par toute personne détenue et renvoyée devant elle pour des infractions relevant de son domaine d’intervention. 

En matière civile, le tribunal de grande instance se penche sur les actions et procédures relatives à l’état des personnes, à l’état civil, au mariage, au divorce, à la filiation, à l’adoption et aux successions. Toujours en cette matière, du moins à s’en tenir aux termes de l’article 18 (1) b nouveau, la juridiction se prononce sur les « demandes de paiement de sommes d’agent supérieures à dix millions de francs » et sur les « demandes de recouvrement, par procédure simplifiée, de créances civiles d’un montant supérieur à dix millions de francs ».  

En matière commerciale, le tribunal de grande instance tranche les contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants, entre établissements de crédit, entre commerçants et établissements de crédit, lorsque la valeur de ces litiges est supérieure à dix millions de francs. La juridiction s’intéresse encore aux contestations entre associés « pour raison d’une société de commerce ou d’un groupement d’intérêt économique », lorsque le taux évalué en argent de celles-ci excède dix millions de francs ; aux litiges relatifs aux sociétés commerciales ; aux contestations en lien avec les actes de commerce entre toutes personnes lorsque leur valeur en argent est supérieure à dix millions de francs. S’y ajoutent, nonobstant leur montant, les litiges résultant d’engagements contractés par chèque, billet à ordre, lettre de change dont l’essentiel du régime juridique est développé sous les articles 110 et suivants du Code de commerce. Toujours en matière commerciale, le tribunal de grande instance se voit réserver les différends se rapportant aux procédures collectives d’apurement du passif…

En matière sociale, le tribunal de grande instance se penche sur les différends dont le montant excède le chiffre de dix millions de francs.

A priori, rien ne gêne dans la recension des attributions du tribunal de grande instance que dévoile la loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011. Avec un peu de recul, des constats sont à faire pour mieux les cerner, des préoccupations ou des craintes à exprimer pour les améliorer.

Le constat le moins difficile à appréhender a un lien avec la compétence territoriale de la juridiction. Certes, le tribunal est créé à l’échelle du département et siège au chef-lieu de celui-ci. Il n’en reste pas moins que différents textes de procédure aménagent la possibilité d’y déroger…

S’agissant toujours de la compétence rationae loci, force est de souligner que celle-ci n’a que très peu changé à travers le temps. Pour autant, la création récente de nouvelles juridictions sur le territoire de la République du Cameroun n’est pas sans conséquence. Elle restreint forcément le ressort de certains tribunaux de grande instance, singulièrement de ceux qui, autrefois, pouvaient parfois couvrir plusieurs départements. Malheureusement, ces efforts ne sont guère suffisants pour rendre concret le droit à un juge acquis au profit des personnes établies dans l’espace géographique où le tribunal de grande instance est créée. Effectivement, on ne pourrait pas ne pas regretter, ici comme précédemment au niveau des tribunaux de première instance, que la planche de salut qu’offre l’audience foraine ne soit pas suffisamment exploitée…

Un autre constat, non moins important, concerne la juridiction présidentielle.

Le président du tribunal de grande instance ou le magistrat que cette autorité délègue à cette fonction connaît de quelques procédures généralement spéciales ou dérogatoires, caractérisées par l’urgence. En bonne place et malgré le choc que pourrait subir le juriste « cacique » subjugué par la figure du président du tribunal de première instance, se trouvent celles qui débouchent sur des ordonnances sur requête. On le sait, elles ont la spécificité d’être non contradictoires, d’avoir un caractère provisoire, de ne pas porter préjudice au principal, d’être privées de la plénitude de l’autorité de ce qui a été jugé, de bénéficier de l’exécution provisoire. Un bel exemple en est offert par les mesures provisoires et urgentes que les chefs de cette juridiction ordonnent dans les régions du Nord Ouest et du Sud-Ouest en se référant, entre autres, au Supreme Court civil procedure rules, Cap. 211.

Le président du tribunal de grande instance ou le magistrat par lui délégué à cette fonction planche sur le contentieux de l’exécution des décisions rendues par cette juridiction[122]. La loi du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l’exécution et fixant les conditions de l’exécution des décisions judiciaires et actes publics étrangers, ainsi que des sentences arbitrales étrangères, ne s’arrête pas là. Elle pose en effet l’exigence controversée d’après laquelle le président du tribunal de première instance ou son délégué connaît du contentieux de l’exécution des décisions rendues par le tribunal et d’autres titres exécutoires, à l’exclusion de ceux émanant du tribunal de grande instance. Dans le même sens, l’article 545 du Code de procédure pénale lui impose de s’assurer de l’exécution des décisions et ordres de sa juridiction…  

D’autres missions incombent au président du tribunal de grande instance. A lui revient le soin d’examiner les requêtes en habeas corpus. En mettant de côté l’article 18 (2) de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, c’est ce qu’exprime clairement l’article 584 du Code de procédure pénale aux termes duquel le président du tribunal de grande instance du lieu d’arrestation ou de détention d’une personne, ou tout autre magistrat désigné par lui, est compétent pour connaître des requêtes en libération immédiate fondées sur l’illégalité d’une arrestation ou d’une détention ou sur l’inobservation des formalités légales, notamment celles se rapportant à la compétence de l’autorité qui la décide, celle fondée sur un lien contractuel ou sur une obligation inexécutée. En matière électorale, la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral[123] hisse le président du TGI à la tête de la commission départementale de supervision[124]. A cette position, l’intéressé veille au bon déroulement des opérations préparatoires aux élections politiques d’envergure et à celui de quelques-unes des opérations électorales proprement dites[125]. Dans le détail, et à en croire l’article 64 de cette loi, il contrôle les opérations d’établissement, de conservation et de révision des listes électorales ; examine, avec les autres membres de la commission, les réclamations ou contestations touchant les listes électorales et les cartes d’électeurs. En tant que président de la commission départementale, le soin lui revient d’ordonner toutes rectifications indispensables à la suite de l’examen des réclamations ou contestations dirigées contre les actes des organes ayant compétence en matière de listes ou de cartes électorales ; de centraliser et vérifier les opérations de décompte des suffrages effectuées par les commissions locales de votes ainsi que les documents y relatifs. Au-delà, l’article 67 (2) décide que le président du tribunal de grande instance peut, avec les autres membres de la commission, « en cas d’erreur de calcul (…), redresser les procès-verbaux correspondants » transmis par les responsables des démembrements communaux d’Elections Cameroon[126]

Le troisième constat a trait aux attributions du tribunal de grande instance en matière sociale. Ici, il faut pouvoir se rappeler que la compétence de la juridiction suppose l’existence d’une relation de travail dont l’un des éléments d’identification est le lien de subordination. Il importe également de se souvenir du contenu de la loi n° 2008/013 du 29 décembre 2008 relative au règlement du contentieux lié à l’emploi temporaire dans la fonction publique. Elle prescrit, par dérogation aux dispositions du Code du travail et à celles de la loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire modifiée, que le contentieux issu de quelques contrats administratifs de travail, notamment ceux concernant les relations professionnelles entre l’Etat et ses personnels temporaires, est tranché de plein droit par le ministre en charge de la fonction publique[127]. Dans le même ordre d’idées, on gagne à avoir à l’esprit que la matière de ce qu’on qualifie trivialement de « sécurité sociale » échappe à la compétence du tribunal de grande instance…

Le quatrième constat a trait à la compétence du tribunal de grande instance en matière civile et en matière commerciale. Ici, le trouble apparait à plusieurs niveaux.

Premièrement, sur le point touchant aux actes de commerce par la forme, des idées différentes sont exprimées sous les articles 18 (1) b et 15 (1) b nouveaux. On y apprend, d’un côté, que le tribunal de grande instance a seul compétence s’agissant des créances commerciales lorsque l’engagement résulte d’un chèque, d’un billet à ordre ou d’une lettre de change ; de l’autre côté, on découvre que la même juridiction se penche sur les litiges relatifs « aux actes et effets de commerce entre toutes les personnes » lorsque leur valeur excède dix millions de francs, puis que cette même catégorie de différends relève de la compétence du tribunal de première instance lorsque leur valeur est inférieure ou égale à ce montant. De deux choses l’une : soit l’objectif était de réserver la compétence s’agissant des actes effets de commerce au seul tribunal de grande instance, et alors il n’était plus opportun de les évoquer à l’article 18 (1) b infine ; soit on a entendu partager la compétence en matière d’actes et d’effets de commerce, et alors il n’était pas opportun de donner à penser au début de cet article que les créances commerciales issues d’un chèque, d’une lettre de change ou d’un billet à ordre ne pourraient être examinées que par le tribunal de grande instance…

Deuxièmement, le warrant n’apparait pas dans la liste des actes de commerce par la forme que l’article 18 vise et rattache à la seule compétence du tribunal de grande instance. Or, l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général souligne à l’article 4 qu’« ont notamment le caractère d’actes de commerce, par leur forme, la lettre de change, le billet à ordre et le warrant ». L’évidence s’impose alors, d’une part, que celui-ci est à ranger dans la catégorie des actes de commerce par la forme ; d’autre part, que l’énumération de la liste de cette catégorie d’actes commerciaux n’est pas complète, c’est-à-dire qu’il en existe d’autres…

L’ultime constat touche aux attributions du tribunal de grande instance en matière criminelle. Il contraint à attirer l’attention sur deux choses.

L’une des choses est développée à l’article 18 (3) de la loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire. Celui-ci met en surbrillance le fait que, appelé à statuer en matière pénale, le tribunal est compétent pour se prononcer sur l’action en réparation du dommage causé par l’infraction, « sauf dispositions spéciales contraires ». En des termes simples, cela signifie que sa compétence sur ce plan ne dépend nullement du montant de la demande. Même modeste, la réparation sollicitée n’échappera pas à son examen si le préjudice subi résulte d’un crime ou d’un délit connexe. Dès lors qu’une affaire relève de la compétence du tribunal, l’action en réparation du préjudice subi lui échoit automatiquement…  

L’autre chose, banale à la limite, a trait aux non-dits de la loi du 14 décembre 2011 modifiant et complétant la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire. Ils poussent parfois à se demander si le tribunal de grande instance est privé de sa compétence en matière d’« order of prohibition » et d’« order of mandamus ». C’est que, par le passé, c’est-à-dire avant les bouleversements introduits par les textes relatifs au cadre institutionnel de la justice, ce chef de compétence-là était affirmé avec force[128]. Or, la loi du 14 décembre 2011 n’en parle pas véritablement. Dans sa grande majorité, la doctrine estime que ces prérogatives demeurent, car seul a été modifié l’article 18 (1) (b) de la loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire. A son sens, le tribunal de grande instance reste habilité à accueillir et à se prononcer, en matière non administrative, sur les requêtes tendant à obtenir l’interdiction à toute personne ou autorité d’accomplir un acte pour lequel elle est légalement incompétente. De même, la juridiction doit pouvoir recevoir et examiner les requêtes visant à obtenir l’accomplissement par toute personne ou autorité non administrative d’un acte qu’elle est tenue de passer en vertu d’un texte[129]. De tels actes d’abstention pourront d’ailleurs, parfois, être à l’origine d’un litige à soumettre à la commission provinciale du contentieux de la prévoyance sociale.

C. La commission provinciale du contentieux de la prévoyance sociale

La commission provinciale du contentieux de la prévoyance sociale a une organisation et une composition ; puis des attributions qui, il faut le souligner promptement, ont été significativement réduites au fil du temps.

1. Composition, organisation

A en croire les termes de l’ordonnance n° 73/17 du 22 mai 1973 portant organisation de la prévoyance sociale modifiée par la loi n° 84/06 du 4 juillet 1984 ayant le même objet, « il est créé dans le ressort de chaque province une commission nationale du contentieux de la prévoyance sociale »[130]. Bien que regrettable, le sens de cet extrait ne prête à aucune confusion : il n’est pas à envisager, comme c’est parfois le cas s’agissant de certaines juridictions de première saisine et d’appel, que son ressort puisse être étendu à plusieurs « provinces ». Pareillement, on peut difficilement contester, de nos jours, la pertinence de l’option de privilégier la formule « commissions régionales du contentieux de la prévoyance sociale ».

La composition de la juridiction est inédite.

Tout d’abord, on y retrouve un magistrat. Nommé par décret du président de la République, ce dernier a, sur le plan des principes, la charge de présider l’organe. L’exigence a du sens. C’est que, d’une part, la commission statue d’abord et avant tout en droit, science dont la maîtrise échappe parfois à ses membres non-magistrats. Là n’est pas tout. Mieux que quiconque, le juge connaît les principes à l’aune desquels une décision juridictionnelle que l’on considère comme étant de qualité, devrait être prononcée.

Ensuite, on y retrouve un assesseur employeur et un assesseur employé. Au sujet du processus de leur désignation, peu de choses sont dévoilées. Fort heureusement, il est renvoyé aux listes établies en conformité du Code du travail. Celui-ci indique, à son article 134, que les assesseurs sont officiellement désignés par arrêté du ministre chargé du travail. Celui-ci choisit les personnes à nommer sur cette liste dressée par les organisations syndicales suffisamment représentatives, et comportant trois noms au minimum pour chaque poste à pourvoir[131]. Le ministre ne peut directement procéder à la nomination qu’au cas de carence ou d’inexistence de propositions provenant des organisations syndicales. Une chose est certaine, c’est que la durée du mandat des assesseurs appelés à servir au profit de la commission est de deux ans renouvelable[132], ce qui ne correspond pas forcément à l’exigence de « deux années judiciaires » prévue par le Code du travail[133]. Il ne fait pas non plus de doute que l’assesseur est tenu de jouir de ses droits civiques ; que les personnes condamnées à des peines emportant les déchéances prévues à l’article 30 du Code pénal ne devraient jamais exercer ces fonctions ; que seuls peuvent être nommés ceux qui ont exercé depuis trois ans au moins, apprentissage non compris, une activité professionnelle. On n’ignore pas non plus que les étrangers n’ayant pas résidé pendant cinq ans au moins sur le territoire de la République du Cameroun ne sauraient officier en qualité d’assesseur devant la commission ; que seuls doivent accéder à l’assessorat devant la commission provinciale du contentieux de la prévoyance sociale ceux qui ont exploité leur activité dans le ressort de la juridiction donc dans la région depuis au moins trois mois ;que l’assesseur employeur ou travailleur devra au minimum savoir lire et écrire le français ou l’anglais, accepter de ne recevoir aucune rémunération et, surtout, prêter serment devant le tribunal de grande instance du siège de la commission[134].

Enfin, on y retrouve un secrétaire qui, au demeurant, officie en tant que greffier. Au juste, le secrétairegreffier n’est rien moins que l’inspecteur régional du travail et de la prévoyance sociale du ressort de la Commission. Obligation lui est faite, avant d’entrer en fonction, de prêter serment en cette qualité devant le tribunal de grande instance du siège de la juridiction au profit de laquelle la plume sera tenue.  

L’exposé des méandres de la composition de la commission provinciale du contentieux révèle qu’elle statue collégialement. L’exigence doit cependant être reçue sans zèle, pour au moins deux raisons.

Premièrement, il est prescrit que lorsque les deux assesseurs dûment convoqués ne se présentent pas, le président leur adresse une seconde convocation. En cas de nouvelle carence de l’un ou des deux assesseurs, le président statue seul…

Deuxièmement, il est retenu, hormis les cas de force majeure, que l’assesseur dont la carence est constatée à trois reprises au cours de son mandat est déchu de ses fonctions et remplacé, pour la durée du mandat restant à courir, par un autre assesseur désigné sur la liste établie pour le secteur d’activité concerné. En conséquence, il n’est pas à exclure, lorsque plusieurs des assesseurs élus ont essuyé cette sanction dans une fourchette de temps courte, sont décédés ou ont démissionné, que le président de la commission soit seul à statuer.   

Sauf à conserver en ligne de mire que le soin revient à ce dernier, pour chaque audience, de désigner ceux des assesseurs qui siégeront à ses côtés. Du coup, trois choses sont à redouter.

Tout d’abord, il est à craindre que le président de la commission ne fasse pas effectivement appel aux assesseurs lorsque, pour des raisons qui lui sont propres, le projet est arrêté de siéger seul. La construction n’est pas une illusoire dans un contexte où on reproche souvent à ceux qui animent les juridictions de ne pas résister à la corruption. C’est peut-être pourquoi, prenant des précautions, le législateur a cru bon de prescrire, chaque fois que la carence ou le défaut des assesseurs est allégué, que cela soit formellement inséré dans le jugement[135].

Ensuite, il est à craindre que les assesseurs ne soient pas véritablement associés aux délibérations. Dans le cas où ceux-ci y sont impliqués, on peut encore redouter que leur point de vue ne soit pas vraiment pris en compte. Ce risque est important lorsque, au mépris de la loi, ceux qui sont désignés pour assumer ces fonctions lisent ou écrivent mal le français ou l’anglais. Ce risque existe également lorsque les assesseurs n’ont aucun contrôle du processus conduisant à la délivrance au justiciable d’une copie de la décision rendue. Pire encore, le risque s’accroît lorsque seuls le magistrat et l’inspecteur régional du travail officiant en qualité de secrétaire signent la minute du jugement[136]

De même, il est à craindre que les assesseurs désignés par le président, donc ici par leur pair, se croient redevables vis-à-vis de lui. Un tel état d’esprit aura une incidence sur leur neutralité. C’est que l’impartialité peut difficilement être garantie lorsque des personnes appelées à trancher ne sont pas à l’abri de toute forme d’influence ou de pression ; que l’indépendance peut difficilement être acquise lorsque les membres d’une juridiction, quelle qu’elle soit, n’ont pas comme seuls repères sur leur tableau de bord la norme juridique, les éléments de preuve fournis par les débats, leur intime conviction.

Enfin, il est à craindre que l’« inspecteur provincial du travail et de la prévoyance sociale » ne soit pas celui qui, mieux que d’autres, pourrait œuvrer en tant que « greffier » de la Commission. L’un des arguments majeurs ici consiste à attirer l’attention sur l’ampleur de son activité professionnelle, laquelle couvre ce qui correspondait autrefois à une « province » et donc pose forcément le problème de sa disponibilité. Certes, au moment de prêter serment, le concerné prononce une phrase ainsi conçue : « Je jure de remplir mes devoirs avec zèle et de garder le secret des délibérations ». On doit encore pouvoir avoir des doutes quant à la possibilité d’accomplir avec un rendement élevé la mission qui lui est confiée en cette qualité.

2. Missions

La quintessence des missions de la commission provinciale du contentieux de la prévoyance sociale est exposée à l’article 14 (2) nouveau de l’ordonnance n° 73/17 du 22 mai 1973 précitée. Celui-ci retient, mot pour mot, qu’elle tranche, « en première instance, les différends auxquels donne lieu l’application de la législation et de la règlementation de la prévoyance sociale, en ce qui concerne l’assujettissement, l’assiette et le recouvrement des cotisations, l’attribution et le règlement des prestations ». Les prestations en cause, il faut l’indiquer instamment, ont trait tantôt aux accidents de travail qui doivent être appréciés et réparés ; tantôt à la réparation du préjudice résultant de maladies professionnelles et touchant généralement au contrôle médical ou à l’expertise médicale relative aux lésions subies ; tantôt liées à la vieillesse. A cela s’ajoutent, sous l’empire de l’ordonnance n° 73/17 du 22 mai 1973, les contestations relatives à l’affiliation, au paiement et au recouvrement des prestations. 

D’autres éléments de détail sont mis en évidence par l’ordonnance n° 73/17 du 22 mai 1973, que l’on ne doit pas dissimuler.

L’un de ces détails est celui qui donne à penser que la saisine de la commission provinciale du contentieux de la prévoyance sociale suppose, en amont, l’observation d’une procédure dont le point de départ est une mise en demeure notifiée par lettre recommandée avec avis de réception ou directement remise à l’intéressé contre récépissé ou émargement. S’agissant singulièrement des poursuites en vue du recouvrement des cotisations sociales, l’employeur doit être invité à régulariser sa situation dans un délai de trois mois. A supposer que les suites escomptées ne soient pas obtenues à l’issue de ce laps de temps, la latitude sera offerte à la Caisse nationale de prévoyance sociale de délivrer des contraintes[137]. A ce stade, l’employeur qui élève une contestation est tenu d’adresser une réclamation précontentieuse au comité de recours gracieux[138], instance créée au sein du conseil d’administration de la Caisse nationale de prévoyance sociale et compétente pour examiner toute requête relative à l’assujettissement, l’assiette, la liquidation et le recouvrement des cotisations sociales[139]. La commission n’est saisie que si la preuve est apportée que le recours n’a pas prospéré ou a été rejeté ; le rejet pouvant parfaitement ne résulter que du silence du comité gardé trente jours à compter de la réclamation portée à sa connaissance.

Un autre détail est celui qui met l’accent sur la nécessité, lorsqu’un recours gracieux est demeuré infructueux, de s’adresser à la commission soit dans les deux mois faisant suite à la notification du rejet, soit dans la même fourchette de temps au terme des trois mois postérieurs au dépôt de la réclamation[140]. La requête est simplement rédigée et déposée au secrétariat de la commission.

Un troisième détail est celui qui oblige la commission, lorsqu’elle a été saisie, de convoquer parties et témoins quinze jours au moins avant la date de tenue de l’audience. Au fond, cette tâche délicate incombe moins à l’instance à proprement parler qu’à son président. Certes, la convocation s’opère à l’aune des exigences du droit commun. Toutefois, il est possible, ici, qu’elle se réalise par le biais d’une lettre recommandée avec accusé de réception[141].

Un quatrième détail d’importance est celui qui suggère que les justiciables comparaissent personnellement devant la commission. L’exigence n’est cependant pas impérative dans la mesure où le loisir leur est parallèlement offert d’être représentés ou assistés soit par un employeur ou un travailleur relevant de leur branche d’activité, soit par un représentant des organisations syndicales auxquelles elles ont adhéré. La prescription n’est d’ailleurs pas propre à la matière de la sécurité sociale…

Un cinquième détail incite à penser que la commission peut, avant de se prononcer sur les affaires à elle déférées, solliciter les lumières de tiers. Tel est du moins le sens de l’article 25 nouveau de l’ordonnance du 22 mai 1973 modifiée où se trouve inscrite la règle selon laquelle celle-ci peut toujours, par jugement motivé, prescrire des enquêtes et mesures d’information utiles. Lorsqu’un litige soulève une difficulté de caractère technique, la commission n’a plus simplement la faculté de recueillir l’avis d’un expert ou d’un collège d’experts avant de se déterminer. En ces circonstances, le recours à l’éclairage de ces derniers devient une obligation[142].

Un sixième détail, précieux, est celui dont les racines sont développées à l’article 31 nouveau de l’ordonnance n° 73/17 du 22 mai 1973 précitée. En substance, celui-ci retient que les prévisions du Code de procédure civile et commerciale ont vocation naturelle à être appliquées lorsque l’ordonnance en cause est muette.

Le dernier détail conduit à attirer l’attention sur le fait que la commission provinciale du contentieux de la prévoyance sociale statue toujours en premier ressort et que le pouvoir lui est conféré d’ordonner l’exécution provisoire de la décision retenue nonobstant appel ou opposition. Ainsi qu’on l’imagine sans peine, cela n’exclut pas que les jugements rendus soient susceptibles d’appel. Simplement, le recours devra être porté devant la Cour d’appel du ressort de la commission dans les 21 jours du jugement ou de sa signification, lorsque cette formalité a été prescrite[143].

Précieuses, ces mises au point n’ont pas empêché que des querelles s’élèvent s’agissant des suites du recours gracieux et de la spécificité des procédures relatives au recouvrement des cotisations sociales. A l’origine de celles-ci se trouvent des textes entrés en vigueur postérieurement à l’ordonnance de 1973. Parmi eux, la loi n° 2001/017 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des créances des cotisations sociales, la loi n° 2006/22 du 26 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs[144]. Au nombre de ceux-ci se trouve également l’arrêté conjoint METPS/MINEFI n° 035 du 12 juillet 2002 fixant les modalités d’application de la loi n° 2001/017 du 18 décembre 2001 précitée, puis l’arrêté n° 049/METPS/MINFI du 11 octobre 2002 modifiant et complétant quelques-unes des dispositions de l’arrêté conjoint n° 035 du 12/07/02 fixant les modalités d’application de la loi n° 2001/017du 18 décembre 2001. La synthèse de ces textes, renforcés par le décret n° 2015/2527/PM du 16 juillet 2015 fixant les modalités d’application de la loi du 18 décembre 2001, conduit à affirmer avec force :

  • Que, désormais, le contentieux du recouvrement des cotisations sociales est retiré à la commission régionale du contentieux de la prévoyance. Tel est du moins ce qu’inspire la loi n° 2001/017 du 18 décembre 2001 lorsqu’elle proclame que les cotisations dues à un organisme en charge de la prévoyance sociale par les employeurs sont émises, liquidées et recouvrées par l’administration fiscale, d’ordre et pour le compte de la Caisse nationale de prévoyance sociale, dans les mêmes conditions et délais que ceux prévus par le Code général des impôts156. De son côté, l’arrêté conjoint METPS/MINEFI n° 035 du 12 juillet 2002 pose à son article 15 que le comité de recours gracieux est la seule instance compétente pour connaître, en premier ressort, de toute contestation liée à l’assiette et au recouvrement des cotisations sociales. A son article 22, il retient que l’employeur dispose, dans le cas où la décision rendue par le comité de recours gracieux ne lui donne pas satisfaction, ou en cas de rejet implicite de sa requête, d’un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet pour se pourvoir conformément aux exigences de la procédure administrative contentieuse, devant toute instance ou juridiction de son choix. La requête de l’employeur ne peut porter que sur le même objet que celui dont a été saisi le comité de recours gracieux.

Le revirement était prévisible. Comme le suggère à juste titre un auteur, il tient à ce que les protagonistes de ce contentieux sont majoritairement à rattacher au droit public et se retrouvent dans la catégorie des personnes morales publiques. D’une certaine façon, il se comprend la fréquence ces dernières années, à la faveur du rapprochement de la juridiction administrative du citoyen, des recours en annulation des décisions du comité de recours gracieux de la Caisse nationale de prévoyance sociale. On comprend à coup sûr aussi la récurrence des recours en annulation introduits contre les contraintes du directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale.

Dans le sillage de ce qui précède, il ne semble pas davantage faire de doute que la saisine du juge administratif obéit à des conditions draconiennes. En effet, outre les exigences du droit commun, et à peine d’irrecevabilité, elle doit satisfaire aux conditions du Code général des impôts et contenir : la mise en demeure avant poursuites assortie du rapport du contrôle initial, la requête introduite auprès du comité de recours gracieux, la preuve du paiement de la partie non contestée de la dette, la preuve du paiement de 20 % de la fraction de la dette contestée, une copie de la décision du comité de recours gracieux, la preuve du paiement de vingt pour cent supplémentaires du montant de la portion contestée de la dette…[145]. Il n’en va autrement que lorsque le recours contentieux est intenté par la Caisse de prévoyance sociale pour contester une décision du comité de recours qui lui est défavorable[146].

  • Que le contentieux se rapportant à la réparation et la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles échoit toujours à la juridiction de la commission provinciale du contentieux de la prévoyance sociale. A première vue, aucun de ces points ne touche aux différends collectifs de travail.
D. Le conseil d’arbitrage

Le conseil d’arbitrage a une organisation et une composition assez peu courantes. Ses attributions ne sont pas non plus ordinaires.

1. Composition, organisation

La composition du conseil d’arbitrage est originale sans être complexe. A sa tête trône, en tant que président, un magistrat de la Cour d’appel du ressort. En sont membres, d’une part un assesseur employeur, d’autre part un assesseur travailleur. Un greffier de la juridiction d’appel visée vient compléter le conseil et en assure le secrétariat[147].

Apparemment claires, ces orientations comportent des zones d’ombre tant en ce qui concerne le président qu’en ce qui concerne les assesseurs.

Au sujet du président, on ne sait pas rigoureusement quel est son profil, et donc sur quelles bases doit s’opérer sa désignation. On ne sait pas non plus avec rigueur quelle autorité le désigne et surtout quelles garanties le protègent dans l’exercice de ses fonctions. L’article 161 (1) du Code du travail décide simplement que l’intéressé est forcément un magistrat de la Cour d’appel du ressort.

Au sujet des assesseurs, certes la règle est posée d’après laquelle leur désignation incombe au président du conseil d’arbitrage. Certes encore ceux-ci doivent être choisis parmi les assesseurs nommés près le tribunal de grande instance du ressort statuant en matière sociale. Mais précisément, il se trouve que le ressort de la Cour d’appel couvre celui de plusieurs tribunaux de grande instance[148]. Du coup se pose la question de savoir si le président du conseil d’arbitrage pourrait appeler à siéger à ses côtés des assesseurs provenant de l’un ou l’autre des tribunaux de grande instance du ressort de la Cour d’appel où se trouve sa juridiction. Au-delà et plus sérieusement se pose la question de l’indépendance de l’appelé, surtout lorsque ce dernier appartient à la catégorie des travailleurs. On comprend alors que quelques-uns estiment que l’idéal aurait été que les assesseurs siégeant au sein du conseil soient désignés non point par le président, mais par des pairs employeurs ou travailleurs comme cela se fait traditionnellement en matière d’arbitrage[149]. Dans cette même logique et radicalement, on imagine, dans une lecture futuriste, que quelques-uns en arrivent à suggérer que l’assesseur ou au moins l’un de ceux-ci soit un délégué syndical.

Pour le reste, rien n’est dit à propos de la composition du conseil dans le cas de figure où les assesseurs, convoqués à maintes reprises, ne comparaissent pas. Faut-il se retourner vers d’autres assesseurs ? Le magistrat statue-t-il seul ? Certains doutent que le président soit autorisé à trancher seul dans ces circonstances162. En des termes simples, cela signifie que la juridiction devrait être collégialement composée. La solution opposée ne doit cependant pas être marginalisée. Pour en cerner la pertinence, il suffit de se souvenir qu’on admet, en matière sociale, que des juridictions parmi lesquelles la Cour d’appel puissent exceptionnellement trancher en l’absence de leurs membres n’ayant pas la qualité de magistrat professionnel. Cela rend intéressant l’examen de la compétence du conseil d’arbitrage.

2. Compétence

Le conseil d’arbitrage a été institué à l’échelle des régions par le Code du travail qui retient que son ressort territorial de compétence correspond à celui de la Cour d’appel.

Au plan matériel, la juridiction est chargée du règlement des conflits collectifs de travail dont les éléments caractéristiques sont exposés à l’article 157 du Code du travail. Leurs spécificités sont d’une part d’être élevés par une collectivité de salariés organisés ou non en groupements professionnels ; d’autre part d’avoir à leur cœur un intérêt non plus individuel, mais commun à un groupe de travailleurs voire d’employeurs.

Des observations s’imposent lorsque l’on s’imprègne des attributions du conseil d’arbitrage.

Tout d’abord, la préoccupation peut surgir de savoir si la recherche d’un dialogue social de qualité n’exige pas de rapprocher cette juridiction de ses destinataires. Dans ce sens, la question pourrait également se poser de savoir s’il serait superflu, du moment où le ressort du conseil d’arbitrage s’étend à une région, de songer à ce que celui-ci tienne effectivement des audiences foraines. Pareillement, la mise en place de sièges secondaires au niveau notamment des grands bassins d’emploi pourrait s’avérer utile. Au besoin, de tels sièges pourraient correspondre à ceux de quelques tribunaux de première ou de grande instance du ressort de la Cour d’appel ; ce qui conduirait à confier la présidence de la juridiction à un magistrat en poste où le conseil d’arbitrage est doté d’un siège secondaire.

Ensuite, la distinction du différend individuel relevant de la compétence des tribunaux de première ou de grande instance du différend collectif réservé au conseil d’arbitrage est parfois malaisée[150]

Par ailleurs, l’office du conseil d’arbitrage suppose que le conflit collectif n’ait pas trouvé solution au stade de la conciliation devant l’inspecteur du travail. En conséquence, il n’est pas à envisager que celuici en arrive à être saisi avant l’inspection du travail[151]. Même dans l’hypothèse où ce filtre n’a pas été prévu par les conventions collectives, une tentative de règlement amiable s’impose. A l’issue de celle-ci est dressé un procès-verbal d’accord partiel ou de désaccord, lequel  justifie le recours devant le conseil[152]

Le conseil d’arbitrage peut choisir d’avoir recours à toute expertise susceptible de permettre de se prononcer en connaissance de cause sur l’affaire. La loi va plus loin pour décider que celui-ci a de larges pouvoirs pour se renseigner au sujet de l’état de l’entreprise ou sur la situation exacte des travailleurs intéressés par le conflit collectif, que celui-ci peut procéder à toutes enquêtes auprès des entreprises et des syndicats, exiger des parties en conflit qu’elles produisent tout document d’ordre économique, comptable, financier, statistique ou administratif susceptible de servir pour l’accomplissement de sa mission[153].

La juridiction statue tantôt en droit, tantôt en équité. A dire vrai, le soin ne lui revient pas de choisir. Obligation lui est faite de statuer en droit lorsqu’un différend lui a été soumis qui est relatif à l’interprétation et à l’exécution des lois, des règlements, des conventions collectives, des accords d’établissement en vigueur[154]. Obligation lui est faite de rendre sa décision à la lumière de l’équité lorsque le litige porté à sa connaissance n’appartient pas à la catégorie qui précède. Il en va ainsi notamment de ceux en lien avec les conditions de travail ou de rémunération lorsque celles-ci ne sont pas fixées par des dispositions législatives ou règlementaires ou encore par des conventions collectives ou des accords d’établissement[155]. Il en va encore ainsi lorsque le litige touche à la négociation de conventions collectives, à la révision totale ou partielle de celles-ci169.

La matière sur laquelle le conseil planche est cristallisée, non point par la demande de celui qui s’adresse à lui, mais bien plutôt par les termes du procès-verbal de non-conciliation dressé par l’inspecteur du travail. La règle n’admet de dérogation que dans l’hypothèse où des évènements nouveaux surviennent après la conciliation, mais qui, en tout état de cause, sont la conséquence directe du différend en cours[156].  

La décision du conseil, appelée « sentence arbitrale », est notifiée aux protagonistes, « sans délai », par l’inspecteur du travail du ressort. Elle est susceptible d’opposition dans les huit jours qui suivent cette notification…  

Enfin, l’article 164 du Code du travail exige que les minutes de la sentence arbitrale soient déposées au greffe du tribunal de grande instance du lieu du différend. Le même texte rend obligatoire l’affichage dans les locaux de l’inspection du travail de la sentence arbitrale, puis impose que celle-ci soit publiée au journal officiel de la République du Cameroun. Tout ceci paraît exceptionnel, du moins au regard notamment du sort réservé aux jugements du tribunal militaire.

E. Le tribunal militaire

Au même titre que les autres juridictions appartenant à l’ordre judiciaire, le tribunal militaire est organisé[157]. Demeurées pendant longtemps mystérieuses, les attributions des « military tribunals » accèdent progressivement à la compréhension de la majorité du corps social, singulièrement depuis l’entrée en vigueur au Cameroun de la loi n° 2017/012 du 12 juillet 2017 portant Code de justice militaire[158].

1. Composition, organisation

Le tribunal militaire comprend un siège, une instruction, un parquet.

Au siège se trouvent le président du tribunal, un ou des vice-présidents de la juridiction, deux assesseurs titulaires et des assesseurs suppléants dont la voix est délibérative, le greffier en chef, un ou des greffiers.

A l’instruction se trouvent un ou plusieurs juges d’instruction, un ou différents greffiers d’instruction.

Au parquet se trouvent un commissaire du gouvernement avec un ou plusieurs substituts en fonction des juridictions, puis un ou des greffiers.

La loi n° 2017/012 du 12 juillet 2017 portant Code de justice militaire, reprenant la loi n° 2008/015 du 29 décembre 2008 retient, en ses articles 5, 6, 17 et 27 :

Premièrement, que le président, les vice-présidents, les juges d’instruction, le commissaire du gouvernement et ses substituts sont soit des magistrats militaires, soit des « magistrats civils » nommés par le président de la République. Du coup, les magistrats non militaires pourraient bien être en service auprès des juridictions civiles du ressort, lesquelles ne réduisent pas aux juridictions que l’on rattache à l’ordre judiciaire. Autant dire, au moins théoriquement, que les concernés pourraient provenir de la juridiction administrative et, demain, du tribunal régional des comptes ;

Deuxièmement, bien que le personnel magistrat, civil ou militaire doive être désigné par décret du président de la République, il est résolu que le ministre chargé de la justice militaire peut, pour des nécessités de service, détacher temporairement un magistrat militaire du parquet dans un autre parquet ; que ce détachement ne peut excéder six (6) mois[159] ;

Troisièmement, que les magistrats civils membres de la juridiction sont désignés parmi ceux qui sont en poste dans le « ressort » de celle-ci ; ce qui visiblement ne met pas à l’écart leurs collègues en fonction au tribunal administratif régional ou au tribunal régional des comptes[160]. La crainte que l’on peut alors légitimement avoir est celle soit d’un dépeuplement des juridictions civiles dont le personnel se « détache », soit d’une surcharge des magistrats qui en proviennent et appelés à servir au profit de la juridiction martiale ;

Quatrièmement, que les assesseurs sont tantôt des magistrats civils, tantôt des magistrats militaires, tantôt des officiers des forces de défense. L’exigence est sans ambigüité : « ces juges » ne sont plus, comme jadis, issus des seuls rangs de l’ordre judiciaire. Tous les magistrats civils ont vocation à devenir « assessors », que ceux-ci servent au profit des juridictions de l’ordre administratif, de l’ordre des comptes, de l’ordre judiciaire. A rebours, on doit admettre sans réticence que le nombre d’assesseurs suppléants ne soit pas identique d’un tribunal militaire à l’autre, du moment où la loi du 12 juillet 2017 ne fige guère leur nombre. Reste à espérer, demain, que la notion d’ « officiers des forces de défense » soit élargie dans son interprétation. L’enjeu d’un tel exercice sera d’intégrer dans la catégorie des assesseurs, notamment « en temps de paix », d’autres agents publics à l’instar des officiers des eaux et des forêts qui sont quotidiennement en contact avec les auteurs présumés d’infractions perpétrées à l’aide d’armes à feu dans les forêts… ;

Cinquièmement, que le juge d’instruction et les membres de la formation de jugement doivent, pour ceux qui font partie des forces de défense, avoir au moins le grade de l’inculpé, du prévenu ou de l’accusé. Du coup, rien ne s’oppose sérieusement à ce que le banc du ministère public soit occupé par des militaires dont le grade est inférieur ou égal à celui du collègue poursuivi. Par ailleurs, et la jurisprudence est constance ici, il est sans intérêt de tenter de discriminer entre militaires et gendarmes ;

Sixièmement, que les greffiers et les greffiers d’instruction sont forcément des militaires. Tous ne sont cependant pas nommés par la même autorité. Tandis que le « registrar in chief » est nommé par arrêté du président de la République, ses subordonnés, les « registrars », sont désignés par le ministre en charge de la justice militaire ;

Septièmement, qu’en temps de guerre, les magistrats civils membres du tribunal sont obligatoirement remplacés par des magistrats militaires. De même, les assesseurs non magistrats sont nécessairement soit des officiers généraux, soit des officiers supérieurs des forces de défense ou assimilés, nommés par décret du président de la République[161]. L’exigence ne doit cependant pas tromper. Il n’est pas à exclure, en période de conflit armé, que les civils ayant la qualité d’assesseurs soient remplacés par des magistrats militaires ; cela d’autant plus que le greffe n’est pas tenu par des civils.

Ces précisions ne sont pas les seules que le législateur esquisse relativement à la composition du tribunal militaire. A cela s’ajoute :

  • Que le président du tribunal militaire et le commissaire du gouvernement sont forcément installés au cours d’une audience solennelle[162]. A l’opposé, il s’infère que les autres membres de la juridiction prennent fonctions dans un contexte différent ;
  • Qu’en matière criminelle, les affaires sont jugées collégialement. De deux choses l’une. Soit le collège a à sa tête le président du tribunal et deux assesseurs ; soit la collégialité est composée de trois magistrats[163]. Dans l’hypothèse toujours probable où la collégialité serait présidée par un magistrat non militaire, les deux assesseurs doivent inévitablement appartenir aux forces de défense[164] ; ce qui signifie a contrario que ceux-ci ne pourraient plus être soit des magistrats civils, soit des magistrats militaires ;
  • Qu’en matière délictuelle ou de simple police, les litiges sont tranchés isolément soit par le président du tribunal, soit par l’un des vice-présidents. Ce n’est donc que très exceptionnellement que le tribunal pourrait, en cette matière, être collégialement composé. En pareille occurrence, et l’article 7 (2) b de la loi n° 2017/012 du 12 juillet 2017 précitée le met en lumière, la décision d’une composition collégiale est forcément prise par jugement avant-dire droit rendu soit d’office, soit sur réquisitions du commissaire du gouvernement, soit à la requête de l’un des justiciables ;
  • Qu’en temps de guerre, d’après les termes de l’article 27 de la loi n° 2017/012 du 12 juillet 2017, la formation de jugement a une configuration spéciale. Effectivement, siégeant en matière criminelle, elle comprend un président, lequel est impérativement un magistrat militaire, puis des assesseurs, lesquels appartiennent inévitablement au corps des forces de défense. En matière correctionnelle ou de simple police, les affaires sont jugées par un magistrat, lequel est forcément un militaire. Exceptionnellement, par jugement avant dire droit rendu soit d’office soit sur réquisition du commissaire du gouvernement, le tribunal peut, en de telles circonstances, en matière non criminelle, statuer en collégialité. Enfin, et pour en finir avec le contexte du conflit armé, il est écrit à l’article 27 (e) du Code de justice militaire que lorsque le mis en cause relève du corps de la Sûreté nationale, de l’administration pénitentiaire, de l’administration des eaux et forêts ou encore de de l’administration des douanes, l’un des assesseurs est automatiquement membre dudit corps ;

Reste à se souvenir de l’omniprésence discrète de la direction de la justice militaire. Rattachée au Secrétariat général du Ministère de la défense, elle est chargée, entre autres, des questions relatives à l’organisation et au fonctionnement des juridictions militaires ; du suivi de  la formation professionnelle des magistrats militaires  et des personnels judiciaires militaires ; de la gestion de la carrière du personnel de la justice militaire en liaison avec la direction des ressources humaines, la gendarmerie et les Etatsmajors. A cela s’ajoutent la préparation des décisions et avis se rapportant à l’action publique ; la diffusion auprès de la gendarmerie, des Etats-majors et des services concernés des avis de poursuites, de cessation de poursuites et des avis de condamnation ; le contrôle des détentions préventives et de l’exécution des peines ;  la constitution des dossiers de recours en grâce et des libérations conditionnelles ; la liaison avec les différents départements ministériels intéressés par le fonctionnement de la justice militaire[165].

2. Compétence

Le tribunal militaire a une compétence au plan territorial, puis une compétence au plan matériel. a. Compétence territoriale

La compétence territoriale du tribunal militaire, pour débuter par elle, a varié à travers le temps.

A l’origine, la juridiction avait un ressort s’étendant sur l’ensemble du territoire de la République, mais jugeait à Yaoundé. La règle, à l’époque, était que ses audiences peuvent se tenir dans d’autres localités, sur décision du président de la République ou par délégation du ministre chargé de la défense[166].

Entre-temps, la nécessité fut ressentie de créer d’autres tribunaux militaires. En 1972, l’un fut mis en place à Bafoussam dont le ressort couvrait les provinces de l’Ouest et du Nord-ouest. La même année, un autre fut créé à Buea qui couvrait l’ensemble de ce qu’on appelait à cette époque la province du Sud-ouest. Un troisième fut érigé à Douala dont le ressort territorial s’étendait sur l’ensemble de la province du Littoral. Le quatrième fut mis en place à Garoua, avec un ressort couvrant les provinces de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême nord. Enfin, le dernier était à Yaoundé et couvrait les actuelles régions du Centre, du Sud et de l’Est.

Depuis la loi n° 2008/015 du 29 décembre 2008 portant organisation judiciaire militaire et fixant la procédure devant cette juridiction, mais surtout avec l’entrée en vigueur du Code de justice militaire issu de la loi n° 2017/012 du 12 juillet 2017, la situation se décline autrement.

A preuve, d’après les termes de l’article 3 de ce code, le tribunal militaire est créé dans chaque région et a son siège au chef-lieu de cette circonscription administrative. La loi n’exclut cependant pas, lorsque le besoin est ressenti, que différents tribunaux militaires soient créés dans une région. Pareillement, elle n’exclut pas, à l’inverse, que le ressort d’un tribunal militaire soit étendu à différentes régions. Simplement, l’extension ou la restriction de compétence appelle, en amont, une décision du président de la République. Hier, la décision d’extension était consignée dans un décret. De nos jours, la réalité des choses a un autre visage. Au même titre que la création de juridictions nouvelles, l’extension de compétence du tribunal militaire s’opère par voie d’ordonnance[167]. L’article 68 de la loi du 12 juillet 2017 est d’ailleurs d’avantage précis dans la mesure où la formule y est surabondamment développée qui voudrait que l’ordonnance visée soit déposée sur les bureaux de l’assemblée nationale et du sénat aux fins de ratification.

A preuve, selon les termes de l’article 3 de ce code, certes le siège de la juridiction se trouve à la capitale régionale. Toutefois, des audiences peuvent se tenir en un autre lieu. La leçon, rarement mise en pratique, se saisit aisément : l’époque est révolue où la tenue d’audiences foraines requérait une autorisation délivrée par décret présidentiel ; l’époque est révolue où une « délégation spéciale », donnée au ministre des forces armées, permettait à celui-ci d’autoriser la « délocalisation » des audiences. Bien inspirée, la construction ne supprime pas toutes les zones d’ombre. Effectivement, la préoccupation peut être exprimée de savoir s’il est aisé, dans les faits, d’organiser des audiences foraines…

A preuve, d’après la formule de l’article 4 de ce code, le tribunal militaire de Yaoundé peut, en cas de circonstances exceptionnelles telles qu’énoncées à l’article 9 de la constitution, de menaces graves à l’ordre public, à la sécurité de l’Etat ou de terrorisme, exercer ses attributions sur l’ensemble du territoire de la République du Cameroun.  

A preuve, la formule est développée à l’article 4 (1) du code qui voudrait que le tribunal militaire de Yaoundé soit également compétent pour connaître des infractions de toute nature commises par des militaires en mission ou en opération hors du territoire. Le sens de l’exigence se perçoit : la juridiction visée n’a pas compétence pour connaître des infractions commises par les membres des forces de défense dans le contexte de missions dont le théâtre est le territoire de la République du Cameroun. A rebours, on ne doit pas exclure que le tribunal en arrive à se prononcer au sujet d’infractions non purement militaires. Il suffit que ces dernières aient été perpétrées par des militaires impliqués dans une mission ou dans une opération ailleurs qu’au Cameroun.

b. Compétence matérielle

A s’en tenir aux prévisions de l’article 8 du Code de justice militaire issu de la loi du 12 juillet 2017 citée à maintes reprises, le tribunal connait « seul » :

  • des infractions purement militaires et des crimes de guerre ;
  • des crimes contre l’humanité et du crime de génocide ;
  • des infractions relatives aux actes de terrorisme et à la sûreté de l’Etat ;
  • des infractions de piraterie et actes illicites contre la sûreté de la navigation maritime et des platesformes ;
  • des infractions de toute nature commises par des militaires ou par le personnel civil en service dans les forces de défense, avec ou sans co-auteurs ou complices civils, soit à l’intérieur d’un établissement militaire, soit dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions ;
  • des infractions à la législation relative aux armes de première, deuxième, troisième et quatrième catégories ;
  • des infractions de toute nature commises à l’aide d’armes de première, deuxième, troisième et quatrième catégories ;
  • du vol avec port d’arme à feu ;
  • des infractions de toute nature où se trouve impliqué un militaire ou assimilé, perpétrées soit en temps de guerre soit dans une région assujettie à l’état d’urgence ou d’exception ;
  • des infractions de toute nature commises par des civils dans un établissement militaire, lesquelles ont soit occasionné des dommages aux équipements ou installations militaires, soit porté atteinte à l’intégrité physique d’un militaire, soit troublé le fonctionnement du service ;
  • des infractions relatives à l’achat, l’importation, la vente, la confection, la distribution, le port ou la détention d’effets ou d’insignes militaires tels que décrits dans les règlements militaires ;
  • de toutes les infractions connexes à celles ci-dessus exposées et relevant de la compétence de la juridiction martiale.

Cela dit, il convient encore de souligner, pour en finir avec les attributions du tribunal militaire :

  • Qu’on pourrait difficilement avoir une vision satisfaisante de la compétence du tribunal militaire sans un aperçu rapide de ce que le militaire est. Les rédacteurs de la loi n° 2017/012 du 12 juillet 2017 portant Code de justice militaire ont opté de rétrécir le spectre des zones d’ombre nées du silence d’hier. Le résultat a été recherché en décidant, pour l’application de ce code, que le terme militaire a un contenu qui diffère suivant que l’on se trouve en temps de paix ou de troubles. En temps de paix, le terme désigne l’un des personnels des forces de défense, singulièrement de la gendarmerie nationale, de l’armée de terre, de l’armée de l’air ou de la marine nationale. En cas de guerre, d’état d’urgence ou d’état d’exception, le militaire est non seulement rattaché à la catégorie précitée, mais aussi à celle représentée par le personnel de la réserve mobilisable, le personnel des forces ou corps qui, dans ses missions quotidiennes porte des armes de guerre ou de défense, en l’occurrence celui de la Sureté nationale, de l’administration pénitentiaire, de l’administration des eaux et forêts, les douaniers paramilitaires. Anticipant à juste titre la querelle pouvant surgir à propos des personnels non militaires en service dans les services centraux, l’article 31 (2) invite lucidement à assimiler aux militaires, lorsque des infractions ont été commises dans une enceinte militaire ou dans l’exercice de leurs fonctions, le personnel civil en service au ministère de la défense ;
  • Que l’on pourrait difficilement avoir une vision nette de l’infraction purement militaire sans se référer au Code de justice militaire. Effectivement, on y trouve exposés, de manière relativement détaillée, les agissements à déférer devant cette juridiction et que l’on imputerait à la catégorie dite des militaires. En bonne place se trouvent la désertion à l’intérieur ou à l’étranger en temps de paix, la désertion avec ou sans complot en temps de guerre, l’incitation à déserter, l’abandon de poste, le sommeil pendant la faction. On y retrouve, en bonne place, les omissions ou refus de prendre part aux audiences des juridictions militaires, le refus d’obéissance, l’outrage à supérieur, les voies de fait envers le supérieur, l’outrage au drapeau national ou à un militaire malade ou blessé, à une sentinelle. En bonne place, on y retrouve la violation de consigne, la révolte, les violences à subordonné ou les outrages au préjudice de celui-ci, le commandement illégal, le harcèlement sexuel. Sont également incriminés et sanctionnés la soustraction frauduleuse en zone militaire, la dissipation, le vol, la destruction, le recel d’effets militaires. En bonne place se trouvent également la trahison, l’intelligence avec l’ennemi, l’espionnage, la capitulation, le pillage en bandes, le détournement, etc.
  • Que des statistiques dignes de foi incitent à penser que le tribunal militaire examine moins les causes intéressant les membres des forces armées et assimilées que celles impliquant la catégorie dite des « civils », c’est-à-dire en réalité, pour reprendre la formule de Monsieur le Professeur Anoukaha, que la juridiction n’est plus le tribunal des militaires[168], bien que ses audiences se tiennent parfois dans un camp militaire ou non loin de celui-ci. Logiquement, et dans cette lancée, il applique moins les prévisions du Code de justice militaire que celles du Code pénal. A l’opposé, le nombre d’affaires intéressant les civils et sans lien avec les établissements militaires ou avec le matériel de défense au sens étroit semble très élevé et, à sa manière, discrédite la thèse qui voulait que le tribunal militaire soit le juge naturel des militaires, opinion autrefois défendue, entre autres, par la Cour suprême et par les juridictions inférieures.

A partir des constats qui précèdent, la préoccupation peut être exprimée de savoir si la compétence des juridictions de droit commun concernant les infractions commises par les militaires ne devrait pas être mieux précisée. Dans le sens contraire, la question peut se poser de savoir si quelques-unes des infractions relevant des attributions de cette juridiction n’auraient pas dû être transférées au tribunal de première instance ou au tribunal de grande instance. A l’évidence, on gagnera, dans la perspective de la recherche de solutions à se souvenir du point de vue de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, exprimée tantôt dans les « Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique » [169], tantôt dans sa jurisprudence, notamment celle se rapportant à la Communication n° 229/99 relative à l’affaire The Law office of Ghazi Suleiman contre Sudan. Elle y retient : « 63. The government confirmed the allegations of the complainants concerning the membership of the military court. It informed the African Commission in its written submissions that the military court had been established by a presidential decree and that it was mainly composed of military officers ; of the four members, tree were active service men and that the trial had taken place legaly. 

  1. This composition of the military court alone is evidence of impartiality (sic). Civilian appearing before and being tried by a military court presided over by active military officers who are still under military regulations violate the fundamental principles of fair trail. Likewise, depriving the court of qualified staff to ensure its impartiality is detrimental to the right to have one’s cause heard by competent organs.
  2. In this regard, it is important to recall general stand of the African Commission on the question of civilians being tried by military courts. In its Resolution on the right to a fair trial and legal laid in Africa, during the adoption of the Dakar Declaration and recommendations, the African Commission noted that : “In many african countries, military courts or specialized criminal courts exist side by side with ordinary courts to hear and determine offences of a purely military nature committed by military staff. In carrying out this responsibility, military courts should respect the norms of a fair trial. They should in no case try civilians. Likewise, military courts should not deal with offences which are under the purview of ordinary courts’’.
  3. Additionally, the African Commission considers that the selection of active military officers to play the role of judges violates the provisions of paragraph 10 of the Fundamental principles of the independence of the judiciary which stipulates that “individual selected to carry out the functions of judges should be persons of integrity and competent, with adequate legal training and qualifications’’ (see communication 224/98 Media rights Agenda vs. Nigeria »[170] (CADHP, Communication 222/98 et 229/99- The Law office of Ghazi Suleiman c. Sudan, 16th Annual Activity Report, in Institute for human right and development in Africa, Decisions of the african commission on human and peoples rights on communications, 2002-2007, Press, Cape Town, 2008, pp. 341 et s.[171]) ;
  • Que d’après les termes de l’article 9 du Code de justice militaire, « Les mineurs de dix-huit (18) ans, auteurs, co-auteurs ou complices des infractions visées (…) sont justiciables des juridictions compétentes en matière de délinquance juvénile. Dans ce cas, le dossier est transmis au parquet compétent par le commissaire du gouvernement, après disjonction des procédures, le cas échéant ».
  • Que des étrangers, auteurs, coauteurs ou complices de comportements infractionnels relevant de la compétence des tribunaux militaires, en sont justiciables[172]. L’exigence n’admet que peu de dérogations. L’une concerne ces privilèges de juridiction développés dans les conventions internationales y relatives ; l’autre touche aux immunités diplomatiques que l’on retrouve dans des accords du même ordre et que le Code de procédure pénale reconduit.
  • Que certaines des infractions relevant des attributions du tribunal militaire ne sont pas constatées par n’importe quel officier de police judiciaire. L’article 11 du Code de justice militaire introduit une discrimination importante à ce stade du procès. Seuls des officiers de police judiciaire militaires sont habilités à constater les infractions purement militaires, les crimes de guerre, les infractions commises par les militaires ou par le personnel civil en service dans les forces de défense dans un établissement militaire, les infractions où se trouve impliqué un militaire lorsque celles-ci ont été perpétrées en temps de guerre ou dans une région assujettie à l’état d’urgence ou d’exception. Seuls des officiers de police judiciaire militaires sont habilités à constater les infractions relatives à l’achat, l’importation, la vente, la confection, la distribution, le port ou la détention d’effets ou d’insignes militaires tels que décrits dans les règlements militaires[173]. En revanche, les autres infractions du ressort du tribunal militaire pourraient parfaitement être constatées par des officiers de police judiciaire civils ou militaires. Dans l’un ou dans l’autre cas, les intéressés sont tenus, sans délai, de transmettre au commissaire du gouvernement les originaux des procèsverbaux d’enquête de police et, chose curieuse, « d’en adresser copie au ministre chargé de la justice militaire »[174] ;
  • Que « sur prescription » du président de la République, le ministre en charge de la justice militaire « peut », à tout moment avant le jugement, arrêter les poursuites pénales devant le tribunal militaire, lorsque celles-ci sont susceptibles de compromettre l’intérêt social ou la paix publique[175]. Dans la même tournure d’esprit, le commissaire du gouvernement peut requérir par écrit, puis oralement, après autorisation du ministre en charge de la justice militaire, l’arrêt des poursuites quel que soit le stade de la procédure, lorsque celles-ci pourraient porter atteinte à l’ordre public[176]… ;
  • Qu’en temps de guerre des dispositions spécifiques sont applicables devant le tribunal militaire. En occultant volontiers celles qui ont trait à sa composition, on retiendra que la juridiction statue alors en premier et dernier ressort191 ;
  • Que bien avant l’entrée en vigueur du nouveau Code de justice militaire en 2017, la loi n° 2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme avait déjà renforcé les attributions du tribunal militaire[177]. A l’avenir, la juridiction sera seule à juger quiconque, à titre personnel, en complicité ou en coaction, commet un acte terroriste ou s’abstient de dénoncer de tels actes[178]. Elle sera aussi la seule compétente pour réprimer les activités de financement, de recrutement et de formation de personnes en vue de leur participation à des activités en lien avec le terrorisme, que cela se déroule au Cameroun ou sous d’autres cieux[179]. Elle aura également une compétence exclusive s’agissant des infractions se rapportant au blanchiment des produits du terrorisme195, au soutien ou à l’apologie de telles activités[180] ;
  • Que quelques-uns des chefs de compétence du tribunal militaire devraient pouvoir être soumis à la justice pénale supranationale, singulièrement à la Cour pénale internationale. Le scénario pourrait s’observer lorsque le tribunal militaire n’a pas été saisi de certaines infractions internationales de particulière gravité, par application du principe de complémentarité. Au nombre de ces infractions se trouvent le crime de guerre, le crime de génocide, les crimes contre l’humanité. L’exigence est inscrite, entre autres, dans le statut de Rome et dans le règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale[181] ; elle est au cœur d’une jurisprudence surabondante[182] à l’image de celle du ressort du tribunal criminel spécial.

F. Le tribunal criminel spécial

A s’en tenir aux échanges ayant précédé l’élaboration des différents textes concernant le tribunal criminel spécial, particulièrement ceux mis au vote lors de la dernière session extraordinaire de l’assemblée nationale de l’année 2011, l’existence de cette juridiction se justifie par la volonté des pouvoirs publics, aujourd’hui plus qu’autrefois, de combattre les atteintes à la fortune publique et de réduire significativement ce phénomène. Sa structuration et ses attributions ont vocation à faciliter la réalisation de cet objectif de cet objectif qui, cela doit être rappelé, se situe en droite ligne des engagements internationaux du pays.

1. Cadre organique spécifique 

La composition du tribunal criminel spécial est singulière lorsqu’on se souvient que celui-ci se rattache à la catégorie des juridictions de première saisine.

Au siège, on retrouve un président, un ou plusieurs vice-présidents, un ou des conseillers, un ou plusieurs juges d’instruction.

Au parquet général, on retrouve un procureur général, un ou des avocats généraux, un ou des substituts généraux.

Au greffe se trouvent le greffier en chef, un ou des chefs de section, un ou des greffiers et greffiers d’instruction.

A ce stade, la remarque s’impose déjà que le président du tribunal criminel spécial, le procureur général près ladite juridiction, le vice-président et l’avocat général sont, au minimum, des magistrats hors hiérarchie. Les juges d’instruction sont, au bas mot, des magistrats du quatrième ou du troisième grade. Les conseillers et les substituts généraux, enfin, sont des magistrats soit au troisième grade, soit à un grade supérieur. Tel est du moins ce que révèle l’analyse du décret n° 2012/189 modifiant et complétant certaines dispositions du décret n° 2000/310 du 03 novembre 2000 modifiant le tableau « A » annexe du décret du 8 mars 1995 portant statut de la magistrature.

A ce stade, la remarque s’impose également que, d’après l’article 6 du décret n° 2012/223 du 15 mai 2012 portant organisation administrative du tribunal criminel spécial, le parquet général comprend trois services : le service des affaires administratives et financières, le service des affaires criminelles, le service du contrôle du greffe du parquet et des professions judiciaires.

A ce stade, la remarque s’impose encore que, malgré le toilettage opéré par la loi n° 2012/011 du 16 juillet 2012, le statut du personnel appelé à servir au siège ou au parquet en tant que magistrat n’est pas nettement circonscrit[183]. A preuve, on ne peut pas dire avec assurance si celui-ci ne comprend que des magistrats de carrière ou si l’on doit nourrir le rêve d’y retrouver, un jour des magistrats en service extraordinaire. Quelques-uns ont même ouvertement pu craindre que le nombre de magistrats appelés à servir au profit de cette juridiction ne soit pas suffisant pour éviter l’encombrement de son prétoire. A l’appui de cette appréhension a notamment été pointé du doigt le champ de l’activité du tribunal, lequel couvre l’ensemble du territoire de la République du Cameroun[184].

A ce stade, la remarque s’impose que le greffe comprend deux sections criminelles baptisées « section criminelle I » et « section criminelle II », toutes placées sous l’autorité d’un greffier principal et ayant des attributions identiques[185].

Afin d’accélérer le rythme des affaires et contenir le phénomène de l’asymétrie des informations lors de la phase policière du procès, un décret du président de la République a très logiquement été signé en date du 3 mai 2013, qui porte création, organisation et fonctionnement du corps spécialisé d’officiers de police judiciaire du tribunal criminel spécial, dénommé « corps ». Cet important texte révèle en substance :

  • Que le « corps » a une compétence territoriale nationale, bien que sa base se trouve à Yaoundé, au siège du tribunal criminel spécial[186] ;
  • Que les officiers de police judiciaire membres du corps sont idéalement de deux ordres. D’une part, des agents publics qui, par le passé, ont servi au profit de la Sûreté nationale ou de la Gendarmerie nationale en qualité d’officiers ou d’agents de police judiciaire. D’autre part, des fonctionnaires et des agents d’administrations ou de services publics auxquels des textes particuliers confèrent des compétences en matière de police judiciaire[187] ;
  • Que le « corps » est placé sous la direction et le contrôle du procureur général près le tribunal criminel spécial, sur instruction duquel des investigations sont menées[188] ;
  • Que le « corps » comprend une division des enquêtes d’une part, des services administratifs d’autre part[189]. Autant dire que son concours est décisif pour l’accomplissement des missions dont le TCS a la charge.

2. Compétence

Le tribunal criminel spécial a une compétence au plan territorial ; une compétence au plan matériel. a. Compétence territoriale

La raison d’être du tribunal criminel spécial transparaît déjà, suffisamment, de la mouture initiale des articles 2 et 3 de la loi n° 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création de cette juridiction.

L’article 3, demeuré en l’état à l’issue de la modification touchant cette loi, est ainsi écrit : « le tribunal a son siège à Yaoundé et son ressort couvre l’ensemble du territoire national ». La formule n’admet que peu de commentaires. La juridiction n’a pas à tenir ses audiences dans d’autres localités. L’éventualité d’un encombrement de son prétoire ou celle davantage sérieuse de troubles à l’ordre public ne semble pas autoriser, en l’état actuel des textes, que l’on envisage sérieusement des audiences ailleurs qu’à Yaoundé. Même l’exigence constitutionnelle de la décentralisation ne permet pas, dans la configuration actuelle des textes, de songer à ce que chaque région du pays puisse disposer de son TCS. Fort heureusement, le schéma ne compromet pas l’exercice par le tribunal criminel spécial de sa compétence matérielle.  b. Compétence matérielle

A l’article 2 ancien de la loi n° 2011/028 du 14 décembre 2011, la règle était que le tribunal criminel spécial est compétent pour connaître, lorsque le préjudice est d’un montant minimum de 50 000 000 FCFA, des infractions de détournement de deniers publics et des infractions connexes prévues par le Code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Cameroun. 

La configuration actuelle de cet article 2, rendue définitive par la loi n° 2012/011 du 16 juillet 2012 modifiant et complétant les dispositions de la loi n° 2011/028 du 14 décembre 2011 est la suivante : « Le tribunal est compétent pour connaître, lorsque le préjudice est d’un montant minimum de cinquante millions (50 000 000) de francs CFA, des infractions de détournement de biens publics et des infractions connexes prévues par le Code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Cameroun ».

A supposer qu’un bilan « à chaud » doive être dressé, il conviendra de retenir que cette juridiction va au-delà des seules distractions de deniers publics pour se pencher sur les détournements de biens publics. Certes, les choses détournées sont couramment de nature mobilière. Les biens immobiliers sont néanmoins aussi à l’ordre du jour. Certes, les biens concernés sont non seulement ceux dont l’Etat luimême a la propriété. Toutefois, il pourrait également s’agir de ceux qui appartiennent à d’autres personnes morales publiques à l’instar des établissements publics, des régions, des collectivités territoriales décentralisées plus globalement. Rien n’exclut d’envisager que relèvent de la compétence du tribunal criminel spécial les atteintes aux intérêts des catégories énoncées lorsque celles-ci ont simplement la qualité d’associé, que ce soit au sein de sociétés à capitaux publics ou au sein de sociétés d’économie mixte. Tel est du moins ce que suggère l’article 184 (1) lorsque celui-ci évoque le « (…) bien appartenant, destiné ou confié à l’Etat unifié, à une coopérative, collectivité ou établissement, ou publics ou soumis à la tutelle administrative de l’Etat ou dont l’Etat détient directement ou indirectement la majorité du capital (…) ». Tel est ce que suggère la lecture de l’article 114 de la loi n° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques lorsque celui-ci décide que, constitue un détournement de biens publics, prévu et réprimé, le fait pour les dirigeants sociaux des entreprises publiques « d’opérer sciemment entre les actionnaires la répartition des dividendes en l’absence d’inventaire ou au moyen d’inventaires frauduleux » ; « de mauvaise foi, de faire des biens et du crédit de l’entreprise publique, un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou morales ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils sont directement ou indirectement intéressés ». Dans la même tournure d’esprit, l’article 115 de cette loi retient que, représente un détournement de biens publics puni, l’attitude consistant à faire du patrimoine ou du crédit de la société en fin de vie un usage contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser toute autre personne morale dans laquelle il est ou était intéressé directement ou indirectement. La même infraction est commise par celui qui cède tout ou partie de l’actif d’une entreprise publique en liquidation à une personne ayant eu la qualité de membre du conseil d’administration ou de commissaire aux comptes sans le consentement unanime des associés ou sans celui de l’actionnaire unique ou dans des cas exceptionnels de la juridiction compétente. La sanction prévue en cas de détournement de biens publics devrait encore pouvoir frapper l’auteur de l’attitude consistant à payer ou à faire payer une dette en méconnaissance de la loi régissant les entreprises publiques ; celle consistant pour le liquidateur à acquitter ou à organiser le paiement ou la dissimulation d’une fraction des biens d’une entreprise publique, à utiliser des sommes d’argent recouvrées à des fins étrangères à leur destination initiale206.  

L’une des choses qui trouble, on l’aura compris, a trait à la qualité ou au profil de « l’infracteur ». Presque rien n’est dévoilé à ce sujet. Du coup, on doit lucidement admettre que, certes les personnes appelées à comparaître devant le tribunal criminel spécial pour répondre de leurs actes sont assez souvent des agents publics ; il pourrait se trouver que celles-ci n’appartiennent pas à cette catégorie….

Une autre chose, bouleversante elle aussi, a trait au « taux » de compétence du tribunal criminel spécial. On comprend mal les bases sur lesquelles le chiffre de 50 000 000 de francs a été retenu. La donnée s’appréhende d’autant moins nettement que des seuils existaient déjà dans le Code pénal s’agissant de la répression des atteintes à la fortune publique et attestant d’une sévérité des pouvoirs publics207. Par ailleurs,  il est curieux que celui-ci soit greffé au « préjudice subi »…

Un troisième détail, troublant ici, renvoie aux infractions connexes aux détournements des biens et avoirs publics. A l’origine de cet état d’esprit se trouve le constat que la loi se garde d’exposer, même de manière indicative. Dans l’attente des orientations du législateur ou de la Cour suprême, on est réduit à songer aux infractions que le Code pénal réprime, notamment à ses articles 100, 123-3, 134, 135, 136, 137, 138, 144, 168, 188, 188-1, 205, 225, 314-1, 324…

Une autre préoccupation est relative à la querelle qui entoure la distinction entre le détournement de biens publics et la faute de gestion. A ce propos, l’extrait d’un arrêt de la Cour suprême, rendu à propos de l’affaire Olanguena Awono Urbain contre Ministère public et Etat du Cameroun, offre un premier signal. Il s’ y découvre : « Attendu qu’à cet égard, l’article 184 alinéa 1 du Code pénal dispose : « Quiconque par quelque moyen que ce soit obtient ou retient frauduleusement quelque bien que ce soit, mobilier ou immobilier, appartenant, destiné ou confié à l’Etat unifié, à une coopérative, collectivité ou établissement public ou soumis à la tutelle administrative de l’Etat ou dont l’Etat détient directement ou indirectement la majorité du capital est puni (…) au cas où la valeur de ces biens excède 500 000 FCFA d’un emprisonnement à vie… » ; 

Qu’il en découle que le législateur n’a pas entendu restreindre le regard du juge sur la diversité des moyens par lesquels il peut être porté atteinte à la fortune publique par le biais du détournement ; que la violation de la procédure de passation des marchés publics ne constitue qu’un moyen parmi d’autres… » (CS, arrêt n° 002/SSP, 05 août 2015, Olanguena Awono Urbain c. Ministère public et Etat du Cameroun208).

Des constats s’imposent après un temps de recul, lesquels, parfois, sont à l’origine d’interrogations.

Premièrement, le tribunal criminel spécial n’est pas seul à trancher les litiges touchant aux détournements de biens publics. Les tribunaux de première instance et de grande instance interviennent en la matière, du moins lorsque les choses ou valeurs en cause sont inférieures à 50 millions de francs. Tandis, en ces circonstances, que l’un se charge de comportements appartenant à la catégorie des délits, l’autre se charge de faits constitutifs de crimes209. Une chose est acquise : à côté des tribunaux de première et de grande instance, le tribunal militaire a lui aussi compétence en la matière. Simplement, son domaine d’intervention est celui de la dissipation ou du détournement des biens et effets militaires, du moins lorsque la valeur des choses concernées est inférieure à cinquante millions de francs et spécialement dans l’hypothèse où l’infraction est imputée à un militaire. A contrario, lorsque cette valeur est supérieure ou égale à cinquante millions de francs CFA, le détournement d’effets militaires sera jugé par le tribunal criminel spécial210.

Deuxièmement, et en droite ligne de ce qui précède, on ne doit jamais occulter que l’activité des juridictions de droit commun précitées, aussi bien que celle du tribunal criminel spécial, n’excluent pas que des initiatives comparables soient développées afin de combattre non seulement les détournements de biens publics, mais aussi la corruption. L’une de celles-ci touche à la prévention. L’une de celles-ci, touche à la prévention. Elle est palpable au travers de l’obligation de déclarer les biens et avoirs dont les contours

                                                        

206Pour s’en convaincre, voir notamment le Recueil des arrêts du tribunal criminel spécial, tome 1, 2, 3, 4, 5, Yaoundé, 2020.

  • Article 184 (2, 3).
  • Dans le même arrêt, la Cour décide encore : « Attendu que si la violation d’une règle de passation d’un marché public ne conduit pas inéluctablement à un détournement, elle devient révélatrice d’une volonté de dissiper les deniers publics du fait de sa grossièreté au regard des compétences techniques du maître d’ouvrage, de sa répétition, de l’inaction de celui-ci face aux manquements du cocontractant dans l’acquittement de ses obligations ;

Qu’en ce cas, un certain nombre de fautes sont établies à l’encontre de l’accusé, notamment l’attribution d’une série de marchés sans recours aux procédures d’appel d’offres et sans autorisation spéciale de l’autorité chargée des marchés publics pour le procédé d’attribution par lui adopté ; l’attribution desdits marchés à des personnes morales non éligibles aux marchés publics ou sans qualification dans le domaine concerné (…) ; le paiement avant service fait ; 

Que ces agissements traduisent la volonté délibérée de l’accusé de dissiper les fonds en cause ;

Que face à la non ou la mauvaise exécution de certains marchés déjà payés, l’accusé s’est abstenu de la destination des sommes détournées ;

Qu’il s’ensuit que le crime de détournement des deniers publics au sens des articles 74 et 184 du Code pénal est caractérisé à l‘égard de l’accusé… »  209 Article 11 nouveau, loi n° 2012/011 du 16 juillet modifiant et complétant les dispositions de la loi n° 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création du tribunal criminel spécial.

210 Article 53-6, Code de justice militaire. Reste à ne pas perdre de vue l’observation déjà été faite d’après laquelle ce chef de compétence du tribunal militaire, mal connu, a toujours existé.

n’ont de cesse d’être polis, mais surtout au travers des actions de la commission nationale anticorruption, du comité de normalisation des comptes publics voire de l’agence de régulation des marchés publics. L’autre initiative touche au contrôle, effectué notamment au moyen d’audits financiers ou lors du jugement des comptes et est visible au travers des actions du conseil de discipline budgétaire et financière, de l’agence nationale d’investigations financières, de la chambre des comptes de la Cour suprême. L’avant dernière des initiatives touche à l’incitation à dénoncer les malversations financières préjudiciables à l’Etat et à ses excroissances, auprès du ministère en charge du contrôle supérieur de l’Etat. Dans le prolongement de dispositif, on découvre encore l’action salutaire des inspections générales créées au sein des départements ministériels, le contrôle politique exercé par le parlement et, enfin, les instruments non institutionnels de la lutte contre les atteintes à la fortune publique que sont les organisations de la société civile. Une chose ne fait pas de doute : c’est que ces initiatives ne sont indispensables ni pour la poursuite ni pour l’instruction ou le jugement des causes ayant un lien avec les atteintes à la fortune publique ou avec les infractions connexes.

Troisièmement, la personne poursuivie devant le tribunal criminel spécial ne devrait pas être étonnée que sa demande de passeport soit rejetée ou que ce document lui soit retiré. L’exigence est notamment formulée dans le décret n° 2021/347 du 17 juin 2021 fixant les conditions d’établissement des passeports. Il est prescrit aux articles 7 et 8, pour ne viser que ceux-ci, que ce titre d’identité servant au déplacement en dehors des frontières nationales pourrait être refusé ou retiré aux camerounais dans les cas suivants : en cas de poursuites judiciaires pour crime ou pour délit, à l’initiative du ministère public ; en cas d’atteinte à la sécurité nationale ; au condamné à une peine non encore exécutée ; au libéré conditionnel, avant l’expiration de sa peine ; au débiteur du trésor public ayant fait l’objet d’une réquisition soit du ministre en charge des finances soit du ministre en charge du travail et de la sécurité sociale. In fine, et c’est une précision importante que l’on retrouve à l’article 9 de ce décret, la décision de refus ou de retrait du passeport, obligatoirement motivée, relève « selon les cas » soit de la compétence du ministre en charge des relations extérieures, soit de celle du délégué général à la sûreté nationale.

Quatrièmement, et d’après la formule très controversée de l’article 18 nouveau[190], « en cas de restitution du corps du délit, le procureur général près le tribunal criminel spécial peut, sur autorisation écrite du ministre chargé de la justice, arrêter les poursuites engagées avant la saisine de la juridiction de jugement ». Lorsque la répétition des fonds distraits n’intervient qu’après la saisine de la juridiction de jugement, la situation n’est pas désespérée. Les poursuites pourront encore être arrêtées avant toute décision au fond, sur autorisation écrite du ministre de la justice. Seulement, la juridiction devra prononcer les déchéances prévues à l’article 30 du Code pénal, avec mention au casier judiciaire[191]. A contrario, et la jurisprudence récente est constante sur ce point, la restitution du corps du délit intervenant après le jugement ne s’oppose guère à l’exécution de la sanction retenue par le tribunal[192]. Sauf à ajouter pour en finir avec le point touchant à la restitution du corps du délit que la restitution n’émane pas que du mis en cause, donc que son représentant légal est parfaitement recevable à s’en charger ; qu’elle peut être en numéraire ou en nature…

Quatrièmement, le tribunal criminel spécial statue en premier et dernier ressort. En des termes simples, cela signifie que l’appel n’est pas envisagé à l’encontre de ses décisions. Est ouvert le pourvoi, soumis à une section spécialisée créée au sein de la Cour suprême. Théoriquement, la section en cause est composée de magistrats issus de la chambre judiciaire, de la chambre administrative et de la chambre des comptes. Les intéressés sont désignés par le premier président qui la dirige, à raison de deux magistrats par chambre. Une telle configuration de la formation de jugement n’est pas sans liens avec celle de la haute cour de justice.

G. La haute cour de justice

Instituée par la constitution, la haute cour de justice est, de toutes les juridictions de droit moderne, l’une de celles dont la composition et la compétence attirent véritablement l’attention du juriste.

1. Composition, organisation

La haute Cour de justice suscite la curiosité parce que la constitution qui la crée est très évasive s’agissant de son organisation et de sa composition. A ce sujet, elle se borne à relever, à l’article 53 qui a survécu aux révisions de la loi fondamentale en janvier 1996 et en avril 2008, que le législateur offrira ultérieurement davantage de précisions sur ce point.

En attendant la réalisation de ce vœu, la personne désireuse d’avoir un aperçu de la juridiction devra consulter la vieille ordonnance n° 72/7 du 26 août 1972 portant organisation de la haute cour de justice vers laquelle l’article 68 de la constitution renvoie même tacitement seulement[193]. Son dépouillement révèle effectivement que celle-ci comprend neuf juges titulaires et six juges suppléants ; une commission d’instruction ; un parquet général ; un greffe[194].

Pour commencer par ce que l’on peut regarder comme le siège, les juges qui y sont rattachés sont élus par l’assemblée nationale au début de chaque législature, dans les vingt jours suivant le début de la première session, au scrutin secret et à la majorité absolue des membres de l’assemblée. Six des juges titulaires et trois des suppléants sont choisis au sein de la représentation parlementaire. Les trois autres juges titulaires et suppléants sont désignés par l’assemblée nationale hors de son sein. C’est assez dire, au bout du compte, que parmi les neuf personnes appelées à former la collégialité, six seront issus de l’assemblée nationale, trois extérieures à cette assemblée. A contrario, trois des suppléants seront tirés des rangs des parlementaires, trois autres des rangs des non parlementaires.

Des précisions supplémentaires sont apportées par l’ordonnance n° 72/7 du 26 août 1972 précitée.

Tout d’abord, elle indique deux choses essentielles s’agissant des juges titulaires et de leurs suppléants choisis en dehors de l’Assemblée nationale216. D’une part, que leurs candidatures sont obligatoirement présentées par l’assemblée ; ce qui exclut les candidatures spontanées provenant de non-parlementaires. D’autre part, que les personnes désignées devraient remplir les conditions requises des gens qui postulent à une fonction publique élective à l’assemblée nationale. Cette dernière règle conduit à ne jamais envisager que l’un des juges soit de nationalité étrangère ou dans une situation d’intelligence ou de dépendance visà-vis d’une personne, d’une organisation ou d’un Etat étranger. Elle conduit à éloigner de la haute cour de justice, en tant que juges, les camerounais n’ayant pas encore vingt-trois ans révolus ; ceux qui ne savent ni lire ni écrire le français ou l’anglais. Elle invite à en écarter ceux qui ont été condamnés pour crime, même par défaut ; les personnels des services concourant à la défense et à la sécurité du territoire, notamment de la police, ainsi que les militaires et assimilés des forces armées ; ceux à l’encontre desquels a été retenue une peine privative de liberté non assortie de sursis avec probation « supérieure » ; les faillis non réhabilités ; les aliénés mentaux et les faibles d’esprit…[195]

Ensuite, elle mentionne que chacun des juges de la haute cour doit prêter serment devant le parlement dans les dix jours de l’élection. A l’occasion de cet exercice assez révélateur du profil escompté de ceuxci, la promesse est exprimée de bien et fidèlement remplir ses fonctions, « de garder religieusement le secret des délibérations et des votes », de « se conduire en tout comme un digne et loyal magistrat ».

Elle signale encore que dans le délai de dix jours après l’élection des juges, il doit être procédé, par la haute cour de justice elle-même, à la désignation de son président et de son vice-président. Seuls sont portés à ces fonctions les juges titulaires issus de l’assemblée nationale. Le scrutin a lieu à la majorité absolue des membres de la juridiction[196].

Elle souligne également que les « magistrats » ont le loisir de démissionner. Une chose est acquise, c’est que le membre titulaire ou suppléant issu des rangs de l’assemblée nationale qui cesse d’appartenir à celleci quitte nécessairement ses fonctions en tant que membre de la haute cour de justice[197]. Il ne fait pas non plus de doute que la qualité de magistrat près la cour est incompatible avec celle de membre du gouvernement[198] ; que les membres de la juridiction sont tenus de prendre part aux audiences. Dans l’hypothèse d’absences non justifiées par des motifs graves, les juges sont déclarés démissionnaires par la haute juridiction elle-même, et leur remplacement organisé[199]. En ces circonstances, l’article 31 de l’ordonnance décide du recours au suppléant, tiré au sort dans la catégorie à laquelle appartient le juge empêché.

Elle signale enfin, s’agissant du processus décisionnel proprement dit, que la juridiction délibère en collège et que le vote est secret ; que la majorité requise est celle de six voix au moins des neuf juges titulaires formant le collège ; que les bulletins blancs et les bulletins nuls sont comptés comme favorables à l’accusé[200]. Toujours à ce propos, elle retient, s’agissant non plus de la décision sur la culpabilité, mais davantage de la sanction à appliquer, qu’il est voté « sans désemparer » sur la peine qui frappe l’accusé déclaré coupable…[201].

Venant à la composition de la commission d’instruction, elle est déclinée à l’article 4 de l’ordonnance du 26 août 1972 précitée. On y retrouve un président et deux magistrats professionnels. En tant que de besoin, ces derniers sont assistés d’un ou de différents magistrats des juridictions de droit commun qui reçoivent délégation pour instruire telle ou telle affaire ou procéder à telle ou telle commission rogatoire[202]. En tout état de cause, le président de la commission est élu en son sein par l’assemblée nationale, dans les mêmes formes et délais que les autres membres de la Cour y proviennent du parlement. De même, les deux magistrats détachés à la commission d’instruction sont issus des rangs de la Cour suprême et désignés par la haute juridiction chaque année, en assemblée générale, hors la présence des membres du parquet. La procédure est la même s’agissant du choix des magistrats appelés à œuvrer par à-coup au profit de la commission d’instruction.

Quant au ministère public près la haute cour de justice, il est assumé par le procureur général près la Cour suprême. Ce dernier est assisté de l’avocat général près ladite juridiction et, le cas échéant, d’un avocat général près une Cour d’appel.

Le greffier en chef de la Cour suprême est de droit greffier de la haute Cour de justice. Avant d’entrer en fonction, celui-ci prête serment, en cette qualité, devant cette dernière.

Enfin, et pour en finir avec les précisions de l’ordonnance n° 72/7 du 26 août 1972 se rapportant à l’organisation de la haute cour de justice, les crédits indispensables à son fonctionnement proviennent du budget de l’assemblée nationale ; les fonctions de président, de juge, de membre de la commission d’instruction ou du ministère public sont gratuites. Seuls peuvent être remboursés les frais exposés dans l’exercice des missions confiées à la juridiction225.

On le devine, la pertinence de ces clarifications fournies par l’ordonnance du 26 août 1972 ne s’oppose guère à ce que des zones d’ombres persistent. Pour ne citer que les plus perceptibles, on peut légitimement se préoccuper de savoir quelle chambre du parlement a de nos jours la charge d’exercer les attributions relatives à l’organisation ou à la composition de la haute cour qui, hier, relevaient de la compétence de l’assemblée nationale…

Cette préoccupation n’est pas la seule. On peut également s’interroger sur le point de savoir si les magistrats de la commission d’instruction provenant de la Cour suprême doivent obligatoirement être des magistrats de carrière ou ceux-ci peuvent être des magistrats en service extraordinaire ; sur quelles bases devraient éventuellement être désignés ces magistrats des juridictions de droit commun susceptibles de prêter main-forte aux membres de ladite commission. La question peut même encore être posée de savoir si l’ensemble du greffe de la Cour suprême est affecté à la haute cour de justice ou si seul le greffier en chef devrait y servir.

Bien que cela ne soit pas sûr, quelques éléments de réponse à ces préoccupations cardinales peuvent être identifiés dans la loi n° 2014 du 8 juillet 2014 fixant les procédures de fonctionnement des commissions d’enquête parlementaires. On songe notamment à l’article 14 où il est mentionné que la résolution de la commission d’enquête parlementaire peut conclure au renvoi d’une personnalité devant la haute cour de justice lorsque cette personnalité ou les faits de la cause ressortissent de la compétence de la haute juridiction[203]. On songe notamment à l’article 2 où il est mentionné que les commissions d’enquête parlementaires sont créées dans l’une ou l’autre chambre, par une résolution prise à la majorité absolue des députés ou des sénateurs, selon le cas. La résolution évoquée détermine avec rigueur, y peut-on lire, les évènements à l’origine des investigations à mener. Elle indique l’identité des membres de la commission d’enquête dont le nombre ne saurait être supérieur à celui des parlementaires composant une commission générale au sein soit de l’assemblée nationale, soit du sénat[204]. Même sans être juriste, chacun peut prendre la mesure du lien entre ces éléments et l’exercice par la haute cour des missions qui sont les siennes.

2. Attributions

La création de la haute cour de justice a répondu au besoin de juger certains hauts dirigeants politiques ou administratifs de l’Etat pour les infractions graves dont ceux-ci sont susceptibles de se rendre coupables dans le cours de l’exécution des missions qui sont les leurs.

C’est donc sans surprise que l’article 53 de la constitution affirme que la haute Cour de justice est compétente pour se prononcer sur les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions par le président de la République en cas de haute trahison. Celle-ci est entendue comme un crime ou un délit contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat telle que définie dans le Code pénal.

C’est sans surprise aussi que le même article révèle que la juridiction se prononce sur les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par le premier ministre, les autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l’administration ayant reçu délégation de pouvoirs en application des articles 10 et 12 de la constitution, en cas de complot contre la sûreté de l’Etat.

Cela réservé, deux détails précieux sont à relever d’emblée.

Premièrement, dans l’hypothèse de la haute trahison, qui théoriquement ne concerne que le président de la République, l’initiative des poursuites appartient au procureur général près la Cour suprême. Au fond, celui-ci est saisi par une résolution de l’assemblée nationale prise à l’issue d’un vote…

Deuxièmement, dans l’hypothèse du complot contre la sûreté de l’Etat qui, elle, ne concerne que les membres du gouvernement, les poursuites sont exercées par le procureur général près la Cour suprême. A en croire les orientations développées sous l’article 18 de l’ordonnance n° 72/7 du 26 août 1972 précitée, cette autorité est saisie non plus par une accusation du président de l’assemblée nationale ou du sénat, mais par le président de la République. Le décret de saisine du chef de l’Etat contient impérativement les noms des accusés, recense les faits qu’on leur reproche et les dispositions de la loi pénale susceptibles de s’appliquer228.

D’autres mises au point s’imposent à propos des attributions de cette juridiction.

La première clarification est relative au déclenchement de la procédure susceptible d’aboutir à une condamnation pour haute trahison. L’ordonnance du 26 août 1972 portant organisation de la haute cour de justice retenait que la mise en cause du président de la République suppose un vote secret, obtenu à la majorité absolue des membres de l’assemblée nationale. Cette majorité n’a pas résisté aux modifications constitutionnelles qui ont eu cours au Cameroun ces dernières années. A ce jour, l’article 53 (2) retient la thèse « d’un vote identique au scrutin public et à la majorité des quatre cinquièmes » des membres du parlement.

La deuxième mise au point est suggérée par les termes de l’article 15 de l’ordonnance n° 72/7 du 26 août 1972 portant organisation de la haute juridiction. Afin d’éviter à quelques-uns la posture de « juge et partie », il est décidé que les membres de la haute cour de justice issus du parlement ne prennent part ni aux débats ni au vote portant sur la mise en accusation du président de la République. C’est assez dire que l’exigence s’applique non seulement aux juges titulaires et suppléants, mais également au président de la commission d’instruction.

La troisième mise au point touche les débats à la haute cour de justice. A ce propos, l’article 32 de l’ordonnance du 26 août 1972 insiste sur le fait que ceux-ci doivent être publics. Ce n’est donc qu’exceptionnellement que le choix pourrait être retenu d’organiser un huis-clos. Malheureusement, aucune orientation n’est livrée à propos de l’appréciation des circonstances d’exception susceptibles de fausser l’exigence matricielle de publicité des débats. On sait seulement, au bout du compte, que le président de la juridiction est obligé de lire, en audience publique, l’arrêt rendu229.

La quatrième mise au point touche aux personnes appelées à comparaître devant la haute cour et à être jugées par elles. Il est constant que les justiciables favoris de celle-ci sont le président de la République, le

                                                        

l’adoption de la résolution qui la créée. Lorsque l’objet de l’enquête a un lien avec les finances publiques, cette durée est ramenée à six mois, même si cette durée est « renouvelable en tant que de besoin ».

228 L’exigence semble troublée par la lecture combinée des articles 13 (1) et 14 (2) de la loi n° 2014 du 8 juillet 2014 fixant les procédures de fonctionnement des commissions d’enquête parlementaires. L’un, le premier, est ainsi libellé : « L’enquête est clôturée par l’adoption, à la majorité absolue des membres de la commission d’enquête parlementaire, d’un rapport signé du président et du rapporteur, et qui est déposé sur bureau de la chambre concernée au plus tard dans les cinq jours qui suivent la date des délais prescrits par la commission ».

L’autre, le second, est rédigé de la manière suivante : « (…) Elle conclut, selon le cas à : 

  • La transmission des procès-verbaux des enquêtes aux administrations chargées de la justice pour suite à donner ;
  • La demande de renvoi d’une personnalité devant la haute cour de justice, lorsque cette personnalité ou les faits de la cause ressortissent à la compétence de cette haute juridiction ;
  • La saisie du gouvernement pour l’inviter à provoquer toute mesure politique, règlementaire ou administrative compte tenu des conclusions de la commission d’enquête parlementaire… » 229 Article 35, alinéa 4.

premier ministre, les membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l’administration ayant reçu délégation des pouvoirs. Précisément, cette dernière catégorie ne manquera pas un jour d’être au cœur de querelles graves. C’est qu’elle n’est évoquée sous l’article 53 (1) que lorsqu’il est question du complot contre la sûreté de l’Etat. Du coup, quelques-uns en inféreront que seules sont ciblées les personnes ayant obtenu une délégation de pouvoirs du premier ministre ou des membres du gouvernement et assimilés ; ce qui signifie indirectement que l’on devrait en exclure les bénéficiaires d’une délégation de pouvoirs provenant du président de la République.

D’autre part et dans le prolongement de ce débat, quelques-uns contesteront l’opportunité de déférer telle ou telle autorité devant la haute cour de justice en tirant profit du flottement que charrient les hypothèses où le président de la République procède à une délégation de ses attributions. Pour cerner les enjeux de ce débat somme toute classique, il importe de se souvenir des prévisions de l’article 10 de la constitution. Tandis que le deuxième paragraphe de celui-ci révèle que le chef de l’Etat « (…) peut déléguer certains de ses pouvoirs au premier ministre, aux autres membres du gouvernement et à certains hauts responsables de l’administration de l’Etat, dans le cadre de leurs attributions respectives » ; son troisième paragraphe décide qu’« en cas d’empêchement temporaire, le président de la République charge le premier ministre ou, en cas d’empêchement de celui-ci, un autre membre du gouvernement d’assurer certaines de ses fonctions, dans le cas d’une délégation expresse ».

La cinquième mise au point est suggérée par l’énoncé de l’article 53 (3) de la constitution qui dispose que les actes accomplis par le président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10 sont couverts par l’immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l’issue de son mandat. Dans le détail, les agissements en cause sont notamment relatifs à la définition de la politique de la nation, au respect de la constitution, au fonctionnement régulier des pouvoirs publics, à l’indépendance nationale, à l’intégrité du territoire, au respect des accords et des traités internationaux

A l’analyse, la longueur de cette liste d’actes bénéficiant de la protection immunitaire suggère de se demander si la haute trahison n’est pas, finalement, vidée de sa substance. La question taraude car la procédure de la mise en accusation retenue est lourde et complexe. Elle fait parfois penser que ce dispositif normatif traduit une volonté déguisée de mettre le président de la République à l’abri de toute responsabilité sans être en porte à faux avec les tendances actuelles de l’ordre juridique international[205]. Radicaux, certains ont conclu à l’impossible justiciabilité du président de la République. L’observation n’est pas saugrenue dans un contexte marqué par une tradition présidentialiste forte et où les actes exclus de la compétence de la haute cour de justice s’agissant du chef de l’Etat ne sont pas non plus déférés devant les juridictions supérieures.

Paragraphe 2. Les juridictions saisies sur recours

Au plan national, les juridictions de l’ordre judiciaire auxquelles on s’adresse à la suite d’une première saisine sont essentiellement au nombre de deux : la Cour d’appel d’une part, la Cour suprême d’autre part.

A. La Cour d’appel

La Cour d’appel a un ressort, une composition et une organisation d’une part ; des attributions d’autre part.

1. Ressort, composition, organisation

La loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire modifiée et complétée par la loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011 prévoit que la Cour d’appel est créée à l’échelle de la région, qu’elle siège au chef-lieu de la métropole régionale. Toutefois, dans l’hypothèse plutôt marginale où le volume des affaires ici serait peu important, il est envisagé que le ressort de la juridiction soit, grâce à un décret du président de la République, étendu à différentes régions. En des termes simples, cela revient à dire que le maillage territorial de la cour d’appel pourrait ne pas correspondre aux contours de la carte administrative ; que l’on ne devrait pas exclure, l’un de ces jours, que le pays compte un nombre de cours d’appel inférieur à celui des régions[206].

La composition de la cour est la suivante :

Au siège se trouvent un président, un ou plusieurs vice-présidents, un ou des conseillers, un greffier en chef, des greffiers ;

Au parquet se trouvent un procureur général, un ou des avocats généraux, un ou plusieurs substituts du procureur général, un ou différents attachés. Tandis que les avocats généraux interviennent lors des audiences en prenant la parole au nom du ministère public, les substituts généraux ont des activités davantage administratives consistant à assurer le service intérieur du parquet…

La cour est organisée autour de deux formations, à savoir les chambres et l’assemblée générale.

Les chambres rassemblent les magistrats du siège. Ceux-ci y sont affectés par une ordonnance du président de cette juridiction qui, du reste, peut rattacher un magistrat à différentes chambres ou décider de regrouper plusieurs d’entre elles. A en croire l’article 20 nouveau de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006, c’est d’ailleurs à lui que revient la charge de nommer parmi les vice-présidents, au début de chaque année judiciaire et pour cette fourchette de temps, les présidents des chambres.

Pour en revenir aux chambres elles-mêmes, il est prévu, au gré des besoins du service, une ou plusieurs chambres des référés ; une ou différentes chambres du contentieux de l’exécution ; une ou des chambres civiles ; une ou plusieurs chambres commerciales ; une ou plusieurs chambres sociales ; une ou plusieurs chambres criminelles ; une ou plusieurs chambres de droit traditionnel ; une ou plusieurs chambres correctionnelles et de simple police ; une ou différentes chambres de contrôle de l’instruction232.

Quant à l’assemblée générale, elle est dirigée par le président de la Cour d’appel. On y retrouve l’ensemble des magistrats en poste près la juridiction et, avec eux, le greffier en chef. Ses compétences sont tantôt consultatives, tantôt juridictionnelles. Lorsque la formation exerce ses attributions consultatives, les magistrats du parquet participent à la délibération et au vote. A l’inverse, lorsqu’elle intervient dans le contexte de ses missions juridictionnelles, certes les délibérations supposent préalablement les réquisitions du parquet général. Toutefois, les magistrats du ministère public ne prennent part ni à la délibération ni au vote233.

On remarquera, non sans s’en émouvoir, que le greffe n’apparaît pas au tableau des organes de la Cour. Ici comme ailleurs, son unité ne semble pas avoir préoccupé les concepteurs de la loi d’organisation judiciaire. Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir que la juridiction se structure autour d’un siège, d’un parquet, d’une  assemblée générale, de chambres. En droite ligne de cette orientation, les fonctionnaires des greffes sont éparpillés. Seule la référence au greffier en chef et aux greffiers offre l’occasion, artificiellement, de considérer que le greffe pourrait être l’un des noyaux durs de la juridiction.

Il n’est pas sûr que cette organisation corresponde à ce qui s’observe sur le terrain…

On remarquera, non sans s’en émouvoir, que les présidents de chambre ne devraient jamais être  désignés que parmi les vice-présidents, par le président. La difficulté que suscite l’exigence tire sa source de ce que le soin revient au président de la République de choisir, discrétionnairement, le nombre de viceprésidents que comportera telle ou telle juridiction d’appel. En y songeant, diverses préoccupations majeures se profilent à l’horizon.

L’une des préoccupations est en lien avec l’indépendance des vice-présidents. Les raisons de s’inquiéter ne manquent pas. Il est primordial, afin d’en cerner les contours, de commencer par se rapprocher des cours d’appel pour réaliser que le siège est parfois insuffisamment approvisionné en ressources humaines. Il importe, ensuite, de ne pas perdre de vue que la qualité de président de chambre confère des privilèges, notamment sur le terrain financier, sur celui du protocole, de la préséance, des honneurs. A cela s’ajoute que le mandat des présidents de chambre est de courte durée et calqué sur l’année judiciaire, donc au fond que celui-ci est renouvelé périodiquement…

L’autre préoccupation est en lien avec la continuité du service public de la justice lorsque le président de chambre, désigné par le président de la cour, est empêché ou ne peut pas prendre part à l’audience. La loi n’y apporte pas réponse. Dès lors, une première piste de solution consiste, en se souvenant de l’exigence dite du « parallélisme des formes », à considérer que le soin revient à Monsieur le président de la cour, en cette occurrence, de procéder à la désignation d’un nouveau président de chambre, même intérimaire. Une autre option est celle consistant à estimer que le soin revient au président de la chambre concernée de déléguer ses pouvoirs à tel ou à tel conseiller. Enfin, en se référant à la solution préconisée au niveau des chambres de la Cour suprême, on peut soutenir que le président de chambre empêché est suppléé par le conseiller le plus ancien dans le grade le plus élevé rattaché à ladite chambre234.

S’agissant toujours de l’organisation de la juridiction d’appel, on remarquera également que toute affaire relevant du champ d’intervention de celle-ci est tranchée par un collège composé de trois magistrats,

                                                         

pouvoirs que la règle crée incidemment. Tandis que la région a à sa tête des détenteurs précis du pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire est susceptible, sur différentes régions, d’être concentré alors même que la démographie demeure stable.     232 Article 20 (1) b) nouveau, loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006.

  • Article 6 (2), loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême.

membres de la cour. Le principe est d’ailleurs clairement assis d’après lequel les personnes appartenant à la collégialité ont voix délibérative ; puis, surtout, qu’aucun membre de la juridiction ne devrait avoir connu de l’affaire en instance[207].

A propos de la composition de la formation de jugement de la cour, le Code de procédure pénale est d’avantage pointilleux. Il pose, avec force, que les votes ont lieu à la majorité des voix et qu’aucun membre du collège ne doit s’abstenir d’exprimer son opinion[208].

L’exigence a été rappelée il y a peu de temps, par un arrêt de la Cour suprême en date du 20 octobre 2016, que l’on ne peut pas sans violer les dispositions des articles 21 et 28 alinéa 2 de la loi du 29 décembre portant organisation judiciaire, admettre qu’un magistrat du siège soit seul membre de la Chambre de contrôle de l’instruction. Dans l’affaire évoquée, la Cour prend position en des termes dont l’écho traversera le temps. A propos du moyen tiré de la violation des articles 21 et 28 (2) de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, elle juge : « Attendu que ce moyen est fondé ; qu’en effet, il ressort des qualités de l’arrêt querellé que cette décision a été rendue par Monsieur Elombat Basile, Vice-président de la Cour d’appel du Nord, président, en présence de Monsieur Moghom Kamwa Jean Paul, avocat général près la Cour d’appel, occupant le banc du ministère public, avec l’assistance de Maître Nkombo Adeline ;

Qu’il résulte que ladite composition est en violation des exigences des articles visés au moyen qui prescrivent une composition collégiale (3) du siège ;

D’où il suit que l’arrêt encourt cassation totale, sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen de cassation… » (CS, arrêt n° 161/P, 20 oct. 2016, Moussa Yaya Fodoué c. Ministère public et Abdoulaye Djoauro Baba, Juridis Périodique n° 114, avril-mai 2018, pp. 63 et s., note TCHOUAMBIA TOMTOM L.J.B. et TCHABO SONTANG H.M.). 

On remarquera aussi que dans l’hypothèse où la cour est appelée à examiner les appels interjetés contre les jugements de tribunaux militaires ou les demandes de mise en liberté subséquentes à ceux-ci, la loi prescrit qu’un magistrat militaire doit être désigné pour occuper le banc du ministère public, donc pour représenter celui-ci à l’audience. Parallèlement, l’un des trois juges civils appelés à statuer en collégialité devra forcément être remplacé par un magistrat militaire ou, à défaut, un officier des forces armées[209]. Dans la dernière hypothèse, celle où le magistrat civil est remplacé par un officier des forces de défense, le nouveau venu est astreint à un serment devant la cour [210]

On remarquera, à la faveur de l’entrée en vigueur de la loi n° 2017/014 du 12 juillet 2017 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême, que la configuration actuelle des chambres ne résistera pas au temps. En effet, la loi concernée institue, au sein de la chambre judiciaire, une section dite de Common law. A titre principal, cette formation a la mission de connaître, dans les disciplines rattachées à la tradition juridique anglo-saxonne, des pourvois formés contre les décisions prononcées en premier et dernier ressort par les tribunaux et contre les arrêts rendus par les cours d’appel. Assez curieusement, le constat apparaît vite que cette section nouvellement créée n’a pas, en l’état actuel du droit processuel, de correspondant à l’échelle de la Cour d’appel. Dès cet instant, il n’est pas exagéré de se demander si la logique ne commandait pas de disposer, au niveau des juridictions du second degré, d’une chambre de Common law dont les décisions seraient de celles que l’on conteste devant la Cour suprême…

On remarquera, à la faveur de l’essor des modes alternatifs de règlement des différends, que l’organisation de la Cour d’appel gagne à être remaniée. Effectivement, le développement de l’arbitrage et de la médiation, pour ne viser que ceux-ci, notamment sous les auspices de l’OHADA, suggère a minima la mise en place d’une chambre qui y soit entièrement dédiée. Quelques-uns pourraient même estimer, à juste titre, que la mutation est inévitable. A l’appui de cette position tranchée, ils évoqueront le fait que les actes uniformes envisagent dorénavant la saisine de la Cour commune de justice et d’arbitrage lorsque le juge national n’exerce pas les fonctions qui sont les siennes dans une fourchette de temps plutôt courte. C’est dire, en cette matière, que l’immobilisme de la juridiction étatique provoque comme un transfert de compétence au préjudice de celle-ci.

On ne perdra pas de vue que, statuant en matière de délinquance juvénile, la juridiction d’appel a une composition inédite. A la présidence se trouve un magistrat du siège. Aux côtés de celui-ci siègent deux assesseurs, lesquels sont des camerounais de l’un ou de l’autre sexe, âgés de trente ans au minimum, réputés pour leur attachement aux préoccupations liées à l’enfance ou pour leur expertise dans ce domaine. Ces assesseurs sont désignés, pour une durée de deux ans, par décision conjointe du ministre chargé de la justice et de son homologue chargé des affaires sociales. La formation de jugement de la cour, siégeant en matière juvénile, est utilement complétée par un représentant du ministère public, puis par un greffier[211]. C’est assez dire que le président ne siège seul que lorsque, dûment convoqués, les assesseurs ne se sont pas présentés à l’audience. Ainsi que le requiert le Code de procédure pénale, la carence doit alors être constatée et mention doit en être faite dans l’arrêt rendu[212].

On remarquera encore qu’une controverse existe sur la composition de la Cour d’appel en matière sociale. Le malentendu a ses racines dans l’écriture de l’article 133 (1) du Code du travail. Celui-ci incline spontanément à penser que ce qui y est consigné s’agissant de la composition des juridictions chargées de trancher les différends individuels de travail ne touche que « les tribunaux ». A rebours, cela signifie que les cours, et singulièrement la juridiction d’appel, ne sont pas en cause s’agissant des exigences qui y sont exprimées. Malheureusement, l’incertitude n’a guère été levée sous les prévisions des articles 154 et suivants de ce code réservées aux voies de recours contre les décisions de justice rendues en matière sociale soit par le tribunal de première instance, soit par le tribunal de grande instance. La loi portant organisation judiciaire récemment toilettée, elle-même, est restée imprécise à ce niveau lorsqu’elle se contente d’énoncer que « toute affaire relevant de la Cour d’appel est jugée par trois magistrats du siège » qui en sont membres. Ainsi qu’on pouvait s’y attendre, la Cour suprême a dû intervenir. A maintes reprises, elle a estimé, notamment sur le fondement du principe général qui voudrait que le spécial déroge au général, que la juridiction d’appel siège en présence d’un magistrat qui la préside, d’un assesseur ayant la qualité d’employeur et d’un assesseur, appartenant à la catégorie des salariés[213]. A contrario, cela signifie qu’elle exclut que la juridiction soit composée de plus d’un magistrat, par exemple qu’elle comprenne deux magistrats et un assesseur ou qu’elle rassemble trois magistrats et deux assesseurs comme ce fut le cas s’agissant d’une Cour d’appel du « septentrion ». On ne devrait pas non plus accepter spontanément qu’elle statue en présence du juge, d’un assesseur quelconque et d’un greffier ; qu’une décision soit prononcée par le président de la chambre sociale avec à ses côtés deux greffiers, etc. Au-delà, les décisions de justice ne devraient pas se contenter de révéler l’identité des personnes qui en ont été membres. Elles doivent aller plus loin et renseigner non seulement à propos de la qualité de magistrat du président, mais aussi au sujet de la catégorie sociale de rattachement des assesseurs. Toute omission les prive fatalement de régularité et les expose à un pourvoi sous le prétexte du vice de forme.  

Ces préoccupations se rapportant à la chambre sociale se renouvellent en des termes quasi identiques au niveau de la chambre de droit traditionnel. Effectivement, on ne s’accorde pas, de bout en bout, sur la question de savoir si celle-ci doit ou non être complétée par des assesseurs ayant un aperçu des coutumes des protagonistes. Sur cette controverse qui s’intensifie avec le temps, depuis 1969, la Cour suprême s’est exprimée, à maintes reprises, sans malheureusement être entendue, encore moins écoutée.

Dans un arrêt du 13 février 1974, elle a pu résoudre : « Attendu que sous l’empire de l’ordonnance n° 59-86 du 17 décembre 1959, la jurisprudence (…) concernant l’assessorat estimait constamment que la Cour d’appel était constituée conformément aux dispositions de l’article 33 précité qui ne prévoit pas la nécessité d’un assesseur de la coutume des parties comme pour la constitution des tribunaux du premier degré ou coutumiers ; (…) qu’il résulte de cette jurisprudence que la représentation de la coutume des parties, indispensable devant les tribunaux du premier degré ne revêt pas le même degré d’intérêt devant la Cour d’appel composée de magistrats de carrière plus expérimentés que les juges coutumiers des différentes localités du ressort, d’autant que les assesseurs sont tout simplement consultés par le président ; qu’au surplus, en pratique, eu égard à la multitude et à la diversité des coutumes, il est impossible de satisfaire aux exigences de l’article 10 alinéa 2 (c) en réunissant chaque semaine, au chef -lieu de la province qui correspond au ressort de la Cour d’appel, laquelle comprend parfois deux provinces, des assesseurs de la coutume de chacune des parties, chaque litige soumis à la décision de la juridiction exigeant généralement l’application de règles coutumières différentes » (CS, arrêt n° 58, 13 fév. 1974, Procureur général près la Cour d’appel de Yaoundé c. Bilo’o Elé Moïse, Répertoire chronologique de la jurisprudence, Droit traditionnel, tome 2, 1960-1980, pp. 52 et s.).

Dans un dernier arrêt en date du 27 juin 1974, la haute juridiction s’est gardée de se désunir. Elle a posé qu’ « (…) il résulte d’une jurisprudence récente de la cour de céans qu’en faisant application de l’article 21 alinéa 1er susvisé, le texte postérieur au décret n° 69-DF-544 du 19 décembre 1969 organisant les juridictions traditionnelles, une Cour d’appel ne viole pas l’article 26 de l’ordonnance du 26 août 1972 et par suite, l’article 10 alinéa 2- c du décret du 19 décembre 1969 relatif aux assesseurs dont la participation aux débats, aux termes d’une jurisprudence confirmée, est surtout obligatoire devant les tribunaux du premier degré ou les tribunaux coutumiers qui siègent au niveau des localités traditionnelles et sont présidées par de jeunes magistrats ou de simples notables ou des fonctionnaires de l’ordre administratif » (CS, arrêt n° 129, 27 juin 1974, Zanga Enam Samuel c. Zanga née Edoa Alice, Répertoire chronologique de la jurisprudence, Droit traditionnel, pp. 53 et s.).

Il n’est pas excessif de conclure que les exigences formulées dans ces arrêts auront un impact sur la fonction de juger au niveau de la chambre correspondante à la Cour d’appel.

2. Attributions

Autrefois, c’est-à-dire sous l’empire de la mouture initiale de la loi d’organisation judiciaire du 29 décembre 2006, aucune distinction n’était ouvertement opérée entre les attributions de la Cour d’appel et celles de son président. A la faveur du toilettage de ce texte en 2011, la faiblesse a été corrigée. Du coup, l’examen des attributions de la cour invite forcément à dissocier celles-ci de celles de son président. a. Attributions de la cour proprement dite

La Cour d’appel a des attributions tantôt juridictionnelles, tantôt consultatives.

Les missions juridictionnelles sont énumérées à l’article 22 (nouveau) de la loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.

Primo, il s’y trouve écrit que la juridiction connaît des appels interjetés à l’encontre des décisions rendues par des juridictions autres que la Cour suprême et la Cour d’appel elle-même ». Au fond, sont ici visées les contestations en direction des décisions des juridictions du premier degré, singulièrement du tribunal du premier degré, des customary courts, des alkali courts, du tribunal coutumier, du tribunal de première instance, du tribunal de grande instance, du tribunal militaire en temps de paix. Sont également visées les contestations dirigées contre les ordonnances des juridictions présidentielles du même niveau…

Secundo, il s’y trouve écrit que la juridiction se prononce sur les appels formés contre les ordonnances du juge d’instruction. Sont ici visées les contestations relatives aux actes d’instruction, et particulièrement aux mesures portant atteinte aux droits des personnes inculpées. On songe à ceux qui touchent à la noninformation au sujet des faits qui leur sont reprochés, à l’absence d’information sur la possibilité de s’abstenir de déclarations sur-le-champ, à la possibilité de se défendre seul ou de se faire assister d’un ou de plusieurs conseils, à l’organisation de perquisitions, de saisies ou de visites domiciliaires entre dix-huit heures du soir et six heures du matin. A ces contestations s’ajoutent celles que suscitent généralement les demandes d’expertise ou de contre-expertise, mais surtout celles que provoquent les mesures de surveillance judiciaire, notamment l’interdiction de ne pas quitter les limites d’un espace géographique, de s’abstenir de recevoir telle personne ou de communiquer avec elle, de se soumettre à des examens, des traitements ou des soins, de ne pas se rendre à certains lieux.  Ainsi que le disposent les articles 253, 254, 267 et suivants du Code de procédure pénale, pour ne viser que ceux-ci, si l’un des justiciables estime que ces mesures sont entachées de nullité ou qu’elles font grief à ses intérêts ou à une bonne administration de la justice, il est recevable à l’attaquer, devant la chambre de contrôle de l’instruction[214].

Tertio, il s’y trouve écrit que la juridiction connaît « de tout autre cas prévu par la loi ».  

Les missions consultatives n’ont malheureusement pas été détaillées. On sait seulement, aux termes de l’article 20 (2) g de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006, qu’elles se trouvent dans les matières que d’autres textes prévoiront. Qu’à cela ne tienne, la certitude est acquise que ce chef de compétence intègre les avis que l’assemblée générale émet au sujet des questions relatives au fonctionnement de la Cour d’appel, préoccupations qui lui sont déférées par le président de cette juridiction, le procureur général, le tiers des membres de la cour. Ainsi que cela a déjà été relevé, la juridiction comprend alors l’ensemble des magistrats en poste ici auxquels s’ajoute le greffier en chef, à l’exclusion des tiers.

En tout état de cause, le citoyen gagne à avoir présent à l’esprit :

  • Que la saisine de la Cour d’appel est la traduction concrète du principe du double degré de juridiction et, par ricochet, le reflet de l’exigence de l’immutabilité du litige. A celui-ci sont reconnus divers mérites ayant un lien l’indépendance et l’impartialité de la justice, le procès équitable. Paradoxalement, des griefs lui sont parfois imputés. Au nombre des mérites sont généralement présentées la garantie d’une bonne justice, l’unification ou à tout le moins l’harmonisation de l’interprétation de la loi et des solutions jurisprudentielles. Au titre des reproches apparait l’argument se rapportant à l’aggravation du coût de la justice, celui se rapportant au ralentissement du déroulement et du dénouement du litige, celui en lien avec le risque de sanctions plus lourdes que celles retenues par les juridictions de première saisine ;
  • Qu’on a du mal à dire avec rigueur si le contentieux issu des relations professionnelles entre l’Etat et ses personnels temporaires devra échoir à la Cour d’appel. C’est que la loi n° 2008/013 du 29 décembre 2008 relative au règlement de ce contentieux se borne à déclarer que celui-ci est tranché, de plein droit, par le ministre en charge de la fonction publique. Du coup, et s’agissant des voies de recours s’ouvrant au justiciable insatisfait, on peut légitimement hésiter entre la solution d’un recours devant la chambre sociale de la Cour d’appel et celle d’un recours devant la chambre administrative de la Cour suprême. A supposer qu’un choix doive urgemment être opéré, il semble davantage réaliste d’envisager la voie de la saisine de la juridiction administrative, ne serait-ce que parce que la décision du ministre en charge de la fonction publique appartient à la catégorie des actes administratifs ;
  • Que l’article 22 nouveau (2) de la loi du 29 décembre 2006 précitée retient que les chambres de la cour n’examinent que les décisions rendues par les chambres correspondantes du tribunal de première instance et du tribunal de grande instance. Indirectement, cela signifie théoriquement que la chambre commerciale ne saurait, en appel, se prononcer sur un jugement émanant de la chambre civile d’une juridiction de première saisine ; que les chambres civiles n’ont pas à revenir sur des litiges qui, en instance, avaient été tranchés par les juridictions de droit traditionnel ; que la chambre criminelle n’a pas à réexaminer une cause réglée en instance par la chambre correctionnelle ou de simple police.

Bien inspirée, la rigueur de l’exigence esquissée par le législateur et tacitement rappelée par le juge ne doit pas faire oublier que celle-ci pourrait être infléchie dans l’hypothèse toujours à envisager du regroupement des chambres d’une Cour d’appel ou de celles des tribunaux de première ou de grande instance du ressort de celle-ci. La fermeté de l’exigence est également à nuancer lorsqu’est en cause la chambre de contrôle de l’instruction qui, on ne le sait que trop, se découvre devant la juridiction d’appel. Dans une telle configuration, et très logiquement, il n’est pas superflu de regretter que l’une des chambres des juridictions d’appel ne soit pas l’auteur des décisions que le justiciable a le droit de remettre en cause devant la chambre judiciaire de la Cour suprême statuant en matière de Common law[215] ;

  • Que toutes les décisions provenant des juridictions de premier degré ne sont pas susceptibles d’appel. Au fond, seules sont véritablement concernées par cette voie de droit les décisions prises en premier ressort et ayant même partiellement seulement le bénéfice de l’autorité de ce qui a été jugé. A rebours, cela signifie qu’en sont exclues celles rendues en premier et dernier ressort[216]. A cette catégorie viennent se greffer les décisions « de donner acte » où le juge se contente généralement de prendre acte d’un accord, d’une proposition, d’un dire d’une réserve. A elles se greffent encore les décisions avant-dire droit ordonnant des mesures d’instruction ou prescrivant des mesures d’administration judiciaire, lesquelles ne devraient théoriquement essuyer un appel que conjointement avec celles statuant sur le fond de la cause[217] ;

La liste des décisions à l’abri de l’appel n’est pas close. Elle intègre un nombre non négligeable de décisions de justice prononcées à la lumière des prévisions de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif[218]. Elle intègre les condamnations en rapport avec les délits d’audience perpétrés devant les juridictions du second degré, lesquels d’après l’article 215 du Code de procédure civile et commerciale sont « jugés sans appel ». Elle intègre également les infractions en lien avec la fortune publique lorsque ces dernières relèvent de la compétence des tribunaux de première ou de grande instance. D’après les termes de l’article 11 de la loi n° 2012/011 du 16 juillet modifiant et complétant les dispositions de la loi n° 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création du tribunal criminel spécial, lorsque les tribunaux de première et de grande instance sont saisis des infractions de détournement de biens publics et des infractions connexes prévues par le Code pénal et les conventions internationales dans un contexte où le préjudice est d’un montant inférieur à cinquante millions de francs CFA, ils statuent en premier et dernier ressort. Du coup, leurs décisions ne peuvent être attaquées que par le biais d’un pourvoi devant la Cour suprême.

  • Que la question a parfois été posée de savoir s’il n’est pas convenable d’envisager l’un de ces jours, notamment en matière civile, commerciale ou sociale que des litiges d’un montant peu important tranchés par une juridiction de première saisine ne soient pas de ceux qui sont exposés à l’appel. Si une réponse par l’affirmative est privilégiée, le schéma conduira à confier aux tribunaux de première et de grande instance, voire à d’autres juridictions du même degré, le soin de statuer en premier et en dernier ressort sur les causes évoquées. A rebours et en des termes simples, cela revient à dire que seule la voie extraordinaire du pourvoi est ouverte lorsque leur décision est prononcée. La valeur du litige évoquée pourrait d’ailleurs n’être pas figée. Elle peut notamment varier d’une époque à une autre, d’une région à une autre et en tout état de cause, ne jamais dépendre que de paramètres objectifs liés singulièrement aux données économiques et sociales du moment, notamment à la structure ou au volume du contentieux, à la taille de la population, au niveau de vie dans une région, à l’envergure du ressort territorial de compétence des juridictions étatiques d’instance.
  • Que l’appel a traditionnellement, entre autres, un effet dévolutif[219]. La signification en est que la juridiction saisie sur recours n’a pas à renvoyer la cause et les protagonistes devant un tribunal ou devant une autre cour à moins que la question portée à sa connaissance soit en lien avec la violation des règles de compétence, car alors le renvoi s’impose[220]. Du coup, le soin lui revient d’examiner les points de droit soumis aux premiers juges et que ceux-ci n’ont pas tranché à la satisfaction des justiciables ou au moins de l’un d’entre eux ;
  • Que l’appel a traditionnellement un effet suspensif, lequel s’oppose à ce que l’exécution de la décision critiquée soit engagée249. Il n’en va autrement, en matière répressive, que lorsque des titres de détention ont été délivrés et exécutés[221]. Il n’en va autrement, en matière civile ou commerciale où une halte s’impose, que dans des hypothèses marginales, donc rigoureusement circonscrites.
  • Que l’appel s’avèrera parfois contreproductif ou, pour exprimer crûment la réalité, produira un « effet boomerang ». C’est le sens de l’article 154 (4) du Code du travail, lequel énonce que l’appel abusif ou dilatoire peut entraîner la condamnation de l’appelant à une demande de fol appel allant de 20 000 à 100 000 francs. C’est le sens de la formule inscrite dans le Code de procédure civile et commerciale qui invite le juge à condamner l’auteur de ce recours à une amende civile encas de dilatoire ou d’abus[222]. C’est sans doute aussi le sens à donner aux prévisions du Code de procédure pénale qui décident, si cette voie de recours est tardive ou irrégulièrement introduite, qu’elle doit être déclarée irrecevable et son auteur condamné aux dépens[223]. Si la voie de recours n’est pas fondée et le jugement attaqué confirmé, l’appelant doit encore être condamné à supporter les dépens[224]. Les frais du procès ne pourraient être à la charge de l’intimé ou du trésor public que lorsque l’appel est fondé et le jugement attaqué infirmé[225] ;
  • Qu’à côté de ses missions de nature juridictionnelle et de celles qui ont une connotation plutôt consultative, la Cour d’appel a une fonction inédite que l’on a du mal à ranger ici ou là-bas et dont le fondement décisif reste l’article 74 de l’Acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général. En substance, ce texte impose aux Etats membres de l’organisation, par le truchement de leurs ministères en charge de la justice, de surveiller la tenue du fichier national du registre du commerce et du crédit mobilier et de désigner un organe qui s’occupera, au jour le jour, d’accomplir cette tâche à la fois délicate et stratégique. Donnant un écho à ces exigences, le législateur camerounais a chargé la Cour d’appel du centre de récapituler et de rendre disponibles les renseignements que produisent les fichiers locaux du registre du commerce et du crédit mobilier éparpillés sur le territoire de la République du Cameroun. A ce titre, la juridiction veille à ce que son greffe réponde immédiatement ou ultérieurement, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur formulation, aux demandes d’informations exprimées par le public. A ce chef de compétence particulier est récemment venu s’adjoindre un autre, inséré dans l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique. Il incite les Etats signataires du traité OHADA à créer, chacun sur son territoire, un bulletin national des registres du commerce et du crédit mobilier. En substance, celui-ci servira à diffuser l’ensemble des formalités accomplies par différents acteurs de la vie des affaires ; donc en réalité concourir à diffuser auprès des opérateurs économiques les informations utiles concernant notamment leurs partenaires. Le bulletin en cause est publié sous la responsabilité de l’autorité compétente qui administre le fichier national centralisant les informations consignées dans chaque registre de commerce et du crédit mobilier[226]. Même confusément, l’exigence dévoile déjà partiellement les attributions du chef de cour.

b. Attributions du chef de cour

Le président de la Cour d’appel dispose de prérogatives propres.

Tout d’abord, en tant que chef de juridiction, il a des attributions de nature administrative. A ce titre, le soin lui revient d’affecter magistrats et greffiers dans les chambres de la cour ; de désigner les présidents de chambres de sa juridiction et ceux des chambres des juridictions inférieures du ressort de la cour, singulièrement des tribunaux de première et de grande instance ; de décider éventuellement du regroupement des chambres des tribunaux de première ou de grande instance du ressort[227]. Il ne semble pas non plus contesté que le président intervienne de manière décisive dans la procédure qui se couronne par la fixation des dates et horaires d’audience des juridictions inférieures, en particulier des tribunaux de droit non écrit[228] ; d’assurer un contrôle sur le personnel judiciaire du ressort de la Cour d’appel qu’il note et, éventuellement, propose à l’avancement[229].

Ensuite, et cela est important, le Code de procédure pénale lui réserve l’appel des décisions du président du tribunal de grande instance relatives à l’habeas corpus.

Egalement, d’après la rédaction de l’article 3 (1) de la loi n° 2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l’exécution et fixant les conditions de l’exécution des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que les sentences arbitrales étrangères, le juge du contentieux de l’exécution des décisions judiciaires nationales est le président de la juridiction dont émane la décision contestée, statuant en matière d’urgence ou le magistrat de sa juridiction délégué à cet effet. C’est donc sans surprise que la loi du 14 décembre 2011 modifiant et complétant les dispositions de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire est venue décider à l’article 22 nouveau (3) que le président de la Cour d’appel est, en premier ressort, juge du contentieux de l’exécution des décisions formulées par sa juridiction. A l’occasion de ce rappel, le législateur a corrigé une imperfection qui, autrefois, conduisait à réserver le contentieux de l’exécution des arrêts d’appel à la cour elle-même[230]. Lui faisant écho, le Code de procédure pénale a anticipé une faiblesse majeure découlant de la lecture rapide de la loi du 19 avril 2007 précitée. Ainsi, il y est écrit, en substance, que les chefs de juridictions doivent s’assurer de l’exécution de leurs décisions ou ordres[231].  

Enfin, dans les cas de figure développés sous les articles 634 (2) du Code de procédure pénale et se rapportant aux privilèges de juridiction, singulièrement à celui dont bénéficient les préfets, chefs de circonscriptions administratives et officiers de police judiciaire suspectés de crimes ou de délits dans l’exercice de leurs fonctions voire en dehors de l’exercice de celles-ci, il revient au président de la Cour d’appel de désigner la juridiction de jugement qui sera compétente. C’est assez dire que le premier président de la Cour suprême ne pourrait intervenir que pour déterminer le juge des autres autorités « supérieures », notamment des gouverneurs de région et des magistrats de l’ordre judiciaire[232].

Cela dit, des échanges opposent les juristes quant à savoir si le président de la Cour d’appel conserve le pouvoir d’ordonner les défenses à l’exécution qui lui était jadis reconnu. Ces échanges deviennent parfois vifs voire passionnés lorsque l’exécution par provision a été retenue en dehors des conditions ou des cas développés dans la loi n° 92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice telle que modifiée par la loi n° 97/018 du 7 août 1997. Ces cas touchent notamment lorsque les premiers juges n’ont pas statué contradictoirement ou lorsque ceux-ci ont décidé de l’exécution provisoire sans que la créance ait un caractère alimentaire, sans que l’on soit en présence de créances contractuelles exigibles, d’expulsions fondées sur des titres fonciers conférant des droits non contestés, de réparations de dommages se traduisant par une atteinte à l’intégrité physique d’une personne et cantonnés, aux frais et dépenses justifiées nécessitées par les soins d’urgence et limités exclusivement aux frais de transport ou de transfert, aux frais pharmaceutiques, médicaux et d’hospitalisation ; en matière de créances de salaires non contestées. A toutes fins utiles, on se souviendra que la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA n’épouse pas l’ensemble des contours du raisonnement tendant à accréditer la thèse de la survie du pouvoir absolu d’ordonner les défenses à exécution. A une époque, celle où fut rendu l’arrêt époux Karnib[233], quelques-uns sont allés jusqu’à lui imputer d’avoir sonné le glas des défenses à l’exécution[234]. A leur sens,  le ton de la haute juridiction était d’une telle fermeté que les juridictions suprêmes nationales devraient en prendre acte.

B. La Cour suprême

D’après l’article 2 de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de cette juridiction, « la Cour suprême est la plus haute juridiction de l’Etat en matière judiciaire, administrative et des comptes ». A elle seule, la formule dévoile des liens étroits entre cette juridiction et celles rattachées aux autres ordres de juridiction coiffées par elle.

La mise au point opérée, il sied de relever que la Cour suprême a un ressort, une composition, et une organisation qui, spontanément, attirent l’attention. C’est après seulement que ses attributions interpellent.

1. Ressort, composition, organisation

Que la Cour suprême soit étiquetée comme la plus haute juridiction de l’Etat dans nombre de matières suffit à expliquer ou à justifier l’intérêt d’examiner isolément le ressort de cette juridiction, sa composition, son organisation.

a. Ressort

La Cour suprême a un ressort s’étendant sur l’ensemble du territoire de la République du Cameroun, et son siège se situe à Yaoundé[235]. Du coup, on ne devrait jamais envisager spontanément que la juridiction tienne des audiences dans d’autres localités du pays. Même des atteintes graves à l’ordre public dans cette ville n’autorisent pas, en l’état actuel des textes, que la juridiction organise ailleurs des audiences foraines.

A l’évidence, le modèle retenu par le législateur est troublant dans un pays où le souci de rapprocher la justice du justiciable semble préoccuper à un niveau élevé les pouvoirs publics et correspond aux engagements internationaux du pays. Il bouleverse dans un contexte où l’observation incite à penser que la tenue d’audiences foraines concourt puissamment au renforcement de l’autorité des juridictions suprêmes et, par ricochet, de la justice. La construction retenue dérange celui qui se souvient que l’option de la décentralisation semble de nos jours privilégiée au détriment de celle de la centralisation hier. Précisément, dans la logique actuelle de l’« organisation administrative », l’idéal eut été que la haute juridiction tienne des audiences, même à une périodicité très irrégulière, donc symbolique, dans les chefslieux des régions. Il n’était même pas farfelu, dans une telle grille de lecture, que celle-ci soit dotée de deux ou trois sièges secondaires dans ces circonscriptions administratives. L’un de ces sièges secondaires couvrirait alors les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest où la Common Law a des racines profondes et où la logique de l’indirect rule fut expérimentée avant l’époque des indépendances. Fort heureusement, la composition de la cour régulatrice tente de corriger les flottements provoqués par l’exclusion de sessions à l’intérieur du pays.

b. Composition

La composition humaine de la haute juridiction est déclinée à l’article 4 de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006.

Au siège se trouvent le premier président, président de la Cour suprême ; les présidents de chambre ; les conseillers ; conseillers maîtres, conseillers référendaires ; le greffier en chef de la cour ; les greffiers en chefs des chambres ; des greffiers.

Au parquet général se trouvent le procureur général ; le premier avocat général ; des avocats généraux.

En principe, les magistrats officiant ici relèvent du statut de ce corps. Toutefois, il est prévu que pour les besoins du service, les professeurs d’université de rang magistral, économistes ou juristes exerçant depuis au moins 15 ans peuvent être nommés conseillers ou avocats généraux en service extraordinaire. De même, les avocats inscrits au barreau du Cameroun, les fonctionnaires de la catégorie A et les cadres d’administration ayant exercé depuis au moins 20 années consécutives peuvent être désignés à ces mêmes fonctions.

L’éventualité d’un empêchement a été envisagée et encadrée[236]. Lorsque l’empêché est le premier président, celui-ci est suppléé par le président de chambre le plus ancien dans le grade le plus élevé. Si l’empêché est un président de chambre, le président de section ayant le bénéfice de la plus grande ancienneté dans le grade le plus élevé le remplace. S’il s’agit du procureur général, celui-ci est suppléé dans ses tâches par le premier avocat général. S’il s’agit du premier avocat général, l’avocat général le plus ancien dans le grade le plus haut le remplace.

A ce stade de l’examen de la composition de la Cour suprême, quelques détails attirent l’attention.

Tout d’abord, les conditions du recours aux magistrats en service extraordinaire vont au-delà du temps passé à exploiter tel ou tel des statuts professionnels retenus[237]. En réalité, ces conditions sont davantage strictes qu’on ne pourrait l’imaginer.

Il faut, premièrement, que les besoins du service l’imposent. Indirectement, cela signifie que l’on devrait se garder d’utiliser des personnes ne relevant pas du statut de la magistrature lorsque les ressources humaines disponibles au niveau de la haute juridiction ne rendent pas indispensable la désignation de magistrats en service extraordinaire. Sauf à s’interroger sur le point de savoir quelle sera leur place dans la hiérarchie ou dans l’organigramme de la juridiction. A ce sujet malheureusement, peu de choses sont dévoilées dans la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême. Seul le réflexe de questionner le statut de la magistrature offre des éléments de réponse eux-mêmes incomplets[238]. On y apprend en substance que le magistrat en activité doit être titulaire d’un emploi judiciaire correspondant à son groupe de rattachement ; qu’aucun magistrat ne doit être titulaire d’un emploi soit de chef de juridiction, soit de chef du parquet lui conférant un pouvoir de contrôle ou de direction sur un magistrat hiérarchiquement supérieur ; que les magistrats en service extraordinaires sont les uns hissés au quatrième grade, les autres au troisième grade, quelques-uns au deuxième grade[239].

Il faut, deuxièmement, que le personnel magistrat d’emprunt n’appartienne qu’au corps des professeurs d’université, des avocats, des fonctionnaires de la catégorie A, des cadres contractuels d’administration. A rebours, et en s’en tenant à la lettre des textes, les autres corps auxiliaires de la justice ne devraient pas pouvoir servir à la Cour suprême en qualité de « magistrats en service extraordinaire ». Par exemple, les huissiers de justice ne sauraient y servir avec cette casquette. Les notaires ne devraient jamais y officier à ce titre. Même les administrateurs de greffes sont privés de cette opportunité. Quant aux membres des forces de l’ordre souvent impliqués dans les opérations qui se couronnent par des décisions de justice, ils ne peuvent avoir à accéder au statut de magistrat en service extraordinaire que dans l’hypothèse où la qualité de fonctionnaire ou de cadre contractuel d’administration leur est conférée, et à condition de remplir l’exigence se rapportant à l’ancienneté. Au niveau de l’enseignement supérieur, certes le doute est permis au sujet de la possibilité d’y retrouver des maîtres de conférences qui y seraient intéressés. Une chose est en revanche incontestable, c’est qu’on doit renoncer à la possibilité de retrouver ici des chargés de cours ou des assistants à la faveur de la pratique de l’échevinage. Dans les faits et assez paradoxalement, tandis que le fichier du personnel de la haute juridiction révèle que le nombre de magistrats en service ici est quantitativement faible au regard notamment du nombre de sections et du volume du contentieux dont elle est saisie, la pratique découvre que seuls les contractuels d’administration sont couramment sollicités pour collaborer ici. Et, chose non moins curieuse, les concernés sont presque toujours rattachés à la catégorie des personnels non magistrats.

Il faut, troisièmement, que le personnel prêté au barreau ou à d’autres administrations ne serve jamais qu’en tant que conseiller ou en qualité d’avocat général, en matière administrative ou des comptes. Indirectement, cela exclut que le personnel d’appoint en cause en arrive à être hissé à la tête de l’une des chambres de la Cour suprême. Indirectement encore, cela n’autorise pas que l’on puisse retrouver des magistrats en service extraordinaire dans la chambre judiciaire. Indirectement, cela exclut que l’on retrouve près la haute juridiction des « magistrats d’un jour » qui auraient la qualité de conseiller maître ou de conseiller référendaire ; que le greffier en chef de la cour ou des greffiers appartiennent à la catégorie du personnel en service extraordinaire…

Ensuite, le profil académique ou les aptitudes des magistrats en service extraordinaire appelés à aider la Cour suprême à remplir au mieux ses missions est, c’est le moins que l’on puisse dire, très hétérogène. S’agissant des professeurs d’université dont on ne sait déjà pas si elles ne sont que des institutions universitaires publiques ou si elles pourraient être privées, seuls sont visés les enseignants de rang magistral en droit ou en économie[240]. A contrario, cela conduit à l’exclusion d’autres spécialités qui pourraient pourtant être utiles à la « manifestation de la vérité », notamment la gestion, l’informatique ou plus globalement les technologies de l’information et de la communication connues sous le sigle « TIC ». S’agissant des fonctionnaires et des cadres contractuels de l’administration, seuls sont concernés les diplômés en droit[241]. A rebours, cela signifie qu’il est exclu que les personnels de l’administration formés dans d’autres disciplines se voient conférer la qualité de magistrat en service extraordinaire. Les catégories écartées rassemblent notamment les titulaires de maîtrises en économie, en gestion, en informatique alors paradoxalement que les personnes non issues du corps de la magistrature n’ont vocation à être utilisées qu’en matière des comptes ou en matière administrative…

Enfin, rien n’est suggéré qui soit en harmonie avec telle ou telle orientation développée dans les conventions internationales majeures consacrées aux droits humains fondamentaux de catégories vulnérables. Pour ne citer qu’un exemple révélateur, le protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes invite les Etats signataires à s’assurer de la présence de celles-ci dans les organes chargés de l’application et de l’interprétation des normes. L’article 8 (e) de ladite convention va jusqu’ à laisser entendre qu’une représentation équitable des femmes dans les institutions judiciaires est essentielle ; toute chose qui n’est pas, même indirectement, considérée dans la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême. c. Organisation

La Cour suprême se structure autour essentiellement des chambres, des chambres réunies, de l’assemblée générale, du bureau, du secrétariat général, du greffe.

i. Les chambres

Les chambres sont au nombre de trois, à savoir la chambre judiciaire, la chambre administrative, la chambre des comptes.

La chambre judiciaire s’organise autour de deux pôles : les sections d’un côté, la formation des sections réunies de l’autre côté. S’agissant des sections, elles sont au nombre de six : la section civile, la section commerciale, la section pénale, la section sociale, la section de droit traditionnel et, depuis la loi n° 2017/014 du 12 juillet 2017 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême, la section de Common Law. Quant à la formation des sections réunies de la chambre judiciaire, elle regroupe les présidents des différentes sections de ladite chambre.

La chambre administrative est organisée autour de deux pôles : les sections d’une part, la formation des sections réunies d’autre part. Ici aussi, les sections sont au nombre de cinq : la section du contentieux de la fonction publique, la section du contentieux des affaires foncières et domaniales, la section du contentieux fiscal et douanier, la section du contentieux des contrats administratifs, la section du contentieux de l’annulation et des questions diverses. Quant à elle, la formation des sections réunies regroupe les présidents des cinq sections dont la chambre administrative est pourvue.

La chambre des comptes se structure autour de deux pôles. Tout d’abord, celui des sections. Elle sont au nombre de cinq : une section de contrôle et de jugement des comptes des comptables de l’Etat ; une section de contrôle et de jugement des comptes des comptables des collectivités territoriales décentralisées et de leurs établissements publics sous réserve des attributions dévolues aux juridictions inférieures en matière des comptes ;une section de contrôle et de jugement des comptes des comptables des établissements publics de l’Etat ; une section de contrôle et de jugement des comptes des entreprises du secteur public et para public ; une section des pourvois. Aux sections listées s’ajoute une formation des sections réunies composée des présidents des cinq sections que compte la chambre des comptes.

La lecture combinée de quelques-uns des extraits de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 relatives à la formation des chambres suscite tantôt des certitudes, tantôt des incertitudes s’agissant de l’organisation de la Cour suprême.

Les certitudes se dégagent de ces prescriptions qui enseignent :

  • Que chaque chambre est composée d’un président, de conseillers, d’un ou de plusieurs avocats généraux, d’un greffier en chef, de greffiers[242] ;
  • Que chaque section comporte un président, deux conseillers au moins, un ou plusieurs avocats généraux272 ;
  • Que les conseillers sont répartis dans les chambres par ordonnance du premier président, après avis du bureau[243] ;
  • Que les conseillers sont répartis dans les sections par le président de la chambre à laquelle ceux-ci ont été rattachés[244] ;
  • Que chaque président de chambre préside impérativement l’une des sections de la chambre à la tête de laquelle on le retrouve275 ;
  • Que les présidents de sections sont désignés parmi les conseillers de chaque chambre, par ordonnance du premier président, après avis du bureau de la cour[245] ;
  • Que, dans sa formation de jugement, la section est obligatoirement impaire[246]. La collégialité à trois est alors privilégiée ; la décision étant rendue à la majorité des voix[247] ;
  • Que les sections de la Cour suprême ne sont pas toutes pleinement opérationnelles ou du moins pas pleinement en activité. On songe d’abord et avant tout à la section de Common law très récemment créée et qui est, pour ainsi dire, dans la « phase de décollage ». On songe ensuite à la section des pourvois. Au fond, si celle-ci n’exerce pas à ce jour, c’est moins du fait de l’auguste juridiction elle-même que des pouvoirs publics. Effectivement, dans l’esprit du législateur, la section des pourvois a vocation à connaître des décisions rendues par les juridictions régionales des comptes lorsque celles-ci sont critiquées. Or, bien que formellement créé, le tribunal des comptes ne fonctionne pas encore. L’activité de cette section est donc tributaire du démarrage de l’activité des juridictions inférieures des comptes ;
  • Que la loi n° 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création du tribunal criminel spécial décide que les pourvois contre les décisions de ce tribunal[248] sont examinés par une section spécialisée qu’elle créée, et que le premier président de la haute juridiction a la mission de composer. L’article 13 nouveau dudit texte en donne un aperçu. Effectivement, la résolution y est prise que la section spécialisée réunit six magistrats dont deux proviennent de la chambre judiciaire, deux de la chambre administrative, deux de la chambre des comptes. Apparemment équilibré, cet agencement suscite un minimum de trouble. Il en va ainsi notamment lorsqu’on s’interroge à propos de l’indépendance des membres de la section dans un contexte où, à tort ou à raison, un mobile politique est imputé à quelques-uns des procès ayant un lien avec les détournements de biens et avoirs publics. Il en va également ainsi lorsqu’on questionne l’opportunité de sa création dans un contexte caractérisé par l’existence à la Cour suprême d’une section pénale, mais aussi par la possibilité d’une extension de la compétence des sections réunies. Une chose est sûre. C’est qu’il est créé au sein de la section spéciale une chambre de contrôle de l’instruction comprenant trois magistrats désignés par le premier président de la Cour suprême. Le président de cette chambre de contrôle de l’instruction n’est pas élu, mais désigné par l’autorité chargée de composer ladite chambre.
  • Que les avocats généraux nommés près la cour sont affectés dans les chambres par le procureur général[249]. C’est dire que les chambres de la juridiction ont, en quelque sorte, « leur » parquet à la tête desquels trônent précisément les avocats généraux ;
  • Que lors des audiences ordinaires et extraordinaires des chambres ou des sections, magistrats et greffiers arborent des toges de couleur noire. Ce n’est qu’à la faveur des audiences solennelles ou de l’assemblée plénière que les concernés se vêtissent de « costumes » de couleur rouge[250]. S’y ajoutent, en fonction des circonstances, soit la petite perruque dite « Judges bench wig » soit la grande perruque appelée

« Ceremonial full botton wig » héritées de la tradition judiciaire anglo-saxonne ;  Quant à elles, les incertitudes se traduisent par des interrogations.

L’une de ces interrogations concerne le point de savoir sur la base de quels critères les conseillers et les avocats généraux sont respectivement affectés dans les chambres par le premier président et par le procureur général. Dans la foulée se situe la préoccupation se rapportant aux critères sur la foi desquels les conseillers sont répartis dans les sections par ordonnance des présidents de chambre. L’intérêt de s’interroger tient d’une part à ce que la loi n’y a pas apporté réponse ; d’autre part à ce que les attributions des chambres de la Cour suprême couvrent des champs disciplinaires qui, à ce jour, ne correspondent ni  à un profil de formation unique, ni à un parcours professionnel spécifique. D’ailleurs, même à supposer qu’un magistrat doive poursuivre et achever sa carrière au sein d’une chambre déterminée, par exemple au sein de la chambre judiciaire, on peut encore douter de ce que les savoirs liés aux attributions de celleci soient couverts par un seul individu. L’inquiétude s’amplifie lorsqu’on ne perd pas de vue le foisonnement contemporain des normes ou, plus simplement, lorsqu’on sait que les articles 26 (2) et 27 (2) de la loi du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême envisagent tour à tour qu’en cas de nécessité, le conseiller rattaché à une chambre peut être désigné pour compléter une autre chambre ; qu’un conseiller peut servir au profit d’une ou à plusieurs sections [251]

L’autre interrogation concerne le point de savoir sur quelles bases sont désignés les présidents de sections. Elle est capitale pour diverses raisons. Tout d’abord parce que les sections de la Cour suprême constituent comme des pierres angulaires de l’exercice des missions confiées à la haute juridiction. Ensuite, parce que le pouvoir laissé à l’appréciation du premier président de choisir les présidents de sections ne requiert pour son exercice qu’un avis du bureau de la cour. Or, curieusement, la même autorité préside ce bureau qui, du reste, comprend un nombre non négligeable de membres du parquet général[252]. Parallèlement, et cela a déjà été relevé, nombre de conventions internationales favorables aux protections catégorielles attirent l’attention sur la nécessité, dans chaque Etat signataire, d’impliquer fortement les handicapés ou les femmes dans les institutions chargées de l’application des lois, singulièrement les juridictions suprêmes[253]. A la faveur de la démocratie et des pluralismes, rien n’exclurait même de songer à la pratique de l’élection par un collège de pairs objectivement déterminé longtemps à l’avance.

Une troisième interrogation est celle de savoir si les magistrats rattachés à la section de droit traditionnel sont véritablement outillés pour identifier et cerner dans ses méandres la norme coutumière. La pertinence d’une telle inquiétude se découvre aisément lorsqu’on visite l’histoire. Elle révèle utilement que la Cour suprême a remplacé la chambre d’homologation qui, avant les indépendances connaissait des recours, notamment en annulation, des jugements prononcés par les tribunaux indigènes. A cette époque, la haute juridiction a sa tête un fonctionnaire de nationalité française, deux conseilleurs de la même nationalité qui officient en qualité d’administrateurs des colonies, puis deux notables locaux représentant les traditions. La pertinence d’une telle préoccupation se perçoit à coup sûr aussi lorsqu’on se souvient que les jugements des « customary courts », des « alkali courts », des tribunaux du premier degré et des tribunaux coutumiers peuvent être attaqués devant la Cour d’appel avant que l’arrêt de cette juridiction essuie un pourvoi. En tout état de cause, et des études l’ont démontré, la Cour suprême statue régulièrement en matière de droit traditionnel sans subir quelque modification que ce soit dans sa composition, qui tendrait à l’adapter aux spécificités du procès. Il se comprend alors que la doctrine soutienne que les chances sont réduites d’évoquer avec succès la violation de la coutume à l’appui d’un pourvoi, alors pourtant que celle-ci est une source du droit[254]. On comprend incontestablement aussi que d’aucuns estiment parfois que rien ne sert d’envisager la présence d’assesseurs en instance ou en appel, mais non devant la juridiction suprême de l’ordre judiciaire[255].

La quatrième préoccupation est celle de savoir si les magistrats de la Cour suprême, spécialement ceux du siège, jouissent quotidiennement de l’indépendance que proclament différents textes relatifs à la justice en général et à la magistrature en particulier. A l’origine de cette inquiétude se trouvent notamment les pouvoirs à la fois importants et discrétionnaires du premier président et des présidents de chambre. A l’origine de cette préoccupation trône également l’inconnue se rapportant à la durée du séjour des magistrats dans les chambres ou dans les sections où ils sont appelés à servir. A la base de l’inquiétude se trouvent enfin les flottements entourant le régime disciplinaire auquel sont assujettis les magistrats en service extraordinaire.

La dernière préoccupation est relative aux tenants et aboutissants de la reconfiguration de quelquesunes des formations de la haute juridiction. A l’origine, au Cameroun, se trouve ce qui a été qualifié de « grève des avocats d’expression anglaise ». Pour y apporter réponse, il a été créé une instance réservée à la Common Law par la loi n° 2017/014 du 12 juillet 2017 déjà évoquée. A l’examen, la compétence de la haute juridiction est d’avantage fragmentée qu’hier. A preuve, la « Common Law Division » est supposée examiner, « dans les matières relevant de la Common law », les pourvois formés contre les jugements rendus en premier et dernier ressort, de ceux contre les arrêts des cours d’appel[256]. Dans le prolongement de ce schéma, et l’article 11 nouveau de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 semble plutôt sentencieux à cet égard, « les magistrats désignés à la section de Common law doivent être de culture juridique anglo-saxonne »[257]. Le regret ici provient de ce que les éléments de contenu des droits anglo-saxons ne soient pas méthodiquement exposés ; que les éléments de rattachement à la « culture juridique anglo-saxonne » ne soient pas rigoureusement identifiés et déclinés. Dès lors, il est sérieusement à craindre que les spécificités de la jurisprudence de cette section aient du mal à être cernées spontanément ; il est à craindre, demain, que des tiraillements surgissent à propos de la compétence matérielle de cette section, notamment lorsque le curseur se déplace et qu’elle est saisie de pourvois introduits non pas contre des décisions définitives ayant appliqué la Common law, mais contre des arrêts et des jugements rendus en dernier ressort par des juridictions situées dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest[258]. Heureusement, cela est sans conséquence sur la formation des chambres réunies.

ii. Les chambres réunies

La formation des chambres réunies a une composition spéciale dont la teneur est dévoilée par l’article 15 (1) de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006. Celui-ci décide effectivement qu’elle est composée du premier président de la cour ; des présidents de chambre qui, comme cela a déjà été exposé, sont au nombre de trois ; des présidents de sections qui, on ne le sait que trop, sont théoriquement au nombre de quinze, du moins avant la création de la section spécialisée et de celle de la Common law.

Là ne s’arrête pas la spécificité de cette formation au niveau de sa composition. C’est que la loi fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême va plus loin pour ajouter que le premier président peut, compte tenu de la nature de l’affaire, y adjoindre un ou des conseillers. En des termes simples, cela signifie que la formation des chambres réunies peut rassembler autant de personnes que le désire celui qui a le loisir d’y faire siéger telle ou telle personne.

On l’imagine aisément, d’aucuns pourraient redouter que la latitude offerte au premier président s’agissant de la composition de cette formation ne soit pas toujours utilisée à bon escient. Deux raisons sont au cœur de cette crainte. D’une part, les circonstances de la désignation des magistrats qui viendraient gonfler les chambres réunies ne sont pas nettement encadrées. Tout au plus est-il écrit qu’elle doit tenir compte de « la nature de l’affaire ». La formule laisse d’autant plus songeur que la nature des différends pouvant être déférés à la cour est plutôt rigoureusement circonscrite. C’est assez dire que l’idée de complexité aurait pu être privilégiée et mieux refléter l’intention des rédacteurs de cet extrait de l’article 15(2). D’autre part, le nombre des conseillers que le premier président choisit pour compléter les chambres réunies n’est pas déterminé. Du coup rien n’interdit, un jour, que l’ensemble des conseillers soit invité à prendre part aux assises de cette instance.

Heureusement, des garde-fou ont été, même inconsciemment, tissés. C’est ainsi par exemple que l’exigence a été posée d’après laquelle la formation de jugement des chambres réunies est inévitablement impaire[259]. C’est ainsi par exemple que cette formation ne saurait siéger sans que tous ceux qui en sont membres soient présents ou éventuellement remplacés en cas d’empêchement par un conseiller désigné par le premier président[260].

Enfin, autrefois, lorsque l’entrée en fonction du Conseil constitutionnel était attendue, le soin revenait à cette formation d’exercer une frange des missions qui sont les siennes. A la faveur de la signature du décret n° 2018/104 du 07 février 2018 portant organisation et fonctionnement du secrétariat général dudit conseil, mais sans doute aussi des décrets n° 2018/105 et 2018/106 du même jour nommant respectivement les membres de l’auguste juridiction et le président de celle-ci, l’assemblée générale est désormais privée de ces chefs de compétence.

iii. L’assemblée générale

L’assemblée générale de la Cour suprême réunit l’ensemble des membres de celle-ci. Sans surprise, elle comprend non seulement le personnel magistrat rattaché au siège ou au parquet général, mais également le personnel non-magistrat en service près la cour.

A supposer que l’on fasse volontiers fi de la querelle que pourrait provoquer la phrase inclinant à penser que « tous les membres » de la Cour suprême font partie de l’assemblée générale, il restera que les personnes appelées à prendre part à cette formation n’ont pas toutes voix délibérative. A titre d’exemple, et d’après les termes de l’article 18 (3) de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la cour, le secrétaire général est à coup sûr membre de l’assemblée générale et assiste aux réunions de cette instance. Sa voix n’est cependant pas délibérative.

Cela mis de côté, il importe de se souvenir :

  • Primo, que le secrétariat de l’assemblée générale est assuré par le greffier en chef de la Cour suprême[261] ;
  • Secundo, que l’assemblée se réunit généralement sur convocation du premier président. A elle seule, la formule laisse découvrir que d’autres personnes ont le droit de la convoque, à savoir le Procureur général et le tiers de ses membres statutaires[262] ;
  • Tertio, que l’assemblée est théoriquement dirigée par Monsieur le premier président de la cour294 ;
  • Quarto, que les décisions de l’assemblée générale sont adoptées à la majorité de ses membres présents, la voix du premier président étant prépondérante en cas d’égalité[263]. L’un des membres du bureau y a donc un rôle important.
d. Le bureau

Le bureau de la Cour suprême comprend le premier président, les présidents de chambre, le procureur général, le premier avocat général, le secrétaire général[264].

Certes, l’article 22 de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême dispose que son fonctionnement sera ultérieurement déterminé par un texte. Cela n’empêche nullement, dans cette attente, et sur la base de la pratique, de soutenir :

  • Que le soin revient au premier président de convoquer les réunions du bureau. Théoriquement, cellesci se tiennent trimestriellement. Toutefois, et on l’imagine promptement, rien ne s’oppose, au cas d’urgence, à ce que la périodicité déclinée soit raccourcie, donc au fond que le premier président appelle à siéger autant de fois que cela lui semble indispensable. Dans le même sens, rien ne s’oppose à ce que le bureau puisse exceptionnellement être convoqué à la demande du procureur général près la cour ou de trois des personnes qui le composent ;
  • Que les réunions du bureau sont présidées par le premier président. Lorsque celui-ci n’est pas à même de diriger les assises, notamment du fait d’un empêchement, le procureur général devrait se substituer à lui dans l’exécution de cette tâche ;
  • Que la technicité ou la spécificité des questions inscrites à l’ordre du jour des assises pourrait expliquer ou justifier que l’on fasse appel à des tiers expérimentés. En pareilles circonstances, trois exigences se doivent d’être respectées à la lettre. L’une invite à ne jamais avoir recours aux services de personnes extérieures à la cour. L’autre invite à se garder de solliciter le concours d’un nombre de personnes non statutairement membres du bureau, supérieur à deux. La dernière postule que ceux auxquels appel a été fait en raison de leur expertise ne devraient avoir qu’une voix consultative ;
  • Que le secrétariat du bureau de la Cour suprême est assuré par le secrétaire général de la haute juridiction.

iiii. Le secrétariat général

Au sujet du secrétariat général de la Cour suprême, peu de choses sont dites dans la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006. Tout au plus est-il écrit, à l’article 22, que le soin reviendra à un texte particulier de révéler le détail de son organisation voire de son fonctionnement.

Dans l’attente des provisions annoncées, le réflexe de consulter d’autres textes permet d’accéder à un minimum d’éclairage concernant cet organe. Au nombre de ceux-ci, l’article 32 (3) du décret n° 95/048 du 8 mars 1995 portant statut de la magistrature. L’idée y est développée que « le président de la Cour suprême et le procureur général près ladite cour notent le secrétaire général de la Cour suprême et le proposent éventuellement à l’avancement s’il est magistrat ». On comprend alors que ce denier pourrait appartenir au corps judiciaire. On réalise parallèlement aussi que rien n’empêche que le secrétaire général n’appartienne pas au corps des magistrats.

Hormis le parcours administratif, d’autres éléments instruisent à propos du secrétariat général. Le plus précieux de ceux-ci est le constat que le parquet général de la Cour suprême ne comporte pas de substituts. L’explication de cette absence ici n’est pas compliquée en soit. Elle tient à l’allègement des missions confiées aux substituts des procureurs ou des procureurs généraux des paquets des juridictions d’instance. Du coup et a contrario, l’évidence s’impose que le secrétariat général est appelé à assister le procureur général dans l’accomplissement de ses tâches de nature administrative.

Cela réservé, et à toutes fins utiles, un décret n° 80/299 du 26 juillet 1980 portant organisation administrative des juridictions, modifié et complété par un autre décret en date du 8 juillet 1981 indique :

Primo, que le secrétariat général comprend le greffe de la Cour suprême, le greffe de la chambre administrative, la division des affaires administratives et financières, le bureau du courrier et du fichier, le bureau de la traduction[265] ;

Secundo, que le secrétaire général est désigné par décret de Monsieur le président de la République. La règle n’empêche pas que la personne intéressée par le profil ou le parcours professionnel du concerné demeure dans le doute. Effectivement, peu nombreux sont ceux qui pourraient spontanément les décliner. L’incertitude conduit alors regretter l’époque où le secrétaire général était issu du rang des magistrats et devait être un haut magistrat. Le flottement conduit forcément aussi à regretter que « l’élu » puisse être désigné sans référence aux missions dont il aura la charge après coup voire à celles de la juridiction suprême[266] ;

Tertio, que le travail au secrétariat général est organisé. Une bonne illustration de cette assertion est offerte par l’existence ici d’une division des affaires administratives et financières placée sous l’autorité d’un fonctionnaire de greffes ayant le grade soit d’administrateur des greffes, soit de greffier principal. La division concernée comprend trois bureaux à la tête desquels se trouvent généralement des fonctionnaires de greffes : le bureau de l’accueil et de l’entretien, le bureau des finances, le bureau de la bibliothèque[267]. Le bureau d’accueil et d’entretien a vocation à renseigner le public et à assurer la maintenance des locaux, matériels, véhicules. Le bureau des finances concourt à l’élaboration et à l’exécution du budget de la cour, ainsi qu’à la gestion des « crédits et des personnes. Enfin, le bureau de la bibliothèque est chargé de veiller au fonctionnement de la bibliothèque de la cour et à la conservation de ses archives. C’est encore à lui qu’échoit la mission d’assurer l’impression, la reliure et la diffusion des arrêts, de traduire les textes et documents, d’interpréter pendant les audiences de la haute juridiction. La seule déception tient à ce que cette dernière mission n’est pas en phase avec une jurisprudence séculaire. Précisément, celle-ci s’oppose à l’idée que le fonctionnaire des greffes, où que celui-ci serve, en arrive à se substituer à l’interprète.

iiiii. Le greffe

Un nombre important de greffiers sert au profit de la Cour suprême. A l’examen et sans exagération, on pourrait d’ailleurs estimer que le greffe de cette juridiction est de loin le plus étoffé de ceux que consacre à ce jour la loi portant organisation judiciaire.

Quoi qu’il en soit, en tant qu’organe de la Cour suprême, le greffe ne pouvait ne pas être structuré. Compte tenu de l’envergure de la juridiction, le schéma retenu a consisté à envisager que chaque chambre soit dotée d’un greffe, que chaque greffe de chambre ait à sa tête un président, que la Cour suprême soit dotée d’un greffier en chef.

Reste à souligner que le greffier en chef de la cour et les greffiers en chef des chambres sont les seuls membres du greffe nommés par le président de la République[268]. A contrario, cela signifie que les autres greffiers en service à la cour sont affectés aux chambres par une ordonnance du premier président. La décision de rattachement n’est cependant pas prise isolément. La loi exige qu’elle ne soit jamais arrêtée sans une « proposition » du greffier en chef et un avis du bureau[269]. Ce schéma ne doit cependant pas être à l’origine de confusions. D’après les termes du décret n°2011/020 du 4 février 2011 portant statut spécial des fonctionnaires des greffes, les membres de ce corps auxiliaire de la justice sont soit des administrateurs de greffes, soit des greffiers, soit des greffiers-adjoints[270]. Ce personnel est loin d’avoir la même place dans la hiérarchie administrative. La conclusion s’impose que des missions hétérogènes lui sont confiées.

2. Compétence matérielle

La compréhension des attributions de la Cour suprême suppose que l’on distingue celles de ses chambres d’une part ; celles de ses autres organes et notamment de son président d’autre part.  a. Compétence des chambres

La connaissance du détail des attributions des chambres provoque des remarques qui, pour la plupart, sont en lien avec la procédure devant elles.

i. Le détail

La chambre judiciaire a des attributions distinctes de celles de la chambre des comptes ou de la chambre administrative.

Dans le détail, la « Judicial bench » se penche sur les décisions rendues en dernier ressort par les cours et les tribunaux en matière civile, commerciale, pénale, sociale, de droit traditionnel, ainsi que des matières relevant de la Common law[271]304. Elle connait des actes juridictionnels des juridictions inférieures et devenus définitifs, dans toutes les hypothèses où l’application du droit est en cause. Elle examine les demandes de mise en liberté à condition toutefois qu’un pourvoi ait été introduit et, surtout, que celui-ci soit recevable. Enfin, elle connaît de toute autre matière expressément attribuée par la loi.

Dans le détail, la chambre administrative s’intéresse : aux appels, formés contre les décisions se rapportant au contentieux des élections régionales et municipales ; aux pourvois formés contre les décisions prononcées en dernier ressort par les juridictions administratives inférieures ; aux exceptions préjudicielles soulevées en matière de voie de fait et d’emprise devant les juridictions inférieures ; à toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi.

Quant à la chambre des comptes, elle s’intéresse au contrôle et au jugement des écritures des comptables publics ou de fait de l’Etat ou de ses excroissances. Elle également compétence pour statuer, souverainement, sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures des comptes. Là n’est pas tout. Il s’y agrège la compétence pour émettre son point de vue, sous forme d’avis, sur les projets de loi de règlement présentés au parlement et, surtout, de certifier le compte général de l’Etat y annexé305. Dans le prolongement, la juridiction est tenue de produire annuellement au président de la République, au président de l’assemblée nationale et au président du sénat, un rapport exposant le résultat général de ses travaux et les observations qu’elle estime devoir formuler afin de réformer et améliorer la tenue des comptes et la discipline des comptables306.

Enfin, elle connaît de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi.

Cela réservé, les rapports de la « Audit Bench of the Suprême Court » sont disponibles et font le point de son activité, laquelle est malheureusement assez peu connue ou diffusée307308. Quelques morceaux, extraits de celui des années 2013 et 2015, sont particulièrement édifiants.

Il s’agit de ces extraits qui révèlent que nombre de comptables de l’Etat, des collectivités territoriales décentralisées, des établissements publics administratifs et des entreprises du secteur public et parapublic sont réticents à soumettre leurs comptes à l’examen de la Chambre.

Il s’agit de ces extraits qui révèlent que sur la période comprise entre 2011 et 2013, la Chambre des comptes a rendu, en audience ordinaire de section, 178 arrêts. 137 de ceux-ci sont provisoires ; 41 de ceuxci définitifs. A l’occasion de cette même année 2013, la formation des sections réunies a été saisie à 3 reprises de recours en révision des arrêts définitifs de section, mais a rendu 10 arrêts définitifs. Le Rapport couvrant l’époque visée signale très opportunément que ladite formation a été a souvent été saisie non seulement dans le cadre des voies de recours contre les arrêts définitifs relevant des sections, mais parfois

                                                        

305 Ce chef de compétence s’appréhende mieux lorsqu’on consulte la loi n° 2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat, notamment en ses articles 20 et suivants. Il se comprend nettement encore lorsqu’on consulte la loi n° 2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques, mais aussi le règlement général de la comptabilité publique du Cameroun. Effectivement, il y est résolu, sous les articles 125 et 126 notamment :

  • Qu’à la fin de chaque année, le Ministre chargé des finances produit au juge des comptes le compte général de l’État. Ce compte général regroupe la balance des comptes, le bilan, les comptes de résultats, l’état de synthèse de l’exécution budgétaire pour les recettes, l’état de synthèse de l’exécution budgétaire pour les dépenses, l’état des comptes des correspondants, le tableau des flux de trésorerie.
  • Que la tenue de la comptabilité générale et de la comptabilité budgétaire de l’Etat conduit à présenter, à la fin de chaque exercice budgétaire, les documents suivants :

Par l’ordonnateur : le compte administratif auquel est annexé le compte en matières ; le rapport annuel de performance par programme ; l’état de réalisation de tous les projets d’investissement ; tout autre document prévu par la loi.

Par le comptable, le compte de gestion. Celui-ci comprend la balance des comptes, le développement des recettes budgétaires, le développement des dépenses budgétaires, le développement des opérations constatées aux comptes spéciaux du trésor et budgets annexes, le développement des opérations des comptes des correspondants.

306 Ce chef de compétence se saisit mieux lorsqu’on prend connaissance de quelques-uns des extraits du décret n° 2020/375 du 07 juillet 2020 portant règlement général de la comptabilité publique. Sont spécialement visés :

  • L’article 121-1. Il y est décidé que « La juridiction des comptes reçoit, chaque année, communication de toute information et documents des services chargés de l’exécution des lois des finances, notamment les comptes de gestion des comptables publics accompagnés des pièces justificatives. Le Ministre chargé des finances lui adresse, tous les trimestres, un état d’exécution des recettes et dépenses de l’Etat. Elle est informée régulièrement des conditions d’application de l’article 70 de la loi n° 2018/012 du 11 juillet portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques sur le contrôle de l’engagement des dépenses ».
  • L’article 121-2. Il y est décidé que la juridiction des comptes peut demander communication de toute information ou documents aux services chargés de l’exécution des budgets des collectivités publiques autres que l’Etat, procéder à toute enquête sur pièces et sur place auprès de toute personne morale, publique ou privée bénéficiaire de fonds publics ;
  • L’article 121-3. Il y est décidé que dans l’exercice de ses fonctions, toute personne est tenue de communiquer à la juridiction des comptes tout document et toute information qu’elle sollicite et de se rendre aux convocations qu’elle juge nécessaire. L’attitude consistant à faire obstacle, de quelque façon que ce soit, à l’exercice de ces pouvoirs est punie ;
  • L’article 121-5. Il y est résolu que « La juridiction des comptes adresse au parlement les avis, constats et rapports contenant les analyses et recommandations qu’elle fait au titre de ses missions. Le président de la juridiction des comptes peut décider de rendre publics certains de ces avis, constats et rapports » ;
  • L’article 122. Il y est décidé que le rapport que la justice des comptes transmet au parlement sur le projet de loi de règlement comporte notamment un avis sur « la conformité du budget exécuté au budget voté » ; que la « juridiction des comptes peut émettre des avis et des recommandations sur la gestion des ministères, ainsi que sur leurs programmes, le cas échéant ».
  • Tel est l’intitulé du titre 5 y relatif. Dans le même sens, et de manière davantage détaillée, voir les articles 27 et suivants du décret n° 2020/375 du 07 juillet 2020 portant règlement général de la comptabilité publique.
  • Fort heureusement, les lendemains se présenteront autrement. C’est du moins ce que laisse augurer la loi n° 2018/011 du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun. A son article 13, elle résout: « 1) La juridiction des comptes rend publics tous les rapports qu’elle transmet au président de la République, au parlement et au gouvernement.
  • Elle publie également ses décisions particulières dans le Journal officiel et dans au moins deux grands journaux nationaux de grande diffusion faisant partie de la liste des journaux nationaux d’annonces légales ;
  • Un suivi de ces recommandations est organisé et les résultats de ce suivi sont régulièrement portés à la connaissance du public ».

dans le cadre d’affaires renvoyées devant elle par ordonnance du premier président ou transmises soit par le Contrôle supérieur de l’Etat, soit par la Commission nationale anti-corruption[272].

Il s’agit de ces extraits qui, dans une perspective pédagogique, inventorient les irrégularités fréquemment relevées à l’issue du contrôle ou du jugement des comptes[273]. En bonne place se trouvent notamment l’absence des comptes de disponibilités, l’infidélité dans l’enchaînement des soldes, l’absence de grand livre, de compte de résultat et de bilan, les incohérences entre les chiffres portés dans le compte de gestion et le compte administratif, les mauvaises imputations budgétaires, l’absence de délibération du conseil municipal et d’autorisation de la tutelle concernant le budget additionnel. En bonne place se trouvent également l’insuffisance des pièces justificatives, l’absence du compte d’emploi des fonds débloqués, l’absence d’acquit libératoire, l’absence de mandat de paiement et de certification du service fait, le paiement sans base légale, la violation de la règle de spécialisation des crédits et de la règlementation relative aux frais de mission, l’absence d’émargement pour les paiements effectués par bizutage, les déficits de caisse non suivis de recouvrement. Le volume de ces irrégularités suscite couramment des remous. ii. Les remarques

L’inventaire des attributions des chambres de la Cour suprême conduit fatalement à des remarques qui se rapportent au fonctionnement de la haute juridiction. A ce sujet précisément, on doit relever avec force :

  • Qu’au début de chaque année judiciaire et en valeur absolue le 28 février, la cour tient, sous la présidence de son premier président, une audience solennelle de rentrée. Y prennent part non seulement ses membres, mais aussi les chefs des juridictions d’appel, les présidents des tribunaux administratifs régionaux, les chefs des juridictions inférieures des comptes. Y assiste également, à sa demande, le président de la République ; la possibilité lui étant reconnue, lors de la cérémonie, d’adresser une communication à ceux qui y prennent part[274] ;
  • Que les dispositions transitoires de la constitution ont pendant longtemps prescrit le déploiement progressif des institutions créées en indiquant dans cette attente que la Cour suprême exercera les attributions du Conseil constitutionnel jusqu’à son entrée en activité[275]. Du coup, c’est à elle qu’est revenu le soin d’examiner les questions se rapportant à la constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux. C’est toujours elle qui, pendant longtemps, a eu à se prononcer au sujet de la conformité à la constitution des règlements intérieurs de l’assemblée nationale et du sénat ou sur les conflits d’attribution entre les institutions de l’Etat, entre l’Etat et les régions, entre les régions[276]. L’actualité est là qui permet, sans difficulté, de comprendre qu’elle a autrefois été chargée de veiller à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires et de proclamer les résultats de ces différentes élections et consultations[277] ;
  • Que chaque section de la Cour suprême examine les recours en cassation relatifs aux matières relevant de sa compétence[278]. Indirectement, cela signifie, et la haute juridiction le rappelle avec constance, que les moyens nouveaux ne doivent pas être accueillis par elle, donc que ceux-ci sont irrecevables en raison de l’exigence cardinale de l’immutabilité du litige. Indirectement, cela signifie également, sur le plan des principes, et si l’on s’en tient à l’organisation de la chambre judiciaire, que la section civile ne saurait, dans le cadre d’un pourvoi, se prononcer sur des affaires commerciales par nature ; que la section commerciale ne saurait trancher des différends de nature civile ; que l’on ne saurait concevoir que la section sociale ait à s’intéresser aux affaires pénales ; que la section de droit traditionnel ne saurait connaître de différends de nature répressive. La rigueur de ces exigences ne devrait jamais pouvoir être infléchie, car il n’a pas été envisagé, au niveau de la Cour suprême, le regroupement des sections ;
  • Qu’à l’inverse de ce que l’on pourrait spontanément croire, la Cour suprême ne s’intéresse pas qu’aux pourvois. Au fond, elle officie également comme juridiction d’appel en matière administrative. Une procédure spécifique est aménagée en ce sens[279] ;
  • Que les dynamiques d’intégration, amorcées un peu partout à travers le continent africain, provoquent inévitablement comme une sorte de restriction des attributions de la haute juridiction. A titre d’exemple, le traité OHADA ne permet pas que la Cour suprême examine, dans le cadre d’un pourvoi, des affaires susceptibles de se dénouer à la lumière des normes que l’organisation sécrète, du moins lorsque ces dernières ont été adoptées et sont en vigueur… ;
  • Que les cas d’ouverture du pourvoi sont exposés dans différents textes de procédure[280]. Ceux-ci regroupent l’incompétence, la dénaturation des faits de la cause ou des pièces de la procédure, le défaut de motifs, la contradiction ou l’insuffisance de ceux-ci, la violation de la loi ou d’un principe général du droit, la non-réponse aux conclusions de l’adversaire ou aux réquisitions du ministère public, le détournement de pouvoirs, le non-respect de la jurisprudence de la Cour suprême ayant statué en sections réunies de chambre ou en chambres réunies. Le dernier cas d’ouverture du pourvoi touche au vice de forme. Il en va ainsi lorsque la décision attaquée n’a pas été rendue par le nombre de juges requis ; lorsque la décision attaquée a été rendue par des juges qui n’ont pas siégé à toutes les audiences relatives à l’affaire ; lorsque la parole n’a pas été donnée au ministère public ou lorsque celui-ci n’a pas été représenté alors que cela s’imposait ; lorsque le principe matriciel de la publicité de l’audience n’a pas été respecté sans que l’on se trouve dans l’une de ces circonstances où elle n’est pas opportune[281]… ;
  • Que les délais du pourvoi ne se signalent pas par leur uniformité. En matière civile, commerciale ou sociale, ceux-ci se chiffrent à 30 jours comptés dès le lendemain de la date de l’arrêt rendu contradictoirement[282]. En matière répressive, ceux-ci se chiffrent à 10 jours francs pour les décisions rendues au fond, à 7 jours pour les décisions avant dire droit à condition toutefois que le recours soit introduit en même temps que le pourvoi contre l’arrêt d’appel ayant statué sur le fond[283][284]. En matière administrative ou en matière des comptes et sauf dispositions spéciales contraires, le recours doit être introduit dans les 15 jours à compter du lendemain de la notification des décisions des juridictions inférieures ayant compétence dans les domaines en cause[285]
  • Que la saisine de la haute juridiction n’a théoriquement pas un effet suspensif d’exécution[286]… ;

Que le pourvoi soit sans effet suspensif ne doit cependant pas faire occulter que de nombreux textes reconnaissent et organisent le sursis à l’exécution… ;

  • Qu’à l’inverse du discours traditionnel inclinant à penser que la Cour suprême n’est pas un troisième degré de juridiction, les articles 67, 104, 118 et 137 de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de celle-ci prescrivent chacun à son tour, s’agissant singulièrement de la chambre judiciaire et de la chambre administrative que, lorsqu’elles cassent et annulent une décision suite à un pourvoi, elles évoquent et statuent au cas où la cause est en l’état d’être jugée au fond. Et l’affaire est considérée comme en état d’être jugée au fond lorsque les faits, souverainement constatés et appréciés par les magistrats en instance et en appel, facilitent l’application de la norme juridique appropriée pour mettre un terme à la discorde… ;
  • Qu’en s’en tenant à ce qui est usuel, la Cour suprême rend des décisions d’une grande variété que le juriste ou le citoyen gagne à décrypter spontanément. L’essentiel est représenté par l’arrêt portant sur la recevabilité, l’arrêt de rejet, l’arrêt d’annulation. Prosaïquement, la décision sur la recevabilité renseigne sur le point de savoir si les formalités prescrites en vue de la saisine de l’auguste juridiction ont ou non été satisfaites. Très concrètement, elle débouche soit sur un arrêt d’irrecevabilité, soit sur un arrêt de recevabilité. La décision de rejet vise l’hypothèse où la recevabilité est acquise et l’affaire en état d’être jugée. Elle exprime l’idée d’après laquelle, à l’issue de l’examen de la cause, la demande est jugée infondée ; ce qui invite à se conformer à ce qui a été résolu par la juridiction dont la décision a été attaquée, généralement la Cour d’appel, le tribunal administratif régional, le tribunal régional des comptes, le tribunal criminel spécial. La décision d’annulation, enfin, obéit à une construction intellectuelle d’un autre ordre. Elle induit que le pourvoi a été régulièrement formé et est favorablement accueilli par les magistrats de la haute juridiction, donc que la demande exprimée est fondée. Sans surprise, et cela a déjà été souligné, la haute juridiction va alors casser et annuler la décision critiquée. Au gré de l’état de l’affaire et de la matière, elle pourra soit évoquer, soit renvoyer les parties devant une juridiction différente de celle dont provient la décision annulée. A ce niveau spécifiquement, les chambres de la Cour suprême se distinguent des autres organes de la juridiction.

b. Compétence des autres organes essentiels

Sous la formule « les autres organes » se cachent les chambres réunies, l’assemblée générale, la formation des sections réunies, la juridiction du premier président de la Cour suprême. i. Les chambres réunies

La formation des chambres réunies siège toutes les fois où il est indispensable de fixer la jurisprudence sur un point de principe susceptible de diviser soit les juridictions du fond, soit les chambres de la Cour suprême[287]. En outre, elle connaît de l’action en récusation d’un membre de la Cour suprême ou d’un président de Cour d’appel ; des demandes de renvoi d’une juridiction à une autre pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique ; du règlement des juges.

Là n’est pas tout. L’article 41 de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 ajoute que la formation des chambres réunies de la Cour suprême connait de toutes les affaires que des textes particuliers lui attribueront. A ce sujet précisément, il importe de se souvenir durablement, par exemple, que les dispositions transitoires de la constitution mettent à la charge de cet organe des prérogatives réservées[288]. Ainsi en allait-il de celles dévolues au Conseil constitutionnel à l’époque où l’espoir du démarrage effectif des activités du conseil était simplement entretenu[289]. En conséquence de cela, c’est à la formation des chambres réunies qu’est pendant longtemps revenue la mission de trancher les questions se rapportant à la constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux. C’est elle qui, pendant longtemps, devait pouvoir se prononcer sur la conformité à la constitution des règlements intérieurs de l’assemblée nationale et du sénat ou sur les conflits d’attribution entre les institutions de l’Etat, entre l’Etat et les régions, entre les régions327. Théoriquement, c’est elle qui, hier, avait la charge de veiller à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires puis de proclamer les résultats de ces différentes élections et consultations[290].

A ce stade, des mises au point s’imposent afin de faciliter la compréhension de quelques-uns des chefs de compétence déclinés.

Tout d’abord, s’agissant du règlement des juges, les chambres réunies de la Cour suprême n’interviennent que lorsque des juges ou des juges d’instruction, rattachés à des ressorts de cours d’appels différentes, se sont déclarés soit compétents soit incompétents pour régler, à telle ou à telle phase du procès, telle ou telle affaire. A rebours, lorsque des magistrats ou des juridictions appartiennent au ressort d’une seule et même Cour d’appel, le soin reviendra à la juridiction d’appel visée de trancher le conflit ainsi créé, lequel d’après le discours consacré est soit un conflit positif, soit un conflit négatif de compétence[291].

Ensuite, s’agissant de l’action en récusation d’un membre de la Cour suprême ou d’un président de Cour d’appel, deux choses frappent. L’une d’entre elles c’est que le premier président n’est pas à l’abri d’une demande de récusation. Effectivement, à en croire par exemple l’article 596 du Code de procédure pénale, celle-ci doit être déposée au greffe de l’auguste juridiction ; « il y est statué par les chambres réunies siégeant en chambre du conseil, sans la participation du président, par arrêt motivé qui est notifié aux parties et au ministère public ». L’autre chose c’est les chambres réunies sont invitées à rejeter la requête tendant à obtenir la récusation d’un nombre important de magistrats en poste à la Cour suprême. Telle est du moins la compréhension que l’on pourrait avoir des prévisions de l’article 597 du Code de procédure pénale d’après lesquelles nul ne peut récuser au-delà du tiers des membres de la Cour suprême.

Venant au chef de compétence relatif aux demandes de renvoi d’une juridiction à une autre en raison de la suspicion légitime ou de la nécessité de préserver l’ordre public, un détail est à ne pas occulter, que suscite la lecture de l’article 604 du Code de procédure pénale. Elle révèle, en ces circonstances, que les chambres réunies pourraient choisir soit la solution du renvoi de l’affaire devant une juridiction d’un rang identique à celui de celle qui avait été saisie, soit retenir de désigner des juges en fonction dans des ressorts de juridictions différentes afin de recomposer celle devant laquelle l’affaire aurait dû être débattue…

Enfin, et cela n’est pas sans intérêt, la formation des chambres réunies est forcément présidée par le premier président de la Cour suprême que suppléé le président de chambre le plus ancien dans le grade suprême en cas d’empêchement. Au demeurant, elle ne statue que si tous ses membres sont présents. S’il se trouve que l’un d’entre eux ne soit pas à même de siéger, ce dernier sera remplacé par un conseiller choisi par le premier président[292]. La suite va de soi que rappelle utilement le législateur : « Les décisions de la Cour suprême statuant en chambres réunies s’imposent aux juridictions inférieures sur tous les points de droit tranchés »[293]. En cela, ces décisions se distinguent quelque peu de celles prises en assemblée générale.

ii. L’assemblée générale

L’assemblée générale se prononce sur les projets de textes requérant l’avis de la Cour suprême332. Plus généralement, elle s’exprime sur toute préoccupation à elle soumise par ceux qui ont le pouvoir de la convoquer. D’après les termes de l’article 19 de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la haute juridiction, le droit de saisine est réservé au premier président, au procureur général, à la demande du tiers des membres de la cour.

Cet énoncé rapide des attributions de l’assemblée générale et de ceux qui sont habilités à s’adresser à elle peut induire en erreur si des remarques ne sont pas faites à sa suite.

Premièrement, seul le premier président devrait pouvoir la convoquer. En sens contraire, cela signifie que le procureur général n’a pas ce pouvoir. A contrario encore, cela signifie que le tiers des membres de la cour ne saurait se substituer au premier président pour convoquer l’auguste assemblée. Au bout du compte, ces derniers doivent s’en tenir à saisir le chef de juridiction. Malheureusement, aucune solution n’est esquissée s’agissant de l’hypothèse où, saisi, le premier président ne procède pas à la convocation de l’assemblée. Seul le règlement intérieur de la juridiction livre une piste lorsque celui-ci suggère à son article 18 que l’assemblée devrait se réunir, au bas mot, mensuellement.

Deuxièmement, le chef de cour peut, lorsque l’avis de la Cour suprême est sollicité sur une question quelconque, soit saisir l’une des chambres spécialisées de cette dernière, soit convoquer l’assemblée générale. L’avis de l’assemblée générale n’est donc incontournable que dans des cas particuliers, notamment lorsque la haute juridiction est consultée sur un projet de texte[294].

Troisièmement, l’assemblée générale ne statue pas au hasard. Certes, aucune condition de quorum n’est en tant que telle formulée. Toutefois, il est consigné à l’article 19 (2) que les décisions sont prises à la majorité des membres présents et la voix du président l’emporte en cas de partage. Rien ne surprend dans cette prescription, du moins lorsqu’on compare les attributions de cet organe à celles des sections réunies.

iii. Les sections réunies

Les sections réunies connaissent des affaires renvoyées devant elles dans le cadre d’un pourvoi ou parfois dans le cadre d’un appel soit par une ordonnance du premier président, soit par arrêt d’une section.

Pareillement, la formation reçoit et examine les recours en révision des décisions contradictoires dans quatre éventualités : lorsqu’il y a eu dol personnel ; lorsqu’il a été statué sur la base de pièces reconnues ou déclarées fausses entre-temps, c’est-à-dire après le prononcé de sa décision par la cour ; lorsqu’une partie a succombé faute de présenter une pièce décisive retenue par son adversaire ; lorsque la décision de déchéance est intervenue sans que le demandeur au pourvoi ait été mis en demeure soit de se constituer avocat, soit d’introduire une demande d’assistance judiciaire[295].

Sauf à ne pas perdre de vue deux choses essentielles.

D’une part, que l’expérience, en harmonie avec les textes, montre que la saisine des sections réunies s’envisage généralement lorsque l’affaire parait d’une grande complexité. Dans l’hypothèse où la saisine de cette formation n’est pas faite à l’initiative du premier président de la Cour suprême, donc provient d’une section, le renvoi devant les sections réunies suppose une décision de la section initialement saisie du litige, siégeant collégialement[296].

D’autre part, que la procédure à suivre devant la formation des sections réunies d’une chambre est celle applicable devant la chambre concernée. En d’autres termes, cela signifie que lorsque les sections de la chambre judiciaire sont appelées à siéger ensemble, la procédure à observer sera impérativement celle qui a cours devant la chambre judiciaire. Lorsque toutes sections de la chambre des comptes ou celles de la chambre administrative seront appelées à siéger ensemble, la procédure à respecter à cet effet devra être celle que l’on observe d’ordinaire devant chacune de ces chambres. Le premier président de la Cour suprême y veillera généralement.

iiii. Le bureau et le secrétariat général

Les missions du bureau de la Cour suprême sont très rapidement abordées à l’article 22 de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême. Effectivement, celui-ci se contente de poser que son fonctionnement sera ultérieurement déterminé par un texte.

Cela dit, on peut, dans l’attente, penser que le bureau de la haute juridiction a comme rôle d’assister le premier président dans l’administration de la haute juridiction et dans l’élaboration des règles de son fonctionnement. Sous d’autres cieux, il est considéré par quelques auteurs comme un « organe de réflexion au service du premier président ». A ce titre, sollicité par le premier président, il exprime ses vues à propos de la répartition des conseillers dans les chambres. A ce titre encore, il donne son avis sur la désignation des présidents de sections. Pareillement, il se prononce à propos de l’affectation des greffiers dans les chambres. Son avis est également sollicité avant les nominations du personnel en poste au secrétariat général de la cour.

Quant au secrétariat général, ses attributions sont moins imprécises, malgré la rapidité des textes. Effectivement, on sait quasiment avec certitude, notamment sur la foi des termes du vieux décret du 26 juillet 1980 portant organisation administrative des juridictions modifié et complété par celui du 8 juillet 1981, que le secrétariat général de la Cour suprême coordonne et contrôle les activités tant judiciaires, administratives que financières de la cour ainsi que celles du bureau de la traduction[297]. Dans le prolongement de cette prérogative, il entre dans ses attributions, sous la haute autorité du premier président, d’élaborer et de mettre à exécution le budget de la haute juridiction. Très logiquement aussi, le secrétariat général hérite, sous la haute autorité du premier président, de la gestion du personnel relevant de sa compétence. C’est encore lui qui doit veiller au fonctionnement de la bibliothèque, à la conservation de la documentation et des archives, à l’établissement des fiches statistiques[298]. Enfin, et en cascade, c’est au secrétariat général et à celui qui le coiffe qu’échoit la mission d’assurer le suivi des relations de la cour avec les autres institutions étatiques ; d’exécuter toute autre tâche que lui confie le premier président et le procureur général dans la perspective de l’accomplissement harmonieux des missions dont la Cour suprême a la charge.

iiiii. Le premier président

Le premier président de la Cour suprême a des attributions tantôt administratives, tantôt juridictionnelles.

Les missions extra juridictionnelles sont éparpillées dans divers textes en lien avec la justice. Qu’à cela ne tienne, on relèvera que le soin lui revient de présider la commission permanente de discipline des magistrats du parquet[299] ;de répartir dans les chambres, après avis du bureau, les conseillers en service à la cour[300] ;d’affecter, sur proposition du greffier en chef et après avis du bureau, les fonctionnaires de greffes en service à la cour[301] ; de fixer les dates et heures des audiences ordinaires de la Cour suprême après avis de l’assemblée générale ;de présider l’audience solennelle de rentrée de la haute juridiction341. C’est encore au premier président que revient le soin de produire annuellement, avec le concours du procureur général, ce rapport sur le fonctionnement de la juridiction dont copie doit être transmise au président de la République, et dans lequel sont exposées les difficultés rencontrées dans l’application des textes assortis des suggestions susceptibles pour l’avenir de les surmonter[302]. Seul le premier président a le pouvoir, en matière non répressive, de réduire de moitié ou exceptionnellement de deux tiers quelques-uns des délais de procédure343. Enfin, à en croire le décret n° 93/087 du 15 mars 1993 fixant les modalités de répartition des émoluments des greffes des cours et tribunaux modifié en 1997 par le décret n° 97/078 du 25 avril 1997, celui-ci a compétence pour procéder à la répartition de la prime de rendement.

S’agissant de ses missions juridictionnelles, elles sont nombreuses.

Au nombre de celles-ci, une place à part doit être réservée à celles que l’on rattache aux procédures forcées de recouvrement. Sur ce terrain, la formule est ancienne, héritée de la loi n° 2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l’exécution et fixant les conditions de l’exécution des actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales étrangères, qui veut que le juge du contentieux de l’exécution des décisions judiciaires nationales soit le président de la juridiction dont émane la décision contestée, statuant en matière d’urgence ou le magistrat par lui délégué à cet effet[303]. Lorsque ce juge est le premier président de la Cour suprême ou le magistrat par lui commis à cette tâche, ajoute en substance le même article, « sa décision est insusceptible de recours ».

On le sait aujourd’hui mieux qu’autrefois, cette prérogative n’a pas manqué d’alimenter des discussions. L’une des plus enflammées a consisté à attirer l’attention sur le fait que la décision des juridictions de première saisine tranchant des litiges liés à l’exécution doit pouvoir essuyer des recours. A l’examen, cela revient à dire que la perspective de l’intervention du premier président ne rejoint pas les contours de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. C’est que celui-ci prescrit, mot pour mot, que « La juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui ». Au-delà, le même article ajoute, s’agissant du juge du contentieux de l’exécution, que sa décision est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé.

Sur cette querelle, et comme cela était prévisible, la Cour commune de justice et d’arbitrage a été interpellée. Elle s’est prononcée en décidant à maintes reprises que les premiers présidents des cours suprêmes nationales ne sont pas les juges du contentieux de l’exécution, du moins lorsque l’on se situe dans la perspective du système OHADA des procédures forcées de recouvrement. Dans le sillage de la position de la haute juridiction communautaire, ces juges doivent se situer au premier degré de juridiction, de sorte que la gestion du différend en lien avec le recouvrement forcé puisse toujours offrir l’occasion de faire jouer la règle cardinale du double degré de juridiction au cœur du procès équitable.

Au nombre des missions juridictionnelles se trouvent également, en bonne place, celles qui ont trait au sursis à exécution. Cette attribution spécifique est développée dans différents textes de procédure, et notamment dans la loi n° 92/08 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice[304]. En réalité, la voie de recours qui la cristallise permet au justiciable ayant perdu le procès en appel, et qui s’est pourvu devant la Cour suprême, par simple requête adressée au président de ladite juridiction, d’obtenir que soit suspendue l’exécution de l’arrêt attaqué[305]. Le chef de la haute juridiction statue dans le délai de quinzaine à compter de l’enregistrement de la requête. De deux choses l’une. Soit la demande est rejetée ; soit les suites attendues par son auteur lui sont réservées. Dans la dernière éventualité, le loisir est logiquement accordé au premier président, pour garantir l’exécution de la décision à intervenir, et au choix du requérant, soit d’assortir son ordonnance de l’obligation de consigner, soit de l’accompagner de l’obligation de produire urgemment une caution bancaire[306]. Au fond, l’exécution de l’arrêt de la juridiction d’appel ne sera généralement remise en cause que lorsque le demandeur au pourvoi présentera un certificat de dépôt délivré par le greffier en chef de la Cour suprême. Moins linéaire est la situation en matière administrative où le président de la chambre administrative a, pendant longtemps, été appelé à se prononcer sur les demandes de sursis à exécution. On devine alors de nos jours, au plus vite, que la question relève dorénavant des attributions des juridictions administratives et précisément du président de celles-ci. Plusieurs ordres de juridiction ont donc compétence lorsque le sursis à exécution est en cause.

Section 2. Les juridictions modernes d’un autre ordre[307]

Au plan interne, à côté des juridictions de l’ordre judiciaire se trouvent le tribunal administratif, le tribunal des comptes et enfin, le Conseil constitutionnel.

Paragraphe 1. Le tribunal administratif

Les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif ont récemment vu le jour au terme d’une longue gestation. Certes, leur apparition remonte à la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972 ; mais le mérite de leur consécration définitive est à attribuer à la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des « Administrative Courts », encore appelés « Lower courts for administrative litigations ». Pour rendre aisée leur compréhension, les rédacteurs de ce texte ont suggéré, d’abord et avant tout, de s’intéresser à leur structuration. Ensuite seulement, un mot a été dit au sujet de leurs attributions.

A. Structuration

Le tribunal administratif a sa composition et son organisation, mais également un ressort de compétence.

1. Composition, organisation

Au sujet de la composition de cette juridiction, l’article 6 de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 prévoit simplement, d’une part le siège, d’autre part le parquet.

Au siège, on retrouve le président du tribunal, un ou plusieurs juges, un greffier en chef, des greffiers.

Au parquet, on retrouve le procureur général près la Cour d’appel du ressort du tribunal administratif, un ou plusieurs substituts du procureur général.

A l’examen, il se découvre instamment que le parlement n’a pas souhaité que le tribunal administratif soit, à l’instar d’autres juridictions, organisé autour de chambres. L’option a sa logique. Le contentieux relevant de la compétence de cette juridiction a la particularité d’être à la fois spécialisé et relativement homogène. Dès lors, les magistrats chargés de son règlement devraient avoir, dans le cours de leur formation, acquis des connaissances et habiletés susceptibles de faciliter l’accomplissement de la mission qui leur incombe au service du tribunal. Reste à espérer, sur le terrain, que la construction ne soit pas artificielle notamment parce que les magistrats n’ont pas tous une bonne connaissance du droit des finances publiques, du droit fiscal, du droit de la sécurité sociale, du droit foncier et domanial…

A l’examen, il se découvre nettement que le parlement n’a pas vraiment souhaité conférer une autonomie importante au greffe. Effectivement, seule l’évocation du greffier en chef, puis celle des fonctionnaires des greffes en poste au siège du tribunal conduit le lecteur de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 à penser ici à l’existence d’un greffe. Seule l’analyse avec recul de la configuration du parquet offre l’occasion de découvrir que celui-ci peut difficilement se passer des services de fonctionnaires de rattachés à un greffe propre à la juridiction administrative de première saisine. Seul l’examen approfondi de l’article 11 de cette loi met en évidence le fait que le greffier et le greffier en chef appartiennent impérativement au corps des fonctionnaires des greffes, mais surtout que leur désignation s’opère conformément aux exigences du statut de ce corps.

A l’examen, il se comprend aisément que le parquet du tribunal administratif est, en quelque sorte, un parquet d’emprunt[308]. Si la solution peut réjouir lorsque la juridiction vient d’être créée et n’est pas suffisamment connue du public, il ne fait pas de doute que cette même situation pourra un jour la desservir. C’est assez dire qu’on devra bien envisager, après une période de transition, que le ministère public acquiert ici son autonomie, et donc d’avantage d’indépendance et « d’encadrement » du ministre de la justice. Rien ne s’oppose d’ailleurs à ce que ce saut qualitatif soit échelonné au sens où il ne s’opèrerait pas dans toutes les régions au même moment. Même dans l’hypothèse du choix d’une autonomisation graduée du ministère public, on devrait encore s’assurer, pour ceux dont les parquets ne deviendraient pas rapidement autonomes, que les parquets généraux des cours d’appel soient suffisamment approvisionnés en ressources humaines. La précaution sera d’autant plus salutaire que ceux-ci ont vocation à servir à plusieurs juridictions, notamment aux tribunaux régionaux des comptes. Aucun espoir n’est donc déçu lorsqu’une juridiction suprême estime que les magistrats rattachés au Ministère public n’ont pas, directement ou indirectement, à assister au délibéré ou à y être présents.

A l’examen, on peut s’inquiéter, ici, de l’absence d’une véritable instruction. L’inquiétude n’est pas infondée. Il est prescrit aux articles 37 et 44 de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 que dès l’enregistrement de la requête, le président du tribunal administratif est tenu de désigner un rapporteur qui, sous son autorité, dirige l’instruction de l’affaire. Au terme de l’instruction, que l’intéressé clôture, le dossier est rétabli au greffe sans que le rapport dressé y soit joint. Dans une tournure d’esprit similaire, les articles 65 et suivants de cette loi sont développés sous un chapitre 4 intitulé « Des mesures d’instruction ». Ce chapitre et la panoplie des mesures qui y sont développées offrent la preuve que le législateur a eu conscience de ce que des investigations seront parfois indispensables à la manifestation de la vérité devant les tribunaux administratifs. Malheureusement, la logique de ce raisonnement n’a pas conduit à envisager qu’une formation autonome ait la charge de l’instruction comme c’est le cas devant les juridictions de l’ordre judiciaire ; alors paradoxalement que l’on pouvait craindre que l’obligation de réserve des agents publics ne rende pas aisée la communication d’informations indispensables à un procès équitable.

A l’examen, la préoccupation ne peut ne pas surgir de savoir si le personnel appelé à servir au profit de la juridiction administrative ne devrait pas, comme sous d’autres cieux, être spécialisé en droit public ou au moins en matière administrative. Quelques-uns n’y sont pas favorables. Au soutien de cette manière de voir, ils évoquent la difficulté de former dans un laps de temps court, et en nombre suffisant, des magistrats qui ne s’intéresseraient qu’au contentieux se rapportant à la matière administrative. Est également évoquée, entre autres, la formation des magistrats qui, à ce jour, ne sacrifie fondamentalement ni le droit public ni le droit privé. Une autre frange de la doctrine est favorable à l’avènement d’un juge administratif spécialisé. A l’appui de cette grille de lecture sont convoquées la complexité et la « pureté du droit administratif »[309] ; le risque que le juge de l’administration connaisse mal cette dernière et donc ne tienne pas toujours compte de ses spécificités et de celles que charrie son action ; la difficulté voire l’impossibilité pour le même homme de maîtriser à la fois les règles à appliquer pour trancher les différends opposant les particuliers d’une part, et ceux à l’aune desquels se dénouent les litiges mettant aux prises tantôt les particuliers et l’administration, tantôt les personnes morales de droit public d’autre part[310].

Là n’est pas tout. Que ceux-ci soient du siège ou du parquet, les membres de la juridiction sont, en principe, des magistrats professionnels. L’exigence n’est cependant pas d’application stricte. Les besoins du service peuvent imposer le recours à des juges ou à des substituts en service extraordinaire. Sont visés : les professeurs de droit des universités ayant exercé comme enseignant pendant au moins dix années consécutives ; les chargés de cours en droit des universités ayant exercé comme enseignant pendant au moins quinze années consécutives[311] ; les fonctionnaires de la catégorie A et des cadres contractuels d’administration titulaires d’une maîtrise en droit ayant exercé leurs fonctions pendant au moins quinze années consécutives.

Des querelles surgiront à la lecture de ces exigences touchant à l’échevinage.

L’une d’entre elles portera sur le point de savoir si seuls les enseignants des universités publiques sont concernés. C’est qu’au Cameroun existent désormais, à côté des « universités d’Etat », des institutions privées d’enseignement supérieur…

Une autre querelle portera sur le point de savoir si la désignation des magistrats en service extraordinaire issus des universités concerne à la fois les enseignants de droit public et de droit privé. Dans le sillage de cette préoccupation, quelques-uns pourront aller jusqu’à s’inquiéter que les politistes soient exclus de la catégorie de ceux pouvant être appelés à servir auprès des tribunaux administratifs en qualité de magistrats non professionnels. D’autres regretteront que toutes les spécialités susceptibles de prêter main-forte en vue d’une justice administrative éclairée à l’instar de la gestion ou des TIC ne soient pas citées[312].

La procédure de désignation des magistrats non professionnels et la durée de leurs fonctions, elles aussi, opposeront les gens. C’est que l’article 8 (2) retient une période de cinq ans sans que l’on sache si celle-ci peut être renouvelée. C’est incontestablement aussi que peu de gens peuvent, avec rigueur ou sans hésiter, situer le point de départ de cette fourchette de temps. C’est, enfin, qu’on a du mal à répondre à la préoccupation de savoir si l’accès à la « magistrature d’un jour » suppose une demande de la part de celui qui s’y intéresse ou, à l’opposé, si le soin revient au président de la République ou à un tiers d’en décider unilatéralement. A supposer que l’une ou l’autre des pistes soit privilégiée, il resterait encore à renseigner à propos du détail du dossier et des étapes qui y conduisent. Malheureusement, aucun précédent n’existe, susceptible de donner des orientations même rapides en l’absence d’un encadrement textuel.

La dernière source de conflits proviendra du point de savoir si les magistrats non professionnels pourraient présider la juridiction ou trôner à la tête du parquet. La raison en est que les articles 9 et 10 relèvent laconiquement, chacun à son tour, que le président, les juges et les magistrats du ministère public près le tribunal administratif sont « nommés conformément au texte portant statut de la magistrature ».

En tout état de cause, les animateurs des débats gagneront à se souvenir de trois détails importants.

Primo, que depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2012/189 du 18 avril 2012 modifiant et complétant les dispositions du décret du 3 novembre 2000 modifiant le tableau annexe « A » du décret n° 95/048 du 8 mars 1995, le personnel du tribunal administratif est hiérarchisé. Son président et son procureur général sont au moins des magistrats hors hiérarchie ou du quatrième grade. Les juges et l’avocat général sont eux aussi des magistrats hors hiérarchie ou du quatrième grade. Les substituts du procureur général et quelques autres juges sont du troisième grade. Les « chargés d’études, chargés du contentieux administratif », les « chargés du contentieux administratif » et les attachés au parquet général sont des magistrats soit du deuxième grade, soit du premier grade.

Secundo, qu’avant d’entrer en fonction, le personnel en service extraordinaire est tenu de prêter serment.

La formalité est accomplie devant la Cour suprême siégeant en audience solennelle[313] ;

Tertio, que pendant l’exercice de leurs fonctions, les magistrats non professionnels relèvent, au plan disciplinaire, du statut de la magistrature[314]. Assez couramment, leurs activités épouseront le ressort de compétence de la juridiction au profit de laquelle ceux-ci servent.

2. Ressort

Le ressort territorial du tribunal administratif est exposé à l’article 5 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs. En substance, il y est résolu que la juridiction est créée par région et qu’elle est appelée à siéger au chef-lieu de celle-ci.

L’exigence de l’existence d’une juridiction administrative inférieure à l’échelle de chacune des régions du pays ne doit pas induire en erreur. Effectivement, l’article 5 déjà évoqué[315] prévoit clairement que, suivant les nécessités de service, le ressort d’un tribunal administratif peut s’étendre à différentes régions. Seulement, cette compétence est réservée au seul président de la République qui, alors, devra impérativement décréter.

Bien inspirée, la restriction suscite néanmoins une réflexion. Au départ de celle-ci se trouve le constat qu’on aurait dû envisager, à l’opposé de l’extension du ressort d’un tribunal à plusieurs régions, qu’une telle circonscription puisse comporter plus d’une juridiction administrative inférieure lorsque le contentieux y est abondant. La solution s’imposait sans effort s’agissant de régions densément peuplées ou de celles où l’on retrouve un nombre important de personnes morales de droit public et d’autorités administratives. La solution semblait en phase avec l’accélération du processus de décentralisation annoncée de longue date, laquelle devrait provoquer un accroissement du contentieux de droit public au plan local. A défaut de telles constructions, et compte tenu du souci de rapprocher la justice du justiciable, l’option pouvait encore être retenue d’organiser dans les frontières de la région, même à une périodicité lâche, des audiences foraines. Il était d’ailleurs aussi possible d’envisager que le tribunal administratif soit doté d’un siège principal et de sièges secondaires dans tel département ou arrondissement où celui-ci est nécessaire. Dans cette construction, le siège secondaire aurait pu avoir tantôt un personnel non permanent ou « temporaire », tantôt un personnel permanent. D’une certaine manière, on se rapprocherait du modèle d’organisation de certains mouvements et institutions religieux caractérisés par une certaine flexibilité dans la gestion de leur « personnel » et de leurs « biens », singulièrement lorsque ce personnel et ces biens sont insuffisants alors par ailleurs que « les âmes à sauver » sont nombreuses.

Prenant à contrepied l’analyse qui précède, le législateur a retenu un schéma unique, orienté vers l’extension de la compétence territoriale d’une juridiction administrative à différentes régions. Assez curieusement, le spectre de l’extension n’a pas lui-même été circonscrit. Du coup il n’est pas à exclure, l’un de ces jours, notamment à la faveur du désir de concentrer les pouvoirs dans perspective de contrôler la justice, que le ressort du tribunal administratif d’une région soit étendu à la totalité des autres régions du pays. On imagine mal, dans un tel scénario, que la juridiction ayant le bénéfice d’un accroissement territorial de compétence ne soit pas celle dont le ressort couvre la capitale « politique » de l’Etat.

Reste à souligner, pour finir :

  • Que le tribunal administratif territorialement compétent ne se choisit pas au hasard. Il s’agit, au regard de la nature du litige, de celui dans lequel a légalement son siège l’autorité dont émane la décision attaquée ; de celui de la résidence du demandeur ; de celui de la situation des biens ; de celui du lieu du contrat, de celui du fait dommageable lorsque celui-ci est imputable à une décision[316]358. Cette même juridiction, compétente quant au principal, l’est également pour toute demande accessoire, incidente ou reconventionnelle en lien avec ses attributions[317] ;
  • Que la loi fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs prévoyait une mise en place progressive de ceux-ci, « en fonction des besoins et des moyens de l’Etat ». Du coup, il a fallu patienter de longues années pour voir les premiers d’entre eux entrer en activité, ce qui entretemps a remis à l’ordre du jour la question de savoir si l’on ne pouvait pas envisager la fusion de la juridiction administrative et de la juridiction des comptes. Heureusement, dans l’attente de cette occurrence, la chambre administrative de la Cour suprême exerçait provisoirement les attributions des juges de droit commun du contentieux administratif[318].

B. Compétence matérielle

La compétence du tribunal administratif doit être distinguée de celle du chef de cette juridiction.

1. Compétence du tribunal lui-même

Le tribunal administratif est compétent en matière administrative entendue au sens strict. On doit dissocier cette attribution de sa compétence en matière électorale, laquelle prend de l’ampleur à la faveur notamment du développement institutionnel et de ce que l’on pourrait qualifier d’avancées de la démocratie au Cameroun.

a. La compétence en matière administrative strictement entendue  

D’après les articles 2 et 14 de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 précitée, les tribunaux administratifs s’intéressent, en premier ressort, à l’ensemble du contentieux administratif.

Le contentieux administratif comprend tout d’abord les recours en annulation pour excès de pouvoir et, en matière non répressive, les recours incidents en appréciation de la légalité. A ce niveau, la précision est utilement apportée que l’excès de pouvoir susceptible d’être déféré devant le tribunal regroupe le vice de forme, l’incompétence, le détournement de pouvoir, la violation d’une disposition légale ou règlementaire

Le contentieux administratif comprend, également, les litiges concernant les contrats administratifs ou les concessions de services publics.  

Des remarques s’imposent que l’on ne saurait passer sous silence.

Premièrement, le tribunal administratif examine le contentieux administratif concernant non seulement l’Etat, mais aussi les collectivités territoriales décentralisées et les établissements publics administratifs[319]. Au demeurant, personne ne conteste sérieusement son aptitude à se prononcer sur certaines décisions rendues par des personnes morales de droit privé dès lors que ces dernières sont hissées au rang d’actes administratifs…

Deuxièmement, et on le sait depuis longtemps, ne doit être attaqué que l’acte administratif qui fait grief. Malheureusement, les méandres du grief sont demeurés imprécis. Face au silence des textes, une doctrine autorisée a préconisé que, pour qu’un acte administratif soit considéré comme tel, celui-ci doit appartenir au groupe de ceux qui ont des conséquences juridiques susceptibles de « modifier l’ordonnancement juridique…»[320].  

Troisièmement, obligation est faite aux tribunaux administratifs de statuer immédiatement, par décision avant dire droit distincte, sur les exceptions d’incompétence dont ils sont saisis, lesquelles auraient leurs racines dans l’article 2 de la loi n° 22/022 du 29 décembre 2006, sans possibilité de joindre l’incident au fond[321]. De même, obligation est faite aux juridictions administratives de surseoir à statuer lorsque les justiciables soulèvent devant elles une difficulté d’interprétation ou d’appréciation de la légalité d’un acte législatif ou règlementaire. En de telles circonstances, elles sont tenues de renvoyer la question posée devant la chambre administrative de la Cour suprême pour avis[322] ; l’auguste juridiction étant elle-même tenue d’examiner la difficulté à elle déférée dans les trois mois de sa saisine…365  

Au fond, et à l’examen, le tribunal administratif est privé d’autres chefs de compétence que d’aucuns ne manquent pas de lui attribuer en raison d’une lecture rapide de la loi n° 22/022 du 29 décembre 2006.

A titre d’exemple, l’exigence est posée à l’article 3 de ce texte que les tribunaux de droit commun connaissent des emprises et des voies de fait administratives ; que ces juridictions ont seules compétence pour ordonner les mesures susceptibles d’y mettre fin ; que la chambre administrative de la Cour suprême a seule compétence lorsqu’une exception préjudicielle est soulevée en matière de voie de fait administrative ou d’emprise irrégulière[323]. Sans doute convient-il de ne pas perdre de vue, malgré les flottements que l’on relève parfois en jurisprudence, que l’emprise se traduit par une atteinte par l’administration à une propriété immobilière, laquelle est tantôt provisoire, tantôt définitive. Quant à la voie de fait, elle renvoie davantage, et quoi qu’en dise la Cour suprême, à l’attitude de l’administration consistant, par un acte manifestement illégal, à porter atteinte à une liberté publique ou à une propriété privée. En semblable occurrence, rien ne choque a priori que l’on permette à la juridiction judiciaire d’intervenir afin de mettre urgemment un terme à l’illégalité en cause. Mais, et les textes semblent constants sur ce point, cette intervention du juge non administratif est précédée de celle du juge administratif dont la mission est alors de constater préalablement l’illégalité alléguée ou, si l’on préfère, d’apprécier le caractère régulier ou irrégulier de l’acte administratif querellé et de le qualifier[324]. A la lueur de cette grille de lecture, la doctrine n’a de cesse de stigmatiser la violation du régime légal de répartition de compétences en matière de voie de fait ou d’emprise par les juges[325].  

A titre d’exemple toujours, il est souligné à l’article 4 de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 précitée que, comme les autres juridictions appelées à rendre la justice sur le territoire de la République du Cameroun, les tribunaux administratifs n’ont pas à plancher sur les actes de gouvernement. Précisant le sens de cette formule, la jurisprudence retient que, sont concernés, les actes touchant aux rapports du gouvernement avec le parlement à l’instar de la convocation du corps électoral en vue d’élections au parlement, les décisions relatives au droit d’initiative des lois et singulièrement le dépôt ou le retrait de projets de loi. Appartiennent également à cette catégorie, semble-t-il, les décisions se rapportant à la désignation des chefs traditionnels[326]. Sont enfin à ranger dans le groupe des actes de gouvernement, les actes juridiques ayant trait aux relations avec les Etats étrangers : négociation, paraphe et signature, mesures d’exécution, instructions aux agents diplomatiques, protection des diplomates, etc.  

A titre d’exemple encore, la majorité estime que les juridictions de l’ordre judiciaire connaissent du contentieux opposant les agents publics relevant du Code du travail à leur employeur[327]. A l’appui de cette grille de lecture se trouve notamment le Code du travail dont l’article 1 indique, à propos de son champs d’application rationae personae, que celui-ci exclut les personnels régis par la statut général de la fonction publique, le statut de la magistrature, le statut général des militaires, le statut spécial de la sûreté nationale, le statut de l’administration pénitentiaire, les personnels régis par les « dispositions particulières applicables aux auxiliaires d’administration ». A l’appui de cette grille de lecture se trouvent notamment les articles 43 et 46 de la loi n° 2017/010 du 12 juillet 2017 portant statut général des établissements publics[328], mais aussi l’article 25 de la loi n° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques[329]. En substance, ces textes décident que le personnel des établissements publics, des sociétés à capital public ou des sociétés d’économie mixte, les fonctionnaires ou agents de l’Etat en détachement ou affectés dans une entreprise relèvent, pendant la durée de leur emploi, de la législation du travail, sous réserve des dispositions du statut général de la fonction publique relatives à la retraite, à l’avancement, à la fin du détachement373[330]. Mieux encore, il s’y découvre que « Les conflits entre le personnel et l’établissement public relèvent de la compétence des juridictions de droit commun ». A l’appui de cette grille de lecture se trouve le statut général de la fonction publique[331] dont l’article 10 prévoit que ses dispositions ne concernent pas les personnels recrutés et gérés directement par l’assemblée nationale, les agents des collectivités publiques locales, des organismes para-publics et des établissements publics à caractère administratif, culturel, scientifique, industriel et commercial n’ayant pas la qualité de fonctionnaire, les agents de l’Etat relevant du Code du travail, les auxiliaires de l’administration, les magistrats, les militaires, les fonctionnaires de la sureté nationale et de l’administration pénitentiaire[332]. A l’appui de cette grille de lecture se trouve le décret n° 78/484 du 9 novembre 1978 fixant les dispositions communes applicables aux agents de l’Etat relevant du Code du travail, dont l’article premier en dresse la liste et renvoie pour le contentieux y relatif aux juridictions non administratives. A l’appui de cette perception se trouve enfin, et cela n’est pas à négliger, une jurisprudence constante de la Cour suprême du Cameroun. On songe notamment à l’arrêt BCD contre Tsanga Soter du 14 juillet 1977, puis à l’arrêt Procureur général près la Cour suprême contre Menado Williams du 15 février 1966[333].  

A titre d’exemple encore, il est souligné, à l’article 3 de la loi n° 22/022 du 29 décembre 2006, que les tribunaux de droit commun connaissent, conformément au droit privé, de toute action ou de tout litige, y compris lorsque celui-ci met en cause les personnes morales de droit public. On ne le comprend que trop, le domaine du contentieux administratif est circonscrit de manière restrictive.

A titre d’exemple enfin, certains actes pris par une autorité administrative ou par un agent public en cette qualité peuvent néanmoins déboucher sur des poursuites devant les juridictions judiciaires, que cellesci soient non répressives ou répressives. Sur ce terrain, on songe aux voies de fait et aux emprises, singulièrement lorsqu’il s’agit d’y mettre un terme, voire de réparer le préjudice qui en découle. On songe ici au contentieux touchant aux arrestations et séquestrations irréguliers, aux abus de fonctions intervenus notamment lors de l’exercice des missions liées à la police judiciaire. On entrevoit l’issue des litiges en lien avec la défaillance du « requis », avec le refus d’exécuter une décision de justice devenue définitive, avec le détournement des biens publics que ce soit devant le tribunal criminel spécial ou devant les tribunaux de première ou de grande instance. Dans une certaine mesure, on entrevoit le contentieux relatif à la corruption et à sa répression, à l’intérêt dans un acte, à la concussion au détriment de l’Etat, aux déficits non signalés, aux faux, au favoritisme, au refus d’un service dû, à la dégradation des biens publics classés, etc. Il a parfois un lien avec la matière électorale.

b. La compétence en matière électorale  

La juridiction administrative de base, pour ainsi dire, a depuis peu une compétence matérielle dont les racines sont développées dans le Code électoral issu de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 qui introduit cet instrument juridique au Cameroun. Ce chef de compétence, hérité pour l’essentiel de la Chambre administrative de la Cour suprême, est relatif tantôt à l’élection des conseillers municipaux, tantôt à celle des conseillers régionaux[334].

A propos de l’élection des conseillers municipaux, l’article 176 du Code électoral retient que l’inéligibilité est ici constatée par la juridiction administrative, à la diligence de toute personne intéressée ou du ministère public. L’article 189 ajoute, s’agissant des déclarations de candidature et de leur acceptation, que la décision d’acceptation ou de rejet d’une liste de candidats est susceptible de recours devant le juge administratif à l’initiative soit du candidat, soit du mandataire de la liste intéressée ou de toute autre liste, soit de l’électeur inscrit sur la liste électorale de la commune. Le reste, développé à l’article 184, ne surprend guère. Son noyau dur est que tout candidat ou personne ayant la qualité d’agent du gouvernement peut réclamer l’annulation des élections municipales devant la juridiction administrative compétente.

A propos de l’élection des conseillers régionaux, il est résolu, lorsque les opérations préparatoires au scrutin sont au cœur du débat, singulièrement la décision d’acceptation ou de rejet des candidatures, que le soin pourrait revenir à la juridiction administrative de trancher. Simplement, le tribunal administratif est alors saisi soit par le candidat, soit par le mandataire d’une liste, soit par « tout membre d’un collège électoral »[335]. Pareillement, lorsque la campagne électorale est engagée, les contestations se rapportant à la couleur, au sigle, au symbole choisis par un candidat ou un groupe de candidats inscrits sur une liste relève de la juridiction administrative[336]. Enfin, et tel est le sens de l’article 267 réservé au contentieux électoral, l’électeur, le candidat et le représentant de l’Etat dans la région peuvent saisir le tribunal administratif, sur simple requête, d’une demande en annulation totale ou partielle des opérations électorales.

A l’examen du chef de compétence relatif aux élections en cause ici, différents éléments frappent au plan procédural. Tous convergent vers la célérité. Compte tenu des enjeux en cause ici, l’audience de jugement de telles affaires sera parfois présidée par le chef de juridiction.

2. Compétence du président du tribunal

Les chefs de juridictions ont des missions ayant une connotation strictement administrative, même si elles ont des répercussions sur les fonctions de la juridiction à la tête de laquelle on les retrouve. Le président de la juridiction de droit commun du contentieux administratif n’échappe pas à cette réalité séculaire. A titre d’exemple, le soin lui revient, après l’enregistrement de la requête introductive d’instance, de désigner un rapporteur qui, sous son autorité, dirigera l’instruction de la cause. C’est lui qui peut accélérer les affaires en réduisant quelques-uns des délais de procédure tantôt de moitié, tantôt de deux tiers[337].

Au-delà, des missions sont réservées au président qui, elles, est éminemment juridictionnelles.

Le président du tribunal administratif connait tout d’abord du référé administratif. Effectivement, l’intéressé peut, dans les cas d’urgence, sur requête et si le demandeur justifie de l’introduction d’un recours gracieux, les parties convoquées et après conclusions du ministère public, ordonner en référé toutes mesures utiles, sans préjudicier au principal[338]. A l’analyse, et cela est important, il apparait nettement que le président du tribunal administratif ne prendra pas une ordonnance de référé lorsqu’une situation ne sera pas urgente, lorsque le maintien de l’ordre public sera susceptible d’être compromis, lorsque la conviction ne sera pas acquise que les mesures sollicitées sont utiles, lorsqu’aucune contestation sérieuse n’existera susceptible de porter préjudice au principal qui, lui, est à venir…[339]

On l’aura compris de ce qui précède, le référé revêt les habits d’une mesure d’attente dont la finalité est de geler une situation contentieuse afin d’écarter immédiatement un péril qui menace à très court terme les droits ou les intérêts du requérant. Classiquement, et selon une formule consacrée, la mesure permet au président du tribunal administratif, tout en sauvegardant les droits du requérant, de s’assurer lorsqu’une décision interviendra au fond que les effets de celle-ci soient entiers, c’est-à-dire que le jugement futur ne soit pas « un coup d’épée dans l’eau » parce que privé de son effectivité. Au final, la procédure d’urgence va parfois faciliter la préparation d’un procès à venir ; elle va rendre possible, dans certains cas, la conservation ou la recherche d’éléments de preuve touchant à un dommage ou à des situations particulières qui y seront examinés.  

Ensuite, le président du tribunal administratif a des attributions touchant à l’exécution des décisions rendues à l’étranger. En ce sens, l’article 9 de la loi n° 2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l’exécution et fixant les conditions de l’exécution des actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales étrangères dispose : « l’exécution des décisions étrangères rendues en matière administrative est poursuivie devant le président de la juridiction administrative compétente (…) » Faussement claire, cette formule posera demain un problème sérieux, celui de savoir ce qui est ici en cause. S’agit-il d’actes administratifs ou d’actes juridictionnels ? En attendant l’éclairage de la jurisprudence, nombreux sont ceux qui estiment que les décisions étrangères concernées ici sont de nature juridictionnelle. A leur sens, on doit en exclure les actes administratifs venant de l’étranger[340].

Enfin, le président du tribunal administratif a des attributions ayant trait au sursis à exécution. Lorsque l’exécution d’un acte administratif est de nature à causer un préjudice irréparable alors même que celui-ci n’intéresse ni l’ordre, ni la sécurité, ni la tranquillité publics, le chef du tribunal administratif régional peut ordonner le sursis à exécution[341]. En tant que décision par laquelle ce magistrat décide de suspendre provisoirement l’application d’un acte administratif dont la légalité est contestée devant lui, étant entendu au bout du compte qu’un ordre sera donné à l’administration de différer l’exécution jusqu’à ce qu’intervienne une décision sur le fond, le sursis n’est possible qu’à des conditions très rigoureuses. Il faut, tout d’abord, que la mesure soit sollicitée, puis que l’exécution d’un acte administratif soit de nature à causer un préjudice irréparable au requérant. Il faut, ensuite, que la décision susceptible d’être privée du privilège de l’exécution d’office ne se rapporte pas à l’ordre public. Ces exigences satisfaites, le président du tribunal n’est jamais tenu de prononcer le sursis, puisqu’un pouvoir d’appréciation des circonstances particulières de chaque espèce lui est reconnu et que le dossier de l’affaire doit notamment être communiqué au parquet général dont les conclusions sont parfois décisives…. Ces exigences matricielles ont été rappelées en jurisprudence, notamment par la Cour suprême et par différents tribunaux administratifs[342]. Il est arrivé que cette jurisprudence ait un lien avec les sciences de gestion.

Paragrapge 2. Le tribunal des comptes

Les juridictions de première saisine rattachées à l’ordre des comptes (appelées « Lower audit court » ou « Regional audit court » en langue anglaise) ont un ressort, une composition et une organisation mais surtout des attributions.

A. Ressort

Considérés par quelques-uns comme des juridictions administratives à compétence spéciale, les tribunaux formant l’ordre des comptes sont placés sous le contrôle de la chambre des comptes de la Cour suprême.

Créées par région, d’où l’appellation tribunaux régionaux de comptes, ces juridictions ont leur siège au chef-lieu de l’unité administrative visée.

Parce que la probabilité était élevée que le taux de processivité ne soit pas partout le même et donc que certains tribunaux des comptes soient « sous-utilisés », il a été à juste titre prévu que le ressort de l’un peut s’étendre, au gré des besoins du service, à plusieurs régions. La seule zone d’ombre c’est que l’on ne se soit pas soucié de savoir si l’encombrement du prétoire dans une région ne pourrait pas avoir comme conséquence la multiplication ici des tribunaux inférieurs des comptes. Dans le même sens, l’étendue géographique de certaines régions ou les difficultés liées au déplacement dans ces dernières auraient pu conduire à songer à des audiences foraines. Dans le même registre rien ne s’opposait à ce que l’on dote la juridiction de sièges secondaires dans des circonscriptions administratives où les questions à examiner par le tribunal régional des comptes seront abondantes.

Fort heureusement, les dispositions transitoires et finales de la loi n° 2006/017 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation, les attributions et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes ont, à leur manière, rattrapé ces flottements. Effectivement, il y est écrit en substance que la mise en place de ces juridictions s’effectuera progressivement, en fonction des besoins et des moyens de l’Etat ; qu’en attendant leur avènement, la chambre des comptes de la Cour suprême exercera leurs attributions[343]. Dans ce schéma de transition, les sections de la chambre des comptes de la cour sont invitées à statuer par jugement, en premier ressort et à charge d’appel ou de pourvoi devant les sections réunies de la haute juridiction. Dès l’entrée en activité des tribunaux régionaux des comptes, les dossiers pendants devant la chambre des comptes de la Cour suprême devront leur être transférés dans les meilleurs délais.

B. Composition, formations 

Le tribunal a une composition inédite que dévoile notamment l’article 3 de la loi n° 2006/017 du 29 décembre 2006.

Au siège se trouvent un président ; des présidents de section ; des juges ; des greffiers ; des greffiers en service extraordinaire ; des auditeurs, des auditeurs stagiaires.

Au parquet se trouvent le procureur général près la Cour d’appel du siège du tribunal ; un ou plusieurs substituts du procureur général près ladite cour ; en tant que de besoin, des substituts du procureur général en service extraordinaire.

De ce qui précède, il se révèle spontanément que le personnel du tribunal est en principe issu du corps des magistrats ou de celui des fonctionnaires de greffes. Néanmoins, parce que la juridiction est de création récente, on ne pouvait ne pas envisager l’hypothèse d’un emprunt du personnel.

A cet égard, il a tout d’abord été prévu que le parquet de la Cour d’appel du ressort est également celui du tribunal régional des comptes[344].

A cet égard, il a ensuite été prévu que, pour les besoins du service, des juges ou des substituts du procureur peuvent y être désignés pour une durée de cinq ans. Ceux-ci sont choisis parmi les professeurs d’université dans le domaine du droit, de l’économie, de la finance, de la gestion, de la comptabilité ayant exercé leurs fonctions pendant au moins dix années consécutives. Ceux-ci sont également choisis parmi les chargés de cours en droit, en économie, en gestion, en comptabilité des universités totalisant au moins quinze années consécutives d’exercice. Ceux-ci sont enfin désignés parmi les cadres de l’administration de catégorie A, les contractuels d’administration de la 10e catégorie au moins, dès lors que ces derniers ont exercé leurs fonctions depuis au moins quinze années et sont titulaires d’une maîtrise ou d’un diplôme équivalent en droit, en économie, en finances, gestion, comptabilité. Dans l’un ou dans l’autre des cas, les juges et les substituts du procureur général en service extraordinaire doivent, avant le démarrage de leurs activités en ces qualités, prêter le serment prévu par le statut de la magistrature. Le rituel s’accomplit non pas devant le tribunal régional des comptes, mais devant la Cour d’appel siégeant en audience solennelle[345].

A cet égard, il a été envisagé que des greffiers en service extraordinaires aient à prêter un concours actif à l’activité confiée au tribunal régional des comptes.

La composition séduit lorsqu’on considère que la formation actuelle des magistrats ou des greffiers ne leur offrait pas vraiment des munitions pour animer efficacement cette juridiction. Elle réjouit lorsqu’on découvre l’effort fait de s’assurer que le parcours de ce personnel clé corresponde aux contours de la mission à ce jour assignée à la juridiction. Elle réconforte lorsqu’on en arrive à deviner que la prestation de serment devant la Cour d’appel siégeant en audience solennelle concourt à révéler au personnel en service extraordinaire la délicatesse et le sérieux de l’activité qui lui incombera pendant la durée de son mandat[346]. Le rattachement du régime disciplinaire des corps auxiliaires et judiciaires non permanents à celui des magistrats et greffiers permanents, enfin, confère cette sérénité dont le personnel de la justice a besoin pour demeurer indépendant et faire preuve d’impartialité.

Séduisante, la composition du tribunal régional des comptes laisse paradoxalement aussi songeur. C’est que, d’une part, il n’a pas été envisagé que les opérations comptables soient demain réalisées essentiellement par le biais des ressources informatiques. Or, les prévisions de l’Acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général sont là qui rendent cette réalité incontournable sur le court ou sur le moyen terme. C’est que, d’autre part, s’agissant des magistrats en service extraordinaire issus des rangs de l’université, non seulement le grade des maîtres de conférences a été occulté ; mais il n’est pas dit non plus si les enseignants d’universités non étatiques pourront servir par à-coup ici. Pareillement, et en ce qui concerne les greffiers en service extraordinaire, aucune piste n’a été dessinée à proposes critères minima sur la base desquels ceux-ci pourront acquérir cette qualité et officier au profit du tribunal régional des comptes. Au-delà, on peut regretter que les professionnels libéraux dont l’activité est même indirectement en lien avec celle du tribunal des comptes aient été perdus de vue. On songe notamment aux conseils fiscaux, aux experts comptables, aux notaires, aux huissiers de justice voire aux avocats.

Venant à ses formations, l’article 12 de la loi n° 2006/017 du 29 décembre 2006 pose que le tribunal régional des comptes est organisé en sections. Dans le détail, celles-ci sont au nombre de trois, à savoir la section de la région et des communautés urbaines, la section des communes, la section des syndicats de communes et des établissements publics communaux ou régionaux. A dire vrai, chaque section du tribunal se réunit tantôt en audience ordinaire, tantôt en audience des sections réunies, tantôt en chambre du conseil. En audience ordinaire, la section se compose du président de la section, de deux juges, du procureur général près la Cour d’appel du siège du tribunal ou de ses substituts. En sections réunies, le tribunal se compose du président du tribunal régional des comptes, des présidents de sections, de deux juges par sections, désignés par le président du tribunal, du procureur général près la Cour d’appel ressort. En chambre du conseil, le tribunal se compose du président du tribunal régional, des présidents de sections, des juges ; du procureur général près la Cour d’appel du ressort.

Il convient encore de relever, avant l’abandon des développements se rapportant à l’organisation et la composition de cette juridiction que le président du tribunal régional des comptes est suppléé, en cas d’absence ou d’empêchement, par le président de section le plus ancien dans le grade le plus élevé. A son tour, le président de section est remplacé, en cas d’empêchement, par le juge le plus ancien dans le grade le plus haut. A l’examen, la construction s’articule avec les missions dont le tribunal a la charge.

C. Compétence matérielle 

En occultant les attributions de la chambre des comptes de la Cour suprême qui n’est pas ici en cause, le tribunal régional des comptes a deux chefs de compétence essentiels.

L’un consiste à contrôler les comptes des collectivités territoriales décentralisées de son ressort et de leurs établissements publics ; de contrôler d’autres écritures comptables que la chambre des comptes de la Cour suprême pourrait lui confier.

L’autre consiste à statuer sur les comptes des collectivités territoriales décentralisées de son ressort et de leurs établissements publics. Dans le prolongement, le soin lui revient de juger les comptes qui lui sont attribués par la chambre des comptes de la Cour suprême ; de connaître de toute autre matière pouvant lui être expressément attribuée par la loi.

Des remarques s’imposent à propos de la compétence matérielle de cette juridiction.

La première remarque tient à ce que les comptes des comptables publics que le tribunal régional des comptes est appelé à examiner lui sont transmis par les intéressés eux-mêmes[347]. Ceux-ci sont tenus de les déposer au greffe, contre récépissé, dans un délai de trois mois suivant la clôture de l’exercice budgétaire[348]. Malheureusement, la pratique suit mal la norme[349]

La deuxième remarque tient à ce que l’activité du ministère public est peu ordinaire ici. A en croire l’article 11, pour ne viser que lui, le procureur général exerce ses fonctions par voie de conclusions et de réquisitions ; reçoit communication des rapports et éventuellement des contre-rapports ; défère au tribunal les opérations de nature à constituer des comptabilités de fait dès lors que celles-ci ont été portées à sa connaissance. Le texte ne s’arrête pas là. Il met à la charge de ce haut magistrat de requérir du tribunal, en cas de retard dans la production des comptes, l’application de l’amende prévue par la loi en ces circonstances ; lui impose d’assister aux séances des formations de la juridiction en lui offrant la possibilité d’y élever de nouvelles observations. Pareillement, le chef du parquet général a compétence pour saisir le ministre de la justice en cas de constatation de faits constitutifs d’infractions à la loi pénale. Sous le couvert du ministère de la justice, il a le pouvoir de saisir le conseil de discipline budgétaire et financière lorsque sont constatées des infractions à la loi relative au contrôle des ordonnateurs et des gestionnaires de crédits publics et de ceux des entreprises d’Etat. Enfin, la possibilité est offerte au procureur général, au moyen de rapports, d’informer le garde des sceaux sur le fonctionnement du ministère public près le tribunal régional des comptes, puis d’adresser copie de ses rapports au Procureur général près la Cour suprême.

La troisième remarque tient à ce que l’instruction des comptes à juger est confiée, par les présidents de section, à un rapporteur. Le concerné les examine et les confronte aux pièces justificatives en annexe, mais questionne également la valeur probante desdits documents. Au terme de ses investigations, et à l’issue de chaque année budgétaire[350], il dresse un rapport motivé sur les comptes qui lui ont été confiés[351]. Son rapport est transmis au président de la section l’ayant sollicité, lequel peut résoudre de procéder aux vérifications du bien-fondé de ses termes en ayant recours à un contre-rapport[352]. Le rapport et éventuellement le contre-rapport complémentaire sont transmis au ministère public pour ses conclusions397. C’est assez dire que le tribunal régional des comptes ne siègera jamais dans sa formation de jugement qu’après examen des observations du rapporteur et au regard des vues du parquet général[353].

La quatrième observation a trait à la décision du tribunal. Elle est collégiale et provient de trois magistrats, lesquels délibèrent à la majorité des voix[354]. Encore n’est-ce pas là tout. La juridiction prononce deux types de jugements. Tout d’abord, il peut s’agir d’un jugement définitif. Le cas de figure concerné est celui où les comptes sont certifiés et n’appellent aucune remarque de sa part ; une sorte de quitus est donc délivrée et la structure même de la décision est allégée. Ensuite, il peut s’agir d’un jugement provisoire. L’hypothèse en cause est celle où des incertitudes persistent au terme du jugement provisoire. Sans surprise, le comptable concerné sera enjoint, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d’apporter les pièces justificatives manquantes, de fournir les explications utiles, d’accomplir telle ou telle diligence rendue indispensable par les manquements solennellement relevés[355]. Les ministres sous l’autorité desquels les comptables intéressés exercent reçoivent alors une copie du jugement provisoire afin, en tant que de besoin, de clarifier les ambigüités. Après examen des réponses fournies et des conclusions complémentaires du rapporteur, un jugement définitif est prononcé. Les textes admettent cependant que des décisions provisoires puissent se succéder à propos des documents du même comptable. En tout état de cause, lorsqu’il intervient, le jugement définitif de « rattrapage » comporte deux rubriques. L’une de celles-ci certifie la ligne des comptes et, éventuellement, ordonne des redressements. L’autre prononce soit la régularité du compte, soit une avance comptable, soit un défaut comptable[356].

Définitifs ou non, les jugements du tribunal régional des comptes devront être notifiés dans les huit jours de leur enregistrement. Cette obligation incombe au greffier en chef s’agissant des comptables publics patents ou des comptables de fait. Elle échoit au comptable supérieur du trésor lorsque sont en cause les autres comptables. Elle incombe au procureur général près la Cour d’appel s’agissant du ministre chargé des finances, de l’ordonnateur principal secondaire ou délégué à l’origine des opérations du comptable. Lorsque la notification ne peut parvenir à son destinataire, le maire ou le sous-préfet sont tenus, contre décharge, de la porter à la connaissance de ce dernier. Un avis devrait même pouvoir, dans des cas extrêmes il est vrai, être affiché à l’endroit où le destinataire a son domicile. A en croire l’article 29 de la loi n° 2006/017 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation, les attributions et le fonctionnement des juridictions inférieures des comptes, ces dernières correspondent aux comptabilités découvertes tantôt par l’administration, tantôt à l’occasion d’un audit interne ou externe, tantôt lors d’une mission d’audit de l’institution de contrôle des finances publiques, tantôt par le tribunal régional des comptes…

On l’aura compris. Même définitif, le jugement du tribunal régional des comptes est susceptible de recours. Deux voies sont offertes. D’une part la révision ; d’autre part le pourvoi[357]

La cinquième remarque, décisive, c’est que le jugement du tribunal régional des comptes est exécutoire[358]. La charge de l’exécution incombe à l’ordonnateur du budget de la personne morale de droit public concernée ou, à défaut, à tout autre responsable spécialement habilité de cette mission. A supposer que le jugement rendu ne reçoive pas exécution dans les six mois de la date de sa notification, le président du tribunal régional des comptes dresse un rapport à ce sujet, lequel est transmis au président de la chambre des comptes. A son tour, l’autorité visée en fait rapport au président de la république, avec copie au président de l’assemblée nationale et au président du sénat. Le rapport visé est publié au journal officiel, en français et en anglais. A l’évidence, il n’est pas à envisager que le président du tribunal régional des comptes saisisse le procureur de la République à l’effet d’engager des poursuites au plan répressif.

La dernière remarque se rapporte aux sanctions encourues par le comptable indélicat. Sans préjudice de celles pouvant résulter de poursuites pénales, la loi prévoit des peines pécuniaires et des sanctions administratives. Toutefois, elle suggère que la responsabilité de celui-ci ne soit engagée du fait de la gestion de ses prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la passation de service ou n’ayant pas été constatées dans un délai de six mois éventuellement prolongé par décision du Ministre en charge des finances. Dans le même esprit, elle prescrit[359] qu’aucune sanction administrative ne doit être retenue contre un comptable public qui établit que les règlements ou instructions qu’il a refusé de suivre étaient de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire[360]. Les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas soumis à de telles contraintes.

Paragraphe 3. Le Conseil constitutionnel 

Institué par le titre VII de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972, le Conseil constitutionnel relève davantage de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 modifiée et complétée par la loi n° 2012/015 du 21 décembre 2012, mais également de la loi n° 2012/016 du 21 décembre 2012 « améliorant » et complétant certaines dispositions de la loi n° 2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut de ses membres.

Cela mis de côté, l’attention doit urgemment être attirée sur le fait que la nature du Conseil constitutionnel est l’un des débats qui, de longue date, agite la communauté des juristes. Quelques-uns estiment que celui-ci est une juridiction, car les décisions provenant de lui requièrent le jeu de la contradiction, ne sont prononcées qu’à la lumière de la norme fondamentale, ont le bénéfice de l’autorité de ce qui a été jugé et par conséquent, tranchent définitivement un litige. Quelques autres ont un regard différent. Pour eux, cela se découvre notamment en remontant aux débats généraux ayant précédé l’adoption de la constitution. On découvre alors que le pouvoir exécutif qui en fut la cheville ouvrière a déclaré en avoir un aperçu précis. En substance, l’opinion a été exprimée inclinant à penser que le conseil n’a pas vraiment été imaginé comme une juridiction, mais comme un organe chargé épisodiquement de trancher les conflits institutionnels liés à la constitutionnalité des lois et aux différends électoraux[361]. Pour faciliter la réalisation de cet objectif jamais bien loin de la vision politique des gouvernants, il était important que cet « organe » soit composé de « sages », personnes n’ayant pas toujours par le passé, dans le cours de leur activité professionnelle, été des magistrats ou des juges[362].

Pareillement, il est important de savoir qu’un débat existe qui n’a pas pris fin sur le point de savoir si la haute cour de justice ne se rattache pas, elle aussi, à l’ordre constitutionnel. Certains y répondent par la négative en faisant valoir non seulement que la juridiction constitutionnelle est unique et autonome, mais également en mettant en avant la place inédite que le texte de la constitution lui réserve et en insistant sur l’ineffectivité de la haute cour de justice que personne n’a jamais vu en activité. D’autres y répondent par l’affirmative en arguant que le Conseil constitutionnel n’est pas la seule juridiction que la constitution organise directement par elle-même. A ses côtés se trouve la haute Cour de justice qui appartient davantage à l’ordre constitutionnel qu’à l’ordre judiciaire.

A eux seuls, de tels débats invitent à s’attarder sur l’organisation et la composition du conseil ; puis sur ses attributions et son fonctionnement.

A. Composition, organisation 

Le siège du Conseil constitutionnel est fixé à Yaoundé. Toutefois, en cas de circonstances exceptionnelles, et notamment lorsque le bon fonctionnement des institutions court le risque d’être perturbé, celui-ci pourrait être transféré en toute autre localité du territoire national. La décision de procéder au déplacement du siège n’est pas laissée à l’initiative du seul conseil. Au fond, certes elle est prise par la haute juridiction, mais jamais sans avoir consulté le président de la République, le président de l’assemblée nationale, le président du sénat. Ainsi que le souligne à juste titre l’article 5 (2 et 3) de la loi du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel, le déplacement du siège de l’institution est encadré dans le temps. Il prend fin dès que les circonstances à l’origine du déplacement disparaissent, disparition que seul le conseil constate.

En tout état de cause, la haute juridiction comprend deux catégories de membres qui, tous, portent le titre de « conseiller » ou de « councillor ». Toutefois, les uns sont des conseillers de droit, les autres sont des conseillers nommés. Les membres de droit, membres à vie du conseil, sont les anciens présidents de la République. Les membres nommés, eux, sont nommés par le président de la République, pour un mandat de six ans, éventuellement renouvelable. Au nombre de onze, ils sont désignés de la manière suivante : trois dont le président du conseil, par le président de la République ; trois par le président de l’assemblée nationale après avis du bureau ; trois par le président du sénat après avis du bureau ; deux par le conseil supérieur de la magistrature[363].

Deux séries de détails sont encore à exposer avant de quitter le point relatif à l’organisation.

La première série de détails est développée dans les textes. Elle invite à rappeler :

  • Que les membres de la haute juridiction doivent être choisis parmi les « personnalités de réputation professionnelle établie », jouissant d’une « grande intégrité morale et d’une compétence reconnue »[364] ;
  • Qu’avant d’entrer en fonction, le conseiller prête serment devant le parlement réuni en congrès[365]. La main gauche posée sur la constitution et la main droite levée et dégantée devant le drapeau national, le conseiller jure de bien et fidèlement remplir ses fonctions, de les exercer en toute impartialité et dans le respect de la constitution. Il s’engage aussi, solennellement, à garder le secret des délibérations et des votes et de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du conseil[366] ;
  • Qu’en cas d’empêchement provisoire ou d’indisponibilité temporaire du président, celui-ci est supplée par le membre le plus âgé, couramment appelé « conseiller-doyen ». Si d’aventure l’empêchement ou l’indisponibilité dure au-delà de six mois, le président de la République « peut » procéder au remplacement du concerné en désignant un nouveau président[367] ;
  • Qu’au cas de décès, de démission, d’incapacité ou d’inadaptation dûment constaté par les organes qui en ont compétence, le conseiller est remplacé par l’autorité ou l’organe qui l’a désigné et achève le mandat commencé par son prédécesseur. Rien se s’oppose, à l’expiration de ce mandat, que le concerné soit nommé pour un nouveau mandat dès lors du moins que le temps du remplacement n’a pas excédé deux ans[368]. La démission produit cependant des effets désagréables au préjudice de son auteur. Celui-ci est privé du droit de postuler à une fonction élective avant un délai de trois ans à compter du jour où le « tablier » est rendu[369]. Et à première vue, la restriction ne semble pas se limiter aux fonctions publiques électives ayant un lien direct ou avec le Conseil constitutionnel. Du coup, elle pourrait parfois apparaître comme une sanction déguisée ;
  • Que la qualité de conseiller ne se cumule pas avec celle de membre du gouvernement, du parlement, de la Cour suprême[370]. Au fond, la liste des incompatibilités est énoncée dans la constitution et complétée par le statut des membres de la juridiction qui y ajoute la qualité de membre du conseil économique et social, l’exercice de tout mandat électif, l’exercice de tout emploi public, civil ou militaire, l’exploitation d’activités professionnelles privées pouvant porter atteinte à l’honorabilité, à l’impartialité voire à « l’honnêteté intellectuelle » du conseiller416. Sont également indexés l’assistance ou la représentation devant les cours ou les tribunaux, la pratique de l’arbitrage, l’occupation d’un poste quelconque au sein d’une formation politique ou d’une association partisane ou syndicale[371]. Le tableau esquissé est utilement complété par l’article 8 (2) et (3) de la loi n° 2004/005 du 21 avril 2004. Elle ajoute que les fonctionnaires nommés au Conseil constitutionnel sont placés en position de détachement ; que les membres de l’assemblée nationale ou du sénat nommés ici sont réputés avoir opté pour ces dernières fonctions au cas où ceux-ci n’expriment pas le vœu contraire en s’adressant au président de la République dans les huit jours de la publication de l’acte de nomination ; que le conseiller candidat à un mandat électif est réputé démissionnaire ;
  • Que le conseil dispose d’un secrétariat général dont les modalités d’organisation et de fonctionnement sont déterminées par le président de la République. C’est donc sans réticence que l’on a récemment accueilli, au Cameroun, le décret n° 2018/104 du 07 février 2018[372]. La suite se devine : le secrétaire général est tenu de prêter serment devant le conseil avant d’entrer en fonction ; il reçoit du président du conseil constitutionnel délégation de signature en matière administrative et financière[373][374]. Le secrétariat général rassemble les services administratifs et techniques dont la mission est de concourir au fonctionnement de la haute juridiction. On y retrouve : une division des affaires juridiques, une division des affaires administratives et financières, la cellule de la communication, de la traduction et de l’interprétation, le service de l’informatique, le service de l’accueil, du courrier et de la liaison, le service de la documentation et des archives. Tandis que le secrétaire général et les chefs de division sont nommés par le président de la République, les responsables d’un rang inférieur (à l’instar des chargés d’études, des chefs de cellule, des chefs de service, des chargés d’études assistants, des chefs de section et des chefs de bureau) sont nommés par le président du Conseil constitutionnel, sur proposition du secrétaire général [375] ;
  • Que le Conseil constitutionnel dispose d’un greffe. Le décret numéro 104 du 07 février 2018 édifie suffisamment s’agissant de cet organe. Tout d’abord, ses extraits renseignent quant à la structuration du greffe. Tel est le sens de l’article 17 dont l’économie découvre que l’organe visé comporte, à la fois, des sections et un secrétariat. Placées sous l’autorité d’un chef, les sections sont au nombre de quatre : la section de la constitutionnalité des textes ; la section des conflits d’attributions ; la section de la régularité des consultations électorales et référendaires ; la section des demandes d’avis consultatif. Le secrétariat, lui, rassemble un personnel dénommé « Greffiers du Conseil constitutionnel ». Ce personnel est constitué non seulement de fonctionnaires des greffes, mais aussi d’autres fonctionnaires ou agents publics qualifiés pour assumer les missions de cet organe421. Ensuite, ses extraits renseignent quant aux missions du greffe. A titre d’exemple, il y est dit que le soin lui revient d’enregistrer, « pour le compte du secrétariat général », les requêtes dont le Conseil constitutionnel pourrait être saisi ainsi que les demandes d’avis consultatifs relevant de sa compétence. A titre d’exemple, il y est écrit que le soin lui revient d’ouvrir les dossiers relatifs aux requêtes et demandes d’avis consultatifs, d’en assurer la reproduction et la diffusion à la division des affaires juridiques, puis au conseiller rapporteur chargé de l’étude du dossier. De même, la charge revient au greffe de notifier différents documents aux justiciables, de tenir à la disposition des parties les pièces ayant un lien avec le contentieux relevant de la « cour », de leur en faciliter l’accès. A la tête du greffe se trouve un greffier dont le rang protocolaire est celui d’un chef de division, et qui opère sous l’autorité du secrétaire général. Logiquement, le concerné a la lourde obligation de soumettre à l’autorité dont il dépend en première approximation, pour validation par elle, le rôle des dossiers à examiner aux audiences du conseil ; de tenir la plume lors des audiences et, en tant que de besoin, d’être suppléé par l’un de ses collaborateurs. Au prétoire, le greffier titulaire est assisté d’un greffier qui prend des notes soit manuellement soit par retranscription dans un registre appelé « registre des notes d’audience » ; notes à tenir exclusivement à la disposition du président constitutionnel et du secrétaire général, dont la valeur est proche de celle de « simples renseignements ». Enfin, et en cascade, le greffier en chef contresigne la minute des décisions du conseil ; soumet à la signature du secrétaire général les expéditions des décisions destinées aux parties ; assure, sous huitaine, la notification de celles-ci à ces dernières[376].

La seconde série de détails découle de l’écriture des textes et, précisément, des solutions qui y sont développées. Elle conduit à attirer l’attention sur le fait :

  • Qu’il a été prévu que le Conseil constitutionnel puisse, par le truchement d’un règlement intérieur, encadrer les modalités de son organisation interne ;
  • Que la présence d’anciens chefs d’Etat au sein du conseil n’emporte pas l’adhésion du plus grand nombre. On a commencé par souligner que rien de tel ne figurait dans le projet de révision de la constitution initialement déposé auprès de la commission des lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale de l’époque ; donc que son insertion dans le texte final de la constitution reste quelque peu mystérieuse. On a ensuite reproché à ce choix d’avoir réceptionné sans recul une pratique en cours en France où elle est couramment remise en cause. On lui a imputé d’être motivé par le souci d’offrir une planche de reconversion politique aux anciens présidents de la République qui bénéficient d’une « digne retraite ». Un auteur a même ajouté que la participation d’ex-chefs d’Etat à une institution ayant un caractère juridictionnel est susceptible de porter gravement atteinte à l’indépendance attendue de ceux qui ont la charge de dire le droit ici, parce qu’elle institue comme un compagnonnage entre les conseillers et les autorités politiques ayant concouru à leur désignation ;
  • Que le processus de recrutement des conseillers réserve une part anormalement belle au président de la République. Non seulement celui-ci les nomme tous, mais de surcroît il désigne directement trois d’entre eux, choisit deux autres par le truchement du Conseil supérieur de la magistrature à la tête duquel on le retrouve, désigne unilatéralement le président du Conseil constitutionnel ;
  • Que le mandat des conseillers n’est plus, comme autrefois, non renouvelable[377]. D’ailleurs, sa durée est passée de neuf à six ans. Si le renouvellement est possible, il n’est pas automatique. Logiquement, la situation conduit à avoir des craintes quant à l’indépendance des conseillers. Cela est d’autant plus à redouter que cette durée est désormais inférieure à celle du mandat du président de la République qui, lui, intervient puissamment dans le recrutement des membres du Conseil constitutionnel. Rendant compte de cette réalité, certains n’hésitent pas à parler d’une « dévalorisation de la justice constitutionnelle » ; d’autres préfèrent sobrement viser une « reculade dans la garantie statutaire des conseillers » et les conséquences sur le fonctionnement de l’institution que ces derniers ont la charge d’animer[378]. Quoi qu’il en soit, et cela n’est pas à négliger, l’article 8 de la loi portant organisation et fonctionnement du conseil donne des orientations fortes à propos du renouvellement des membres de l’auguste institution. Il y est écrit que cela se fait vingt jours au moins et cinquante jours au plus avant l’expiration du mandat actuellement en cours. Le législateur pouvait difficilement rallonger ces délais en ayant à l’esprit la sensibilité que l’on attache aux missions du Conseil constitutionnel.

B. Missions 

Le Conseil constitutionnel statue souverainement sur la constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux. Il se prononce sur la conformité à la constitution des règlements intérieurs de l’assemblée nationale et du sénat ; règle sur les conflits d’attribution entre les institutions de l’Etat, entre l’Etat et les régions, entre les régions[379].

La n’est pas tout. La constitution et la loi ajoutent que l’institution veille à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires et proclame les résultats de ces différentes élections et consultations. Elles lui confient le soin de constater la vacance à la présidence de la République sur saisine de l’assemblée nationale et après avis conforme de son bureau ; d’émettre des avis sur tout point de droit constitutionnel, électoral et parlementaire lorsque cette compétence spécifique lui est reconnue.

Un tel tableau appelle des remarques susceptibles de faciliter la compréhension des chefs de compétence exposés et, au-delà, d’offrir un aperçu rapide du fonctionnement du Conseil constitutionnel.

Premièrement, on aurait peut-être gagné à privilégier l’appellation « cour constitutionnelle ». La formule a l’avantage d’attirer l’attention sur l’importance de ses missions, singulièrement sur ses attributions contentieuses. Elle a incontestablement aussi l’avantage d’exposer d’emblée la place particulière qui est la sienne dans l’architecture institutionnelle du Cameroun où, à bien regarder, la « cour constitutionnelle » est plus qu’un simple conseil auquel on attribue une fonction essentiellement consultative [380] ;

Deuxièmement, les dispositions transitoires de la constitution prescrivent la mise en place progressive des institutions créées. Dans la foulée et sans surprise, la Cour suprême a pendant longtemps exercé les attributions du Conseil constitutionnel jusqu’à son entrée en activité[381]. A l’époque de son entrée en activité, et d’après la constitution, les affaires pendantes devant la cour et relevant des attributions du conseil devront lui être transférées.

Quatrièmement, le contrôle de la conformité à la constitution des lois, des traités et des règlements intérieurs de l’assemblée nationale et du sénat intervient en réalité avant leur adoption, ratification, mise en application. Autant dire, pour reprendre une formule partagée, que ce contrôle est préventif. A l’opposé, lorsque ceux-ci sont déjà en vigueur, seul peut être envisagé un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception…  

Cinquièmement, que le conseil se réunit, en principe, sur convocation de son président. Toutefois, sa saisine est réservée au chef de l’Etat, au président de l’Assemblée nationale, à un tiers des députés ou à un tiers des sénateurs, aux présidents des exécutifs régionaux lorsque les intérêts de leurs régions sont en cause[382]. Des dérogations à cette règle cardinale ne sont admises que lorsque naît une contestation se rapportant aux scrutins dont le contrôle de la régularité et la proclamation des résultats lui incombent. En effet, dans ces hypothèses, l’illustre juridiction doit pouvoir être saisie tantôt par les candidats, tantôt par les formations politiques ayant participé aux élections à l’origine du litige, tantôt enfin par toute personne ayant la qualité « d’agent du gouvernement ». A contrario, cela signifie qu’elle est privée du droit de s’autosaisir. A rebours encore, il se comprend aisément que la saisine par l’une des autorités visées ne s’oppose pas à ce que les autres s’adressent eux aussi au conseil[383]. On comprend alors, demain, que la préoccupation surgisse de savoir si l’idéal ne serait pas d’admettre qu’un nombre moins important de députés ou de sénateurs aient le droit de saisir la juridiction constitutionnelle[384]. On comprend alors, un jour, que se pose avec force la question de l’accès à la haute juridiction par un nombre moins sélectif de personnes ou d’institutions. La préoccupation s’exprimera avec d’autant plus de fermeté que, précisément, le conseil apparaît aujourd’hui, du moins à la lueur des textes, comme un garant crédible de la constitution ; que le soin lui revient, entre autres, de s’assurer de la régularité des élections politiques majeures ; que les droits fondamentaux devraient être protégés par toutes les juridictions, singulièrement les juridictions suprêmes. Logiquement alors, on pourrait estimer que la saisine de l’auguste juridiction aurait dû s’ouvrir au citoyen ou mieux encore, aux personnes qui ont au nombre de leurs prérogatives essentielles celle de pouvoir s’adresser au juge adéquat afin que celui-ci examine le bien-fondé de leurs prétentions…   

Quoi qu’il en soit, l’ouverture au citoyen et aux acteurs de la société civile du droit de saisir la cour constitutionnelle et même le droit de s’autosaisir sera bientôt  inévitable. Au fond, l’évolution n’aura rien d’exceptionnel et, par conséquent, ne  devrait pas être redoutée. Elle est expérimentée avec succès ailleurs en Afrique, notamment au Gabon et au Bénin où elle contribue significativement, a posteriori, à améliorer la qualité de la norme. C’est aussi qu’elle a été préconisée par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’une de ses décisions majeures, l’arrêt Lohé Issa Konaté (CADHP, Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso, req. n° 004/2013, inédit431). Elle est expérimentée en France où on s’accorde à dire, malgré les flottements qu’elle charrie, que la question prioritaire de constitutionnalité a contribué significativement à la consolidation de l’Etat de droit, à l’amélioration de la qualité de la norme juridique et du droit positif. Reste à anticiper les effets collatéraux de cette orientation démocratique. L’une des pistes à creuser en ce sens se rapporte à la composition du conseil constitutionnel. Celle-ci devrait forcément être élargie afin d’éviter l’engorgement de son prétoire et rechercher davantage de célérité dans le traitement des affaires. Tiré à l’extrême, ce schéma pourrait déboucher soit sur la création ici de chambres, soit sur la mise en place d’assistants des juges ou de référendaires, soit sur la création d’un parquet spécial…

Sixièmement, à partir du moment où la règle a été posée qui veut que les conflits d’attributions entre les institutions de l’Etat soient tranchés par le Conseil constitutionnel, il est surprenant que les rédacteurs de la constitution n’aient pas songé à élargir l’assiette de ceux qui peuvent le saisir pour l’exercice de ce chef de compétence. A titre d’exemple, on aurait bien pu envisager, dans l’hypothèse d’un conflit d’attributions entre deux ministères ou entre un ministère et des démembrements de l’Etat, que le conseil puisse être saisi par des ministres à l’effet de trancher le différend. Pareillement, on aurait pu envisager que les dirigeants des personnes morales de droit public aient le loisir de saisir le conseil constitutionnel en cas de conflit d’attribution avec l’Etat ou avec ses autres institutions. Dans les faits, et là est le paradoxe de l’option actuelle, ce sont les particuliers qui, en violation du droit positif en vigueur, s’adressent au Conseil constitutionnel lorsque des conflits d’attributions entre les institutions de l’Etat portent gravement atteinte aux droits fondamentaux que la constitution leur reconnaît. Sans surprise, leurs demandes sont invariablement jugées irrecevables…

Septièmement, la haute juridiction ne délibère valablement que si neuf au moins de ses membres sont présents. Elle se détermine à la majorité simple des conseillers présents sans que l’abstention soit admise. En cas de partage, la voix du président est prépondérante. Dans l’hypothèse toujours à envisager où le quorum ne serait pas atteint, un procès-verbal est dressé, signé par le président et le secrétaire général qui prend part aux assises sans pouvoir délibérer. La condition de majorité ainsi énoncée ne se décline

                                                        

431 Les paragraphes 108 et suivants de cet arrêt sont consacrés au caractère efficace et suffisant ou satisfaisant du pourvoi en cassation. Leur teneur est celle-ci : « La Cour considère, à l’instar de la Commission, qu’ « une voie de recours est efficace si elle offre des perspectives de réussite et qu’elle est suffisante ou satisfaisante si elle est à même de donner satisfaction au plaignant ou si elle est capable de remédier à la situation litigieuse.

(…) Dans cette affaire, le requérant demande essentiellement à la Cour de déclarer que les lois burkinabé sur la base desquelles il a été condamné à des sanctions pénales et civiles, violent le droit à la liberté d’expression. Toute la question est donc de savoir si la Cour de cassation pouvait, selon le droit burkinabé, se prononcer sur une telle demande, et donc ainsi éventuellement censurer les lois en question.

Comme la Cour l’a déjà fait observer dans l’affaire Norbert Zongo et alt. contre Burkina Faso, ” … dans le système burkinabé, le pourvoi en cassation est un recours qui vise à faire annuler, pour violation de la loi, un arrêt ou un jugement rendu en dernier ressort (…). Le pourvoi en cassation ne permet donc pas de faire annuler la loi elle-même, mais seulement le jugement, pour mauvaise application ou mauvaise interprétation de la loi. Loin de pouvoir annuler une loi, la Cour de cassation est au contraire chargée de veiller au respect strict de la loi par les autres juridictions nationales statuant sur le fond. 

Dans de telles circonstances, il est clair que le requérant dans la présente affaire ne pouvait rien attendre de la Cour de cassation, s’agissant de sa demande en annulation des lois burkinabé en application desquelles il avait été condamné.

En réalité, dans le système burkinabé, c’est le Conseil constitutionnel qui est chargé de contrôler la conformité des lois à la constitution, y compris dans les dispositions de celle-ci garantissant les droits de l’homme (article 152 de la Constitution). Or l’article 157 de cette constitution, qui détermine les entités habilitées à saisir le conseil constitutionnel en matière de contrôle de constitutionnalité des lois ne mentionne pas les individus. Il en résulte que le requérant ne pouvait pas accéder au Conseil constitutionnel en vue de faire éventuellement invalider les lois sur la base desquelles il avait été condamné.

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le système juridique burkinabé n’offrait au requérant dans la présente affaire aucun recours efficace et suffisant lui permettant de faire censurer les lois burkinabé dont il se plaint. Par voie de conséquence, le requérant n’avait pas à épuiser le recours en cassation, ni d’ailleurs un quelconque autre recours, après sa condamnation au fond par la Cour d’appel de Ouagadougou le 10 mai 2013. 

La Cour ayant conclu à l’inefficacité et à l’insuffisance du recours devant le Conseil constitutionnel, n’a pas besoin de se prononcer sur l’argumentation développée par le requérant en ce qui concerne le risque d’une prolongation anormale du recours qu’il aurait exercé devant la Cour de cassation… »

autrement que lorsque le conseil est appelé à constater l’empêchement définitif du président de la République. En effet, en de telles circonstances, il siège à la majorité des deux tiers de ses membres[385] ;

Huitièmement, et c’est une spécificité introduite au Cameroun à la faveur de la loi n° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles, les usagers ont le droit de communiquer et d’échanger avec la juridiction dans l’une ou l’autre langue officielle en cours ; les décisions sont rendues dans l’une ou l’autre langue officielle, idéalement en fonction de la langue d’expression des justiciables ; les débats et travaux se déroulent indifféremment dans les deux langues officielles ; la transcription des propos des orateurs dans les actes relatant les débats tient compte de la langue dans laquelle les intervenants se sont exprimés ; des textes règlementaires doivent encore, entretemps, clarifier les modalités d’application des prescriptions de la loi du 24 décembre 2019[386] ;

Neuvièmement, la justice constitutionnelle est l’une de celles dont la célérité est appréciée à ce jour. C’est que, sans entretenir des liens particuliers avec le référé, celle-ci est rendue dans un délai de quinze jours. La nuance est même apportée qu’à la demande du président de la république, cette durée peut éventuellement ramenée à huit jours[387]. La célérité voulue ne porte nullement préjudice aux exigences du procès équitable. A preuve, s’agissant par exemple du contrôle de la régularité des élections et du référendum, il est posé que le conseil peut, lorsque cela est opportun, entendre tout requérant ou demander la production, contre récépissé, des pièces à conviction ; que toute requête portée à sa connaissance doit préciser les faits et moyens allégués, être affichée dans les vingt-quatre heures à compter de son dépôt et communiquée aux parties intéressées qui disposent d’un délai de quarante-huit heures pour déposer, contre récépissé, leur mémoire en réponse[388]. Il est également constant que la procédure devant le Conseil constitutionnel est à la fois écrite, gratuite et contradictoire[389] ; que les justiciables peuvent se faire assister par un conseil de leur choix[390]   

Dixièmement, les décisions, les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives, militaires et juridictionnelles ainsi qu’à toute personne physique ou morale. Elles doivent être exécutées sans délai ; ce qui suppose au minimum qu’elles soient publiées au journal officiel[391]. Du coup, on imagine mal, lorsque l’auguste institution a déclaré une loi contraire à la constitution, que celle-ci soit promulguée ou a fortiori appliquée. On imagine mal, lorsque le conseil a estimé que l’une des dispositions d’un texte n’est pas en phase avec la constitution que celui-ci soit promulgué sans que le soin ait été pris de mettre à l’écart l’extrait en cause ou sans que le président de la République ait sollicité du parlement une nouvelle lecture de celui-ci. On imagine mal, lorsque le règlement intérieur de l’assemblée nationale ou du sénat comporte des dispositions déclarées contraires à la constitution, que celui-ci soit adopté en l’état et entre en vigueur. En des termes simples le règlement sera retourné au président de la chambre intéressée afin que celle-ci procède sans délai à la mise en conformité de ce règlement avec la décision du conseil[392]. Dans le même sens, on comprend la tournure de l’article 44 de la constitution lorsque celui-ci retient que si le Conseil constitutionnel déclare qu’un traité ou un accord international comporte une clause contraire à la constitution, l’approbation en la forme législative ou la ratification de celui-ci ne peut intervenir qu’après la révision de la constitution. On devine, s’agissant de l’élection présidentielle, le sens profond de l’article 45 qui évoque la possibilité d’une annulation totale ou partielle des opérations électorales dans les conditions prévues par les lois électorales en vigueur. On saisit enfin la portée de l’article 53 consacré au referendum où le pouvoir est concédé à la haute juridiction, lorsqu’elle constate l’existence d’irrégularités dans le déroulement des opérations, de décider, eu égard à la nature et à la gravité des irrégularités soit de maintenir lesdites opérations, soit de prononcer leur annulation en totalité ou en partie…

Onzièmement, et en droite ligne de ce qui précède, les arrêts et avis du Conseil constitutionnel ne sauraient essuyer des recours[393]. En des termes simples, cela signifie qu’aucune discussion n’est ouverte sur le terrain du fond. Dans ce que l’on qualifie volontiers d’ « ordre interne », ce qui a été résolu est définitif, irrévocable, intangible. L’exigence ne doit cependant pas induire en erreur. Des issues existent à l’échelle supra nationale, notamment devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, laquelle n’hésite pas à se démarquer de la logique de fermeture et à décider, dans tel ou tel Etat, que tel ou tel texte n’est pas en cohérence avec ses engagements internationaux relatifs aux droits fondamentaux (en ce sens, voir not. CADHP, Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso, préc.). Par ailleurs, toute personne intéressée peut le saisir d’une demande en rectification d’erreur matérielle[394]. Exceptionnellement, la juridiction peut également rectifier d’office l’un de ses avis ou arrêts, et donc l’amender. Il en va ainsi lorsque la décision prononcée est entachée d’une erreur matérielle[395].

TITRE 2.  LA RESSOURCE HUMAINE[396]

[1] Extrait de KUATE TAMEGHE S.S., La justice, ses métiers, ses procédures, l’Harmattan, Paris, 2021, pp. 25 et s.

[2] PERROT R., Institutions judiciaires, Montchrestien, Paris, 2012, p. 4, n° 2.

[3] En ce sens, voir notamment les titres 2, 3, 5 et 37 de la constitution camerounaise à ce jour en vigueur.

[4] L’article 37 de la constitution du Cameroun prévoit que « Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême, les cours d’appel, les tribunaux ».

[5] Article 1er. Cette institution est devenue la Commission des droits de l’homme du Cameroun à la faveur de l’entrée en vigueur de la loi n° 2019/014 du 19 juillet 2019 (portant création, organisation et fonctionnement de la Commission des droits de l’homme du Cameroun).

[6] Articles 2 et suivants.

[7] PERROT R., op.cit., p. 3, n° 1.

[8] Voir notamment les articles 135 alinéa 1 et 213, Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

[9] Voir l’article 68 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général. Voir également les articles 5 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.

[10] L’existence de procédures non contradictoires concourt elle aussi, certes lâchement, à renforcer ce tableau dont la contemplation invite à penser que l’intervention du personnel judiciaire ou auxiliaire ne suppose pas forcément une opposition de prétentions strictement entendue.

[11] Sur ces questions, voir LEVY J.Ph., CASTALDO A., Histoire du droit civil, Dalloz, Paris 2002, pp. 12 et s. pp. 965 et s. ; PERROT R., op.cit., pp. 6 et s., n° 6 et s.

[12] Le fait est davantage visible dans les systèmes juridiques philosophico-religieux. A titre d’exemple, dans les systèmes où domine le droit islamique, on pense généralement que le pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire, est la propriété de Dieu. Dans cette tournure d’esprit, il est souhaité que les guides spirituels soient au cœur de l’activité humaine du fait de l’origine divine de leur autorité. Il est souhaité que la direction de la communauté des hommes soit confiée à des personnes investies d’attributs religieux…  13 La loi y relative date du 24 décembre 2019.

[13] Voir les articles 328 et suivants de ce Code. La règle y est posée d’après laquelle les chambres de l’assemblée régionale participent à l’élaboration du statut des chefferies traditionnelles et sont consultées sur les questions liées à l’élaboration des politiques publiques de la justice dans le sous-système de la Common-law.

[14] Voir CADIET L., « Coronavirus – Procédure civile et covid-19, acte II : de l’exception au principe ?  Aperçu rapide », La Semaine Juridique, Edition générale n° 24, 15 juin 2020, 715 ; nous même, « Le tribunal à l’épreuve de la pandémie dite de la Covid-19 », Le Nemro, avril-juin 2020, pp. 320 et s.

[15] En ce sens et s’agissant de la commission nationale de la concurrence ou de l’agence de régulation des télécommunications, voir entre autres, la loi n° 98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence, la loi n° 2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun, le décret n° 2013/7988 /PM du 13 septembre 2013 fixant la composition, l’organisation et les modalités de fonctionnement de la commission nationale de la concurrence, le décret n° 2012/203 du 20 avril 2012 portant organisation et fonctionnement de l’agence de régulation des télécommunications.

[16] Voir not. CCJA, arrêt n° 009/2008, 27 mars 2008, Société Côte d’Ivoire Télécom c. Société Loteny Télécom, in Les grandes décisions de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, l’Harmattan, Paris, 2010, pp. 371 et s., obs. NEMEDEU R. ; TPI DoualaBonanjo, ord. n° 502, 05 août 2016, La société Viettel Cameroun c. La société MTN Cameroun SA, Juridis Périodique n° 111, juil.sept. 2017, pp. 98 et s., obs. TCHABO SONTANG H.

[17] A propos des méandres de ces métiers, voir not. CRIGNON A., Les métiers du droit, l’Etudiant, Paris, 2008, p. 13 ; MARTIN R., Déontologie de l’avocat, Litec, Paris, 1999, pp. 42 et s., n°s 65 et s. Voir également : CALVET F., CHOQUET L., LEON A. et autres, « Aperçu de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions règlementées et judiciaires », Droit et procédures, n° 3, mai 2011, pp. 58 et s. ; SALATI O., « Présentation de la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions règlementées », Droit et procédures, n° 5, mai 2011, pp. 111 et s.

[18] Article 8.

[19] Articles 13 et 15.

[20] Article 13 (2).

[21] Article 26.

[22] REPUBLIQUE DU CAMEROUN (Ministère de l’enseignement supérieur), Les chiffres clés de l’enseignement supérieur au Cameroun, Yaoundé, 2020, pp. 17 et s. Il s’y découvre par exemple qu’à l’université de Yaoundé 2 où prédominent le droit, les sciences économiques et de gestion, en 2018, les apprenants de sexe féminin étaient au nombre de 24 740, ceux de sexe masculine au nombre de 24 760. La profondeur des chiffres se découvre lorsqu’on se souvient qu’en 2016, l’effectif comprenait 22 299 hommes et 17 269 femmes, lorsqu’on se souvient que différentes conventions internationales sont attentives au genre.

[23] DEFENSEUR DES DROITS DE L’HOMME, Conditions de travail et expériences des discriminations dans la profession d’avocate en France, www.defenseur des droits.fr, Paris, 2018, p. 21 ; BOIGEOL A., « La magistrature française au féminin, entre spécificité et banalisation », Droit et Société n° 25, 1993, pp. 489 et s. ; « Les femmes et les cours. La difficile mise en œuvre de l’égalité des sexes dans la magistrature », in Genèse, 2001 n° 22, pp. 107 et s. ; MEKKI M. (dir.), La féminisation des métiers de la justice, Economica, Paris, 2011, pp. 11 et s. ; LECOHU P., « L’égalité en matière de parcours professionnels (ou les parois et le plafond de verre) », P.A., 19 fév. 2009, n° 36, p. 25 et s.

[24] Extrait de KUATE TAMEGHE S.S., La justice, ses métiers, ses procédures, l’Harmattan, Paris, 2021, pp. 41 et s.

[25] Lesquelles sont tantôt des juridictions d’instruction, tantôt des juridictions de jugement, pour s’en tenir à cette distinction connue du plus grand nombre.

[26] Du coup, il arrive couramment, y compris dans les textes d’organisation judiciaire à l’échelle interne, que ces juridictions statuent à la fois en fait et en droit.

[27] Voir le Rapport du ministère de la justice sur l’état des droits de l’homme au Cameroun en 2012, p. 40.

[28] Article 13.

[29] Article 10 (1).

[30] Article 10 (2) b.

[31] A dire vrai, le décret du 29 décembre 1969 ne répond pas à la question de savoir si la même personne peut officier en qualité d’assesseur au profit de différents tribunaux du premier degré.

[32] Article 13.

[33] Reste à ne pas perdre de vue que, d’après les termes de l’article 11 du décret du 19 décembre 1969, lorsque des motifs d’abstention existent pour la totalité des assesseurs, la cause est renvoyée par le président de la cour devant un autre tribunal du ressort de la cour.  35 Article 10 (1) a.

[34] Idem.

[35] En ce sens, l’attention sera attirée sur l’article 6 du décret n° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles où il est décidé que « Toute chefferie est placée sous l’autorité d’un chef, assisté d’un conseil de notables, formé selon la tradition locale » ; « le chef désigne au sein du conseil, un notable qui le représente en cas d’absence ou d’empêchement. Il peut mettre fin à ses fonctions ». Le doigt sera également pointé sur l’article 2 dudit décret où il est résolu que la chefferie traditionnelle comporte trois degrés hiérarchisés37. Au sommet de la pyramide trône la chefferie de premier degré dont la spécificité est, sur son territoire de compétence qui théoriquement n’excède guère les limites du département, d’héberger au moins deux chefferies de rang immédiatement inférieur. Au centre de la pyramide se loge la chefferie de deuxième degré dont la particularité est d’avoir sur son territoire de commandement compris dans les limites de l’arrondissement, deux chefferies de premier degré. A la base de la construction se trouve la chefferie de premier degré qui couvre soit un quartier en zone urbaine, soit un village ou un quartier en zone rurale. Le doigt sera enfin pointé sur les dispositions se rapportant à la vacance à la tête des chefferies, situation juridique provoquée par le décès, la démission, la destitution, l’incapacité physique ou mentale du monarque. Au cas de vacance, l’autorité administrative est tenue de procéder aux consultations nécessaires en vue de la désignation du nouveau chef. Les personnes à consulter impérativement sont les « notabilités coutumières », le processus étant conduit dans le cadre très formel d’une réunion publique par le préfet s’agissant des chefferies du premier degré du deuxième degré et par le sous-préfet s’agissant des chefferies du troisième degré.

[36] L’article 30 (3) du décret du 19 décembre 1969 décide en effet que le secrétaire du tribunal du premier degré, au même titre que son homologue du tribunal coutumier auprès duquel se fait une déclaration d’appel est tenu, sans délai, de transmettre cette déclaration ou une copie de son procès-verbal au greffe de la Cour d’appel compétente pour examiner ce recours.

[37] Article 13.

[38] Article 28.

[39] Articles 13 et 15.

[40] Article 13 (2).

[41] Article 26.

[42] Effectivement, rien n’est dit à ce sujet dans le décret du 19 décembre 1969, que ce soit s’agissant du secrétaire en fonction au tribunal du premier degré ou du tribunal coutumier.

[43] Article 12, décret du 19 décembre 1969.

[44] Article 19, décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969 précité.

[45] L’augmentation du nombre de secrétaires peut n’être pas sans intérêt. A dire vrai, dans bien de cas de figure, il n’est pas réaliste d’envisager que la juridiction soit dotée d’un seul secrétaire. Effectivement, celui-ci pourrait par moments, pour telle ou telle raison, n’être pas disponible ; ce qui perturbera très probablement la continuité du service public de la justice. La liste des évènements pouvant justifier l’octroi de congés spéciaux ou de permissions exceptionnelles existe dans la législation du travail qui offre l’occasion de comprendre la profondeur d’une telle option. Qu’à cela ne tienne, l’entreprise de détermination du nombre de ces auxiliaires de justice devra tenir compte, entre autres, de la taille de la population du ressort du tribunal coutumier, du taux de processivité ou du volume du contentieux dont la juridiction est saisie, de la charge de travail que les concernés pourraient raisonnablement soutenir.  48 Voir les articles 7 à 13 de ce décret.

[46] Article 4 (1) a, décret du 19 décembre 1969 précité.

[47] Idem, article 4 (1) b.

[48] Articles 2 (1), (3) et 3 (3), décret n° 69/DF/544 précité.

[49] CS, arrêt n° 28/CC, 10 déc., 1981, Angoa Parfait c. Beyidi Pauline, in ANOUKAHA F. dir., Les grandes décisions de la jurisprudence civile camerounaise, Bamenda, 2008, pp. 257 et s., obs. ANOUKAHA F., pp. 85 et s. ; RCD n° 25, 1983, pp. 143 et s.

[50] Article 6, décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969.

[51] Article 15 (2).

[52] La règle est inscrite 43 du décret du 19 décembre 1969 d’après laquelle les jugements sont revêtus de la formule exécutoire dans les conditions du droit commun chaque fois que la présidence d’une juridiction de droit traditionnel est rattachée à celle d’un tribunal de première instance.

[53] Article 22.

[54] Idem.

[55] CS, arrêt n° 14, 4 janv. 1966, Procureur général près la Cour suprême c. Erna Mename, préc.

[56] Point 5 (1), « Customary courts Law ».

[57] Voir le point 5 (2), « Customary courts Law ». Il y est décidé que, « For the purpose of hearing any cause in a customary court any three members of the court shall constitute a quorum ».

[58] Il faut le dire tout net, ce mystère est lié à la reconduction du droit en vigueur dans ce qu’on a qualifié de « colonie » camerounaise. La constitution du 04 mars 1961 est, de ce point de vue, édifiante. Son titre XII portant dispositions transitoires dispose que : « La législation résultant des lois, décrets et règlements applicables au Cameroun à la date de prise d’effet de la présente constitution reste en vigueur dans ses dispositions qui ne sont pas contraires aux stipulations de celles-ci, tant qu’elle n’aura pas été modifiée par la loi ou par les textes règlementaires pris par le gouvernement dans le domaine de sa compétence ». De l’autre côté, le Conseil du contentieux administratif, emboitant le pas au constituant, dans un arrêt a pu décider : « Considérant en droit, qu’en vertu du principe général de la spécialité législative, consacrée par l’article 72 de la loi constitutionnelle, les lois et règlements ne sont applicables dans les territoires d’outre-mer ou dans les territoires sous tutelle, que s’ils sont été déclarés tels soit par une disposition expresse du texte lui-même, soit par une loi postérieure ou un décret spécial d’application » (CCA, arrêt n°

[59] /CCA, 27 sept. 1958, Haut-commissariat de la République française au Cameroun contre Sieur Manaby Moïse, inédit). Sur l’ensemble, voir not. ENGOUTOU J.L., La Cour fédérale de justice et le contentieux administratif camerounais, thèse, Université de Yaoundé 2, 2010, pp. 26 et s.

[60] L’article 68 de la constitution camerounaise visé prescrit que « La législation résultant des lois et règlements applicables dans l’Etat fédéral du Cameroun et dans les Etats fédérés à la date de prise d’effet de la présente constitution reste en vigueur dans ses dispositions qui ne sont pas contraires aux stipulations de celle-ci, tant qu’elle n’aura pas été modifiée par voie législative ou règlementaire».

[61] Elle est présidée par le conseiller juridique du premier ministre du Cameroun occidental.

[62] Voir ANYANGWE C., The Cameroonian judicial system, CEPER, Yaoundé, 1987, p. 148.

[63] TEM MBEUM P., « Customary courts system in West Cameroon : Reforms and conflict with the federal administration », African research Review, Vol. 10 (5), Serial n° 44, September, 2016, p. 236.

[64] Lequel autrefois désignait les membres des Customary courts.

[65] D’autres éléments sont à ne pas occulter ici. On songe notamment :

– A l’article 3 (3) où il est dit que « The Commissioner shall assign to each customary court established in persuance of this section such name as he may think fit » ;

– A l’article 4 (5) où la règle est développée selon laquelle « The Commissioner may dismiss or suspend any member of a customary court who shall appear to have abused his power or to be unworthy or incapable of exercing the same justly for orther sufficient reason. On such dismissal or for the period of his suspension, the member shall disqualified from exercising any powers of jurisdiction unless any until he be expressly reinstated by the Commissioner ».

[66] Section (2).

[67] Section 4 (3).

[68] Section 5 (4) et (5).

[69] Article 5 (5) si l’on préfère.

[70] Section 8 (1). L’article 9 prévoit la possibilité d’une délégation. Ses termes sont ceux-ci : « Subject to the control of the customary court, the registrar, clerk or scribe may delegate any of the duties assigned to him to any other officer or servant of the court, and in every such case such officer or servant shall be governed in respect to his duties by the orders and directions of the registrar, clerk or scribe ».  73 Section 8 (2).

[71] Section 11 (1). L’exigence y est développée selon laquelle, « at all times when he is not engaged on duties which necessitate his absence from the Customary court to attend the court and obey all the lawfull directions of the court ».

[72] L’exigence admet des assouplissements que l’on retrouve au point 26 (2). Sa rédaction est celle-ci : « Subject to the provision of subsection (1), in the case of prosecution by or behalf of a native authority or in any suit pending before a customary court, a native authority may be represented at any stage of the proceedings by any member of officer of the native autority who shall satisfy the court that he is duly authorised in the behalf. » 

[73] En effet, l’article 14 de la Customary courts law 1956 prévoyait à l’origine : « Every customary court shall have full jurisdiction and power, to the extent set forth in the warrant establishing it, and, subject to the provisions of this law, in all civil and criminal cases in which all the parties belong to a class of persons who have ordinarily been subject to the jurisdiction of customary tribunals ». 

[74] Section 3 (1).

[75] Section 3 (2). Le point 17 vient compléter cet extrait. On y retrouve notamment les formules suivantes : « All civil causes other than land causes shall be trial and determined by a customary court having jurisdiction over the area in which the offence was committed » ; « All land causes shall be trial and determined by a customary court having jurisdiction over the area in which the land which is subject-matter of the dispute is situated ».

[76] Section 3 (5).

[77] L’exigence est globalement en harmonie avec celle que l’on retrouve dans le décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969. Cela a déjà été observé, la règle y est énoncée, à l’article 6, que les juridictions traditionnelles sont créées et supprimées par décret ; leur siège et leur ressort territorial sont également fixés par décret et éventuellement modifiés par décret.

[78] Ici, comme ailleurs, la loi n° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun semble bouleverser partiellement les principes établis. L’observation se comprend au mieux lorsqu’on se souvient qu’elle décide notamment que les usagers du service public ont le droit de communiquer et d’échanger avec ses animateurs dans l’une ou l’autre langue officielle du pays, à savoir l’anglais et le français ; que ces langues sont indifféremment utilisées devant les juridictions de droit commun et les

[79] Sans que cela étonne véritablement, de nombreux documents remettent en cause cette lecture. L’un de ceux-ci est représenté par une série de correspondances du dénommé Mallam Imua adressées au Secretary of state for the interior. Parmi elles, la lettre en date du 1er février 1969 dont copie fut adressée au premier ministre du Cameroun occidental et archivée au profit de la postérité. Titrée « Qualification for the appointment of alkali muslim courts in accordance with muslims laws and customs », son paragraphe clé est celui-ci : « … to the best of my knowledge, before one is considered fit to mount the post of alkali, such a person must have obtained a certificate or certificates from the high school or schools of muslims either from Garua in east Cameroon, Kano northern Nigeria or from Egypt, and must be a person who actually possess the real science of justice and integrity and for the preservation of peace, fair play and justice, and above all to maintain the good name of the muslim courts, any person wishing to be an alkali should be requested to produce his certificate or certificates possibly accompanied with his short historical background in muslim education ».

[80] Signé de la main de « Ag. Resident, Adamawa Province, Yola ».

[81] Signé par le « Commissioner for native courts, Northen region, Kaduna, Nigeria ».

[82] Il convient de rappeler quelques-uns des termes du « Alkali’s court warrants », développés à propos de la compétence d’attribution. On songe notamment à l’extrait dont la rédaction est celle-ci : « The court shall have the following jurisdiction and power :

– 1 (1) Jurisdiction in the civil actions in which the debt, demand or damages do not exceed one hundred and thirty eight thousand four hundred (138 400) francs CFA. Provided that in the following causes jurisdiction shall be unlimited ;

– Causes relating to inheritance testamentary disposition, the administration or estates and causes in which no claim is made for, and which do not relate to, money or other property and all matrimonial causes arising out of marriages contracted under Mohammedan law. 

[83] . Jurisdiction in criminal actions to determine all causes of bigamy, such cases being contrary to Mohammedan law, provided that any sentence imposed shall not exceed six months imprisonment with or without hard labour.

[84] . Power to inflict a fine not exceeding 6 920 francs CFA or imprisonment, with or without hard labour, for a term not exceeding one month for any contempt of court. ».

[85] Voir le point b, les numéros 1, 2, 4, 5.

[86] TIMTCHUENG M., « L’évanouissement de la spécialité des juridictions traditionnelles au Cameroun », www.afrimap.org.

[87] Extrait de KUATE TAMEGHE S.S., La justice, ses métiers, ses procédures, l’Harmattan, Paris, 2021, pp. 96 et s.

[88] On met à l’écart, entre autres, la commission nationale de la concurrence. Celle-ci est chargée de contribuer à l’élaboration de la politique nationale en matière de concurrence, de poursuivre et de sanctionner les atteintes aux règles de concurrence, d’émettre un avis sur les questions y relatives.

[89] C’est la compréhension que l’on devrait avoir de l’article 14 (nouveau). Sa teneur est celle-ci : « Les juges nommés au tribunal sont répartis entre les chambres par ordonnance du président du tribunal prise au début de l’année judiciaire et pour toute la durée de celle-ci ».  95 Article 14 (nouveau) (d).

[90] Idem.

[91] Article 30 (3), a, b.

[92] Article 134 alinéa 1, Code du travail.  En cas de carence ou d’inexistence des organisations syndicales visées, le ministre chargé du travail formule directement sa proposition en vue d’une nomination par le Garde des sceaux.

[93] Articles 133 et suivants, Code du travail. En réalité, ces dispositions sont davantage nuancées. A titre d’exemple, la lecture de l’article 135 permet de découvrir que les conditions à remplir pour être assesseur sont celles exigées des membres chargés de l’administration ou de la gestion d’un syndicat. A elles s’ajoutent celles que le législateur énonce et qui se rapportent au temps, au

[94] Une brèche a été ouverte dans ce sens par la Cour suprême dans une affaire qui n’a pas attiré l’attention de la majorité. La haute juridiction y a été résolu : « Attendu que l’option par les justiciables, régis par les coutumes qui leur sont propres, des tribunaux civils de droit écrit, n’emporte pas ipso facto application du droit écrit à la solution, sauf acceptation expresse de leur part ; qu’en effet, les tribunaux civils de droit commun, de par leur plénitude de juridiction, sont habilités à leur appliquer la coutume ; 

Attendu que c’est à bon droit que la Cour de Yaoundé, saisie par les parties d’un litige relevant de la coutume, a appliqué la coutume bamiléké, qui est celle de Ngueou et Ndjiosseu » CS, 27 aôut 1968, Ngueou c. Ndjiosseu, Bulletin des arrêts de la Cour suprême du Cameroun Oriental, n° 19, 1968, p. 2160 .

[95] Qui, ici, correspond plus à l’idée de système juridique qu’à toute autre chose.

[96] Article 127-7, Code de procédure pénale. Il n’est pas sans intérêt d’observer que le chef du parquet a des attributions spécifiques que dévoile notamment le Code de procédure pénale (articles 135 et s.).

[97] Très logiquement, les statuts de la fédération camerounaise de foot-ball disposent que « La FECAFOOT, ses membres, joueurs, officiels, intermédiaires et agents de matchs ne présenteront aucun litige d’ordre sportif devant les tribunaux ordinaires, à moins que cela ne soit spécifiquement stipulé dans les statuts et les règlements de la FIFA. Tout différend devra être soumis à la juridiction de la FECAFOOT, de la CAF ou de la FIFA » ; « La FECAFOOT a droit de juridiction sur les litiges nationaux internes survenus entre différents membres. La FIFA a juridiction sur les litiges internationaux survenus entre des parties appartenant à différentes fédérations et/ou confédérations ».

[98] A dire vrai, l’article 73 (1) de cette loi pose que l’exigence de la conciliation s’impose pour les litiges opposant les copropriétaires entre eux ou ceux les opposant au syndic. C’est dire qu’elle pourrait être écartée lorsque des différents opposent les copropriétaires à des tiers. En semblables circonstances, une autre exigence est énoncée d’après laquelle le syndicat encourage, dans tous les différends, le recours à l’arbitrage dans les formes prévues par les lois en vigueur.

[99] A en croire l’article 3 de l’arrêté n° 119/PM du 10 août 2012, ce comité a une composition particulière. On y retrouve, comme président, le Sous-préfet territorialement compétent ou son représentant. On y retrouve, en qualité de membres, le chef de la brigade d’arrondissement des contrôles et de la répression des fraudes territorialement compétent ; un représentant des associations des consommateurs enregistrées au fichier du ministère en charge de la protection du consommateur, désigné par le Sous-préfet territorialement compétent, sur proposition du chef de brigade d’arrondissement des contrôles et de la répression des fraudes ; un représentant des professionnels de l’activité concernée désigné par le Sous-préfet territorialement compétent, sur proposition du chef de brigade d’arrondissement des contrôles et de la répression des fraudes. Enfin, on y retrouve, au secrétariat, la brigade d’arrondissement des contrôles et de la répression des fraudes territorialement compétente.

Là n’est pas tout. Les articles 4, 13 et 14 de l’arrêté n° 119/PM du 10 août 2012 posent des règles à ne pas négliger. L’article 4, pour commencer par lui, décide que le président du comité de recours peut inviter toute personne à prendre part aux travaux avec voix consultative, en raison de ses compétences sur les points inscrit à l’ordre du jour d’une session de l’instance. Les articles 13 et 14 décident non seulement que les fonctions de président, de membre et de secrétaire sont gratuites, mais aussi que les frais relatifs au fonctionnement du comité de recours sont supportés par le budget du ministère chargé de la protection du consommateur.  108 L’article 96 décide que l’ANTIC est chargée de mettre en place des mécanismes pour régler les litiges, d’une part, entre les opérateurs des technologies de l’information et de la communication et d’autre part, entre opérateurs et utilisateurs, pour les problèmes spécifiquement liés aux contenus et à la qualité de service (spamming, phishing, hacking).

[100] A en croire les articles 36 (1) et (3) de la loi n° 2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun, il s’agit d’un organisme public autonome, doté de la personnalité juridique, de l’autonomie financière et décisionnelle. L’Agence est placée sous la tutelle technique du ministère des télécommunications et sous la tutelle financière du ministère des finances. Les articles 1er et 2 du décret n° 2020/727 du 03 décembre 2020 portant réorganisation et fonctionnement de l’agence de régulation des télécommunications vont dans le même sens.

[101] Dans le même sens, voir la loi n° 2011/022 du 21 décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité au Cameroun. Entre autres, celle-ci créée l’Agence de régulation du secteur de l’électricité, en abrégé ARSEL.

[102] Article 65.

[103] Il convient de souligner, en se référant à l’article 6 du décret n° 2020/727 du 03 décembre 2020 portant réorganisation et fonctionnement de l’agence de régulation des télécommunications, que l’ART est habilitée, d’une part, à régler les litiges qui opposent les autorités de certification, les prestataires de services de sécurité des réseaux et des systèmes d’information, d’autre part, à régler les litiges entre ces derniers et les utilisateurs.

[104] Tel est ce qui se découvre ce rapport qui dévoile la carte judiciaire. Le rapport 2013 ne remet pas en cause cette grille de lecture.  114Pour la synthèse, voir not. MBARGA A., Procédure civile camerounaise, Primalex, Achicourt, 2012, pp. 78 et s., n°s 99 et s. En jurisprudence, lire CS, arrêt n° 73/S, 24 mai 1984, Cameroon Airlines c. Atangana Alphonse Jules, Répertoire chronologique, Droit social, 1980-2000, tome 3, pp. 394 et s. ; arrêt n° 60, 23 mai 1972, Zoa Prosper c. Imprimerie Coulouma et Compagnie, Répertoire chronologique, Droit administratif, 1960-1980, tome 3, pp. 260 et s. ; arrêt n° 139/S, 15 sept. 1983, Eka Boch Louis c. Eyébé Richard, RCD n° 30, 1985, pp. 277 et s.; arrêt n° 179/CC, 22 mai 1986, Mbedey Ekindi Herman c. Ministère public et Monney Pierre, RCD n° 31-32, 1986, pp. 229 et s., rapp. Onomo Fouda ; arrêt n° 126/CC, 2 juin 1983, Eyong Madeleine c. Mindili Benjamin, RCD n° 26, 1983, pp. 84 et s. ; arrêt n° 78/CC, 02 avril 1983, Tchouaten François et autres c. Dikongue Pierre, RCD n° 26, 1983, IR, n° 20, p. 144 ; arrêt n° 39/S, 31 mars 1994, Sonel c. Lembe Dibunje Samuel, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, Droit social, 1980-2000, tome 3, pp. 783-784 ; arrêt n° 224/S, 24 juil. 2003, Sitaba c. Mamouda Aliou, Juridis Périodique n° 57, janv.-mars 2004, p. 61, obs. KOM J…

[105] En ce sens, voir not. CS, arrêt n° 96, 20 déc. 1960, Peh Peh Emmanuel c. Société des bois africains tropicaux, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, Droit social, 1960-1980, tome 3, pp. 50 et s. ; arrêt n° 95/S, 29 juil. 1969, Nkili Abessolo Martin c. Mvogo Jean Abé, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, Droit social, 19601980, tome 3, p. 166 ; arrêt n° 93/S, 14 avril 1988, CFAO c. Poh Jean Gaston, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, Droit social, 1960-1980, préc., p. 666 ; arrêt n° 18/L, 19 mai 1998, Dame Evouna née Oyengue Alphonsine c. Evoun Belinga Raphael, Juridis Info n° 24, oct.-déc. 1995, pp. 60-61, obs. ANOUKAHA F.

[106] On comprend a contrario que l’enfant de moins de dix ans n’est pas concerné par le procès au TPI. Tel est le sens de la formule de l’article 713 du Code de procédure pénale ainsi conçue : « Le tribunal de première instance statuant en matière de délinquance juvénile est compétent pour connaître de tous les crimes, délits et contraventions commis par le mineur âgé de plus de dix (10) ans et de moins de dix-huit (18) ans ».

[107] Article 11 nouveau (1).

[108] La nuance a notamment ses sources dans l’écriture de l’article 158 (2) du Code du travail. Dans une formule qui sème le doute dans l’esprit de quelques-uns, celui-ci pose, à propos des différends collectifs de travail et après avoir affirmé le préalable de la conciliation, que « Les parties peuvent se substituer un représentant ayant qualité pour se concilier ».

[109] L’article 2 de la loi souligne que les entreprises publiques qu’elle régit sont d’une part la société à capital public, d’autre part la société d’économie mixte. Elle ajoute toutefois que la société d’économie mixte en cause est celle dans laquelle l’Etat, une entreprise publique ou une collectivité territoriale décentralisée est majoritaire, ce qui exclut celle où ces entités sont minoritaires.

[110] En ce sens, voir les articles 76 et 78 du statut général de la fonction publique issu du décret n° 94/199 du 7 octobre 1994 modifié par le décret n° 2000/287 du 12 octobre 2000. L’article 78 est clair : pendant la période de détachement, le fonctionnaire demeure soumis à l’ensemble des exigences régissant l’organisme de détachement, sous réserve des exceptions prévues par les lois et règlements en vigueur, les principes généraux de droit et la jurisprudence. Quant à l’article 76, il dispose en substance qu’à la fin du détachement, le fonctionnaire est obligatoirement réintégré, par arrêté du ministre compétent.

[111] La Cour suprême juge : « Attendu que Ndam qui avait perdu son statut de fonctionnaire pendant la durée de son contrat de travail avec la Socamac, comme du reste, le moyen le relève, restait justiciable des juridictions sociales pour tout litige né à l’occasion dudit contrat, comme celui en l’espèce, suscité par sa rupture ». A l’appui de cette solution sont convoqués non seulement l’article 2 du Code du travail, mais aussi le statut général de la fonction publique de l’Etat. A eux s’ajoutent les statuts du personnel de l’entreprise ayant bénéficié du détachement, lesquels prévoient à l’article 1er que toute personne admise à un emploi permanent à la Socamac accepte par là-même les dispositions du présent statut et des textes qui pourraient les modifier ; les fonctionnaires, agents de l’Etat ou des organismes publics et privés détachés auprès de la Socamac sont soumis aux dispositions du présent statut.

[112] Voir les articles 185 et 187 du Code de procédure civile et commerciale.

[113] Articles 303 et 338.

[114] Article 17 (9 nouveau), (f), (g), (h), (i).

[115] Article 17 (9 nouveau).

[116] Article 17 (2), loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire. 127 Article 30 (3), a, b.

[117] Article 18.

[118] Articles 133 et suivants, Code du travail.

[119] Idem, article 134.

[120] Voir dans ce sens l’article 133 (3). Il est utile de souligner que l’article 133 (4), qui intervient après la disposition consacrée à la carence de l’assesseur appelé à siéger décide que, « Dans le cas visé à l’alinéa précédent, il fait mention dans le jugement de la carence dûment justifiée d’un ou des deux assesseurs ».

[121] Article 176, Code pénal.

[122] L’article 3 (4) est très explicite en ce sens.

[123] Qui, elle-même, n’a fait que reconduire les prévisions de la loi n° 92-10 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République, modifiée et complétée par les lois loi n° 97-020 du 9 septembre 1997 et n° 2011/002 du 6 mai 2011.

[124] La commission a comme autres membres trois représentants de l’administration désignés par le préfet ; trois représentants d’Elections Cameroon désignés par le directeur général des élections, un représentant de chaque candidat.

[125] Article 63.

[126] Pour aller plus loin ici, voir SIMO KOUAM F.A., Processus électoral et droits fondamentaux au Cameroun depuis le retour au multipartisme, Thèse, Yaoundé 2, 2008, pp. 317 et s.

[127] On l’aura compris, le contentieux de la fonction publique relève de la compétence, en instance, du tribunal administratif régional.

[128] Voir l’article 18 (1) c ancien de la loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.

[129] ASSONTSA R., KEM CHEKEM B., « Le tribunal de grande instance, tribunal de droit commun en droit camerounais : scholie sur une certitude », AFSJP-UDS, tome 14, 2010, p. 109.

[130] Article 14 (1).

[131] Articles 133 et suivants, Code du travail.

[132] Article 15 (2).

[133] A son article 134 (2).

[134] Lecture combinée des articles 135 et 137 du Code du travail et de l’article 18 de l’ordonnance n° 73/17 du 22 mai 1973.

[135] Article 15 (5) nouveau.

[136] Article 27 nouveau, (2).

[137] A l’examen, cette extrémité sera parfois inévitable. C’est que, par exemple, lorsque les cotisations sociales retenues par la CNPS n’ont pas été acquittées, des pénalités s’y ajoutent.

[138] La composition du comité de recours est complexe. Le président est une personnalité désignée par le président du conseil d’administration de l’organisme en charge de la prévoyance sociale, c’est-à-dire la CNPS. Les membres sont des personnalités choisies au sein du conseil d’administration de la Caisse nationale de prévoyance sociale de la manière suivante : deux représentants de l’administration ; deux représentants des employeurs ; deux représentants des travailleurs. Le secrétariat est assuré par l’organisme en charge de la prévoyance sociale. Pour le reste, voir l’arrêté conjoint METPS/MINEFI n° 035 du 12 juillet 2002 fixant les modalités d’application de la loi n° 2001/017 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des cotisations sociales révèle utilement.

[139] Article 20 (1) nouveau.

A son article 15, le décret n° 2015/2527/PM du 16 juillet 2015 parle de 15 jours.

[140] L’arrêté n° 049/METPS/MINFI n° 049 du 11 octobre 2002 portant réaménagement des procédures de recouvrement des cotisations sociales ramène ce délai à 30 jours.

[141] Article 22 (1).

[142] Article 22 (2).

[143] Articles 26, 29 (1) nouveaux.

[144] Dont l’article 2 prévoit que les tribunaux administratifs connaissent notamment du contentieux administratif concernant, entre autres, les établissements publics administratifs… 156 Article 2.

[145] Article 8 (2). Voir également l’article 46 du décret n° 2015/2527/PM du 16 juillet 2015 précité. La nouveauté ici tient à ce que la preuve du paiement de l’acompte est établie par la production de la quittance régulièrement délivrée, des copies certifiées conformes par la banque concernée, des ordres de virement, de paiement et des avis de débit de compte de l’employeur au profit de l’organisme en charge du recouvrement.

[146] Elle est dispensée de la preuve du paiement des 20 % supplémentaires du montant de la partie contestée de la dette. C’est que l’article 55 du décret 16 juillet 2015 déjà évoqué décide que « L’organisme en charge du recouvrement des cotisations sociales est partie à toute instance devant connaître d’un recours portant sur les cotisations sociales. Il est recevable en ses recours dirigés contre les décisions de toute instance saisie, et n’est pas astreint au paiement d’un acompte pour la recevabilité de son recours ».

[147] Article 161 (1), Code du travail.

[148] Idem.

[149] POUGOUE P.G. (dir.), Code du travail camerounais annoté, PUA, Yaoundé, 1997, p. 231. 162 Idem, p. 231.

[150] Il convient néanmoins de relever que l’examen au second degré de l’article 162 du Code du travail éclaire à propos des éléments de détail se rapportant à la compétence matérielle du conseil d’arbitrage.

[151] Tel est notamment l’enseignement des articles 158, 160, 161 (1) du Code du travail. L’article 160 est particulièrement révélateur : « En cas d’échec de la conciliation, le différend est obligatoirement soumis, dans le délai de huit (8) jours francs, par l’inspecteur du travail, à la procédure d’arbitrage… ».

[152] Le conseil d’arbitrage est alors saisi par l’inspecteur du travail dans les huit jours qui suivent l’échec de la tentative de conciliation.

[153] Article 162 (4).

[154] Article 162 (1), Code du travail.

[155] Article 162 (2). 169 Idem.

[156] Article 162 (1).

[157] Il est à noter, avec l’article 94 du décret n° 2001/177 du 25 juillet 2001 portant organisation du ministère de la défense, que les tribunaux militaires font partie des services extérieurs de ce ministère.

[158] Force est de relever que cette loi « abroge les dispositions antérieures contraires ». Sont notamment concernées, les prévisions de la loi n° 2008/015 du 29 décembre 2008 portant organisation judiciaire militaire et fixant les règles de procédure applicables devant les tribunaux militaires.

[159] Article 6, Code de justice militaire.

[160] Hier, c’est-à-dire sous l’empire de la loi n° 2008/015 du 29 décembre 2008, il était requis que les magistrats civils soient rattachés au « ressort judiciaire » du tribunal militaire. A l’examen, la formule ne permettait pas de songer spontanément que l’on puisse y retrouver des magistrats en fonction au tribunal administratif régional ou au tribunal régional des comptes.

[161] Article 27 (d), Code de justice militaire.

[162] Article 5 (4).

[163] Article 7 (1), Code de justice militaire.

[164] Article 7 (3).

[165] Voir l’article 71 du décret n° 2001/177 du 25 juillet 2001 portant organisation du ministère de la défense, modifié.

[166] Voir l’ordonnance du 26 août 1972 portant organisation judiciaire militaire telle que modifiée par les lois du 16 juillet 1974, du 15 juillet 1997, du 19 décembre 1990 et du 10 janvier 1997.

[167] Article 3 (2), Code de justice militaire.

[168] ANOUKAHA F., Observations sous CS, arrêt n° 114, 23 avril 1963, Tanebi Martin Oscar c. Commissaire du gouvernement, in Les grandes décisions de la jurisprudence pénale camerounaise, préc., p. 280.

[169] Dans ces « Directives », le principe est posé :

– Que les tribunaux militaires ou autres juridictions spéciales n’employant pas les procédures dûment établies conformément à la loi ne doivent pas être crées dans le but de priver les juridictions ordinaires de leur compétence (A 4 (e)) ;

– Que les tribunaux militaires ont pour seul objet de connaître des infractions purement militaires commises par le personnel militaire et « ne peuvent, en aucune circonstance, juger des civils » (L. (a), (c)).

[170] Elle conclut : « 67. Article 7 (1) (d) of the Charter requires the court to be impartial. Appart from the character of the membership of this military court, its composition alone gives an appearence, if not the absence of impartiality, and this therefore constitutes a violation of 7 (1) (d) of the African Charter ».

[171] Dans le détail, sa teneur est celle-ci : « …The government confirmed the allegations of the complainants concerning the membership of the military court. It informed the African Commission in its written submissions that the military court had been established by a presidential decree and that it was mainly ».

[172] Article 10, Code de justice militaire.

[173] Dans le même sens, l’article 85 du Code de procédure pénale résout que l’officier de police judiciaire non militaire peut enquêter sur une infraction prévue dans le Code de justice militaire lors qu’aucun officier de police judiciaire militaire n’est disponible.

[174] Article 11-2, Code de justice militaire.

[175] Article 13 (4), Code de justice militaire.

[176] Hier, c’est-à-dire avant l’adoption du Code de justice militaire, la réalité n’était pas la même. La règle était que le ministre en charge de la justice militaire peut, à la suite d’une prescription du président de la République, arrêter les poursuites devant le tribunal lorsque celles-ci sont susceptibles de compromettre l’intérêt social ou la paix publique. 191 Article 27-g), Code de justice militaire.

[177] Article 2 (4).

[178] Article 1er (3), article 12.

[179] L’article 3 de la loi n° 2014/028 du 23 décembre 2014 donne une idée de ce que l’on doit entendre par « financement des actes de terrorisme » auquel est réservée la peine de mort. L’article 5 de la loi n° 2014/028 du 23 décembre 2014 offre un aperçu de ce que l’on doit entendre par « recrutement et formation » se rapportant au terrorisme et auquel est réservée la peine « capitale ».   195 L’article 4 donne une idée de ce que l’on doit entendre par « blanchissement des produits des actes de terrorisme » et auquel est réservée la peine de mort.

[180] L’article 8 évoque l’ « apologie des actes de terrorisme » sans en livrer le contenu.

[181] Voir l’article 17 du statut de Rome. En phase avec le droit interne, l’article 22 de ce texte retient que « Nul ne peut être jugé par une autre juridiction pour un crime visé à l’art. 5 pour lequel il a déjà été condamné ou acquitté par la cour ». Il conclut néanmoins que celui qui a été jugé par une autre juridiction pour un comportement tombant sous le coup des articles 6, 7, 8 ou 8bis ne saurait être jugé par la cour pour les mêmes faits que si la procédure devant l’autre juridiction avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence de la CPI ou encore si la procédure devant cette juridiction n’a pas été menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties d’un procès équitable prévues par le droit international. La règle est d’ailleurs la même lorsque la procédure devant les instances nationales s’est déroulée d’une manière incompatible avec l’intention de traduire l’intéressé en justice.

[182] Pour le détail de cette jurisprudence, consulter, entre autres http://www.unictr.org, http ://gwww.icty.org. Voir aussi CASSESE A., SCALIA D., THALMANN V., Les grands arrêts de droit international pénal, Dalloz, Paris, 2010, n° 27, pp. 215 et s.

[183] Il est toutefois écrit, à l’article 5 de la loi du 14 décembre 2011, que « Les magistrats et greffiers affectés dans cette juridiction (…) demeurent soumis aux lois et règlements qui régissent leur profession ».

[184] YAWAGA S., « Avancées et reculades dans la répression des infractions de détournement de deniers publics au Cameroun ; regard critique sur la loi n° 2011/028 du 11 décembre 2011 portant création du tribunal criminel spécial », Juridis Périodique n° 90, avril-juin 2012, p. 48.

[185] Article 5, décret n° 2012/223 du 15 mai 2012 portant organisation administrative du tribunal criminel spécial.

[186] Article 2.

[187] Article 10.

[188] Articles 3, 4.

[189] Article 5.

[190] L’article 3 du décret n° 2013/288 du 04 septembre 2013 portant modalités de restitution du corps du délit est rédigé de la même manière.

[191] Voir l’article 30, Code pénal.

[192] Sur l’ensemble, voir not. TCS, arrêt n° 008/CRIM/TCS/16, 1er avril 2016, Ministère public et Etat du Cameroun-Ministère des enseignements secondaires c. E.A.M.C., A.A., E.A. épouse M., A.A.N. et autres ; arrêt n° 002/CRIM/TCS, 31 janv. 2013, Ministère public et Etat du Cameroun-Cameroon civil aviation authority c. Ntongo Onguéné Roger et Fotso Yves Michel, in Miroir du droit, avril-sept. 2012, pp. 98 et s., obs. NGAI C. ; arrêt n° 026/CRIM/TCS, 19 sept. 2003, Ministère public et Etat du CamerounMinistère de l’éducation de base, c. Haman Adama née Halimatou Kangué Maondé, Baoro née Azo’o Nkoulou Christine, Malonga

Isoa née Nnoukou Annick Joëlle et autres, préc. ; arrêt n° 008/CRIM/TCS, 24 mars 2014, Ministère public et Etat du CamerounMinistère des finances c. Yesse Meyanga Hervé Bertrand, inédit ; CS, arrêt n° 02 mars 2006, Mpone A Beyek Dieudonné c. Ministère public et Etat du Cameroun-MINFI, Miroir du droit n° 001, avril-juin 2009, pp. 120 et s.213 ; arrêt n° 002/CRIM/TCS, 7 fév. 2020, Ministère public et Etat du Cameroun-Ministère des finances c. Mbia Emmanuel, Maale Ngoumé épouse Toué Toué Salomé, Nkenmouo Alphonse, Mekou Moumeni Alain Raoul et autres, préc.

[193] D’après les termes de cet article déjà cité, « La législation résultant des lois et règlements applicables dans l’Etat fédéral du Cameroun et dans les Etats fédérés à la date de prise d’effet de la présente constitution reste en vigueur dans ses dispositions qui ne sont pas contraires aux stipulations de celle-ci, tant qu’elle n’aura pas été modifiée par voie législative ou règlementaire».

[194] Article 1. 216 Article 3.

[195] Pour le détail, voir la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral, articles 156 et suivants.

[196] Article 8.

[197] Articles 10 et 11.

[198] Article 12.

[199] Article 9.

[200] Article 34.

[201] Article 35.

[202] Article 22. 225 Article 39.

[203] Le même article indique que la commission peut saisir le gouvernement pour l’inviter à susciter une mesure politique, règlementaire ou administrative compte tenu de ses enquêtes. L’article 2 indique auparavant que dès sa constitution, la commission se réunit sous la présidence de son doyen d’âge. Elle élit, au scrutin uninominal, un bureau composé d’un président, d’un viceprésident, d’un rapporteur.

[204] Aussitôt après sa constitution, décide l’article 3 de la loi n° 2014 du 8 juillet 2014, la commission d’enquête se réunit sous la présidence de son doyen d’âge pour élire, à la majorité simple de ses membres et au scrutin uninominal, son bureau composé d’un président, d’un vice-président et d’un rapporteur.

A l’article 4, la règle est posée d’après laquelle la mission de la commission s’achève avec le dépôt du rapport qu’elle est tenue de produire. Dans tous les cas de figure, elle prend fin au plus tard à l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date de

[205] OLINGA A.D., La constitution de la République du Cameroun, PUCAC, Yaoundé, 2013, p. 141.

[206] Le bienfondé de cette organisation peut être débattu en raison des difficultés que celle-ci soulève. La première de celles-ci c’est qu’il n’est pas envisagé qu’une région puisse comporter plusieurs juridictions d’appel si d’aventure le contentieux y est développé ou la population accrue. La chose surprend dans la mesure où la logique que le législateur sacrifie est mobilisée avec succès dans d’autres Etats, notamment en France où il existe plus de cours d’appels que de régions. La deuxième difficulté tient au déséquilibre des

[207] Article 21 (1), (4), loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire. Pour la jurisprudence, voir not. CS, arrêt n° 38/CC, 13 nov. 1980, Youmbissi Michel c. Minkam Eloi, RCD n° 26, 1983, pp. 95 et s., Miroir du droit n° 001, avril-juin 2009, pp. 104-105 ; arrêt n° 297/P, 10 juin 1982, Kouanga Jean, Chinze Mathias c. Ministère public et Banda Martin, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, tome 1, Droit pénal, 1980-2000, pp. 416-417 ; arrêt n° 78/S, 30 avril 1987, Koulou Maurice c. Compagnie commerciale Hollando africaine, Répertoire chronologique de la jurisprudence, Droit social, 1980-2000, tome 3, pp. 132-133.

[208] Article 470. La formule doit cependant être comprise. Effectivement, il importe d’avoir présent à l’esprit que la juridiction comporte un parquet et un greffe. Ceux qui les composent prennent part à l’audience ou au procès, mais ne participent pas à la délibération.

[209] Idem, article 21 (2).

[210] Ibid., article 21 (3).

[211] Article 740 (1), Code de procédure pénale.

[212] Article 711, sur renvoi de l’article 740 (2).

[213] Elle s’est référée à l’article 133 (2, 3). La règle y est inscrite selon laquelle le président de la juridiction compétente désigne, pour chaque affaire, les assesseurs appelés à siéger. « Au cas où l’un ou les deux assesseurs dûment convoqués ne se présentent pas, le président leur adresse une seconde convocation.

En cas de nouvelle carence de l’un ou des deux assesseurs, le président statue seul ».

[214] On se souviendra par ailleurs que des juges d’instruction rattachés au ressort d’une juridiction d’appel peuvent être saisis d’une même infraction et se déclarer tous compétents ou incompétents. Une procédure spécifique, dite du règlement des juges, permettra d’aplanir le différend. Au fond, le règlement des juges est confié à la cour d’appel. Ce n’est que dans l’hypothèse où les juges d’instruction « en conflit » appartiennent à des ressorts de cours d’appel différents que celui-ci est tranché par la Cour suprême. En ce sens, voir les articles 600 et 601 du Code de procédure pénale.

[215] L’attention a déjà été attirée sur la réforme introduite par la loi n° 2017/014 du 12 juillet 2017 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême, laquelle créée, au sein de la chambre judiciaire, une section dite de Common law. Celle-ci connaît, du moins à en croire l’article 37-1, dans les matières relevant de la Common law, des pourvois contre les jugements prononcés en premier et dernier ressort par les tribunaux, des arrêts rendus par les cours d’appel.

[216] Il importe cependant d’observer qu’une décision rendue en dernier ressort pourrait être attaquée par la voie de l’appel lorsqu’elle provient d’un juge qui ne pouvait se prononcer qu’en première instance. C’est le sens de l’article 201 du Code de procédure civile et commerciale qui énonce que « Lorsqu’il s’agira d’incompétence, l’appel sera recevable, encore que le jugement ait qualifié en dernier ressort ». 

[217] En ce sens, voir l’article 438, Code de procédure pénale ; l’article 199, Code de procédure civile et commerciale.

[218] De nombreux autres exemples peuvent être évoqués où l’appel des décisions des juridictions de première saisine est irrecevable. Parmi eux se trouve notamment celui de l’article 300 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution rappelé à maintes reprises par la CCJA.

[219] Article 212, Code de procédure civile et commerciale ; article 463, Code de procédure pénale, etc.

[220] D’après les termes de l’article 212 déjà cité, « En cas d’appel d’un jugement partie définitif et partie avant dire droit, si cette décision est infirmée, la juridiction d’appel pourra évoquer l’affaire à condition que la matière soit susceptible de recevoir une décision définitive.

Il en sera de même dans les cas où elle affirmerait ou annulerait des jugements sur le fond, soit pour vice de forme, soit pour toute autre cause.

Toutefois, dans les cas où l’infirmation sera prononcée pour violation des règles de compétence, le renvoi sera toujours ordonné ».  249 Article 453, Code de procédure pénale ; article 203, Code de procédure civile et commerciale.

[221] Articles 454, Code de procédure pénale.

[222] Articles 191 alinéa 5, 213. La même formule est inscrite à l’article 36 du décret 19 décembre 1969 fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles du Cameroun oriental qui retient une amende moins lourde. En effet, tandis que l’amende devant la cour d’appel est comprise entre 5 000 et 20 000 francs, celle encourue devant les tribunaux du premier degré et les tribunaux coutumiers varie entre 500 et 5 000 francs.

[223] Article 452.

[224] Idem.

[225] Article 451 (3).

[226] Article 256-2 alinéa 3, Acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général.

[227] Article 14 nouveau (c), (d) ; 17 nouveau (c), (d), loi du 29 décembre 2006.

[228] Article 12 (1), décret du décembre 1969 fixant l’organisation et la procédure devant les juridictions traditionnelles du Cameroun oriental. Article 12 (2), loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.

[229] Décret n° 95/048 du 8 mars 1995 portant statut de la magistrature, article 34 (1).

[230] Article 22 (c) ancien, loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.

[231] Article 545.

[232] Articles 629 (1) et 634 (1), Code de procédure pénale.

[233] L’arrêt visé a été largement diffusé. On le retrouve notamment sur les sites suivants : www.credau.org et www.ohada.com. On le retrouve encore dans la R.C.D.A. n° 10, janv. mars 2002, p. 71 et s.

[234] SOUOP S., « Pour qui sonne le glas de l’exécution provisoire ? A propos du deuxième arrêt de la CCJA, 002/2001 du 11 octobre 2001 », www.ohada.com,Ohadata, D.-02-06. Voir aussi ANABA MBO A., « La nouvelle juridiction présidentielle dans l’espace OHADA : l’endroit et l’envers d’une réforme multiforme », R.C.D.A. n° 3, avril-juin 2000 ; « Exécution définitive et exécution provisoire dans l’espace OHADA : le cas du Cameroun », R.C.D.A. n° 5, oct. déc. 2000 ; IPANDA F., « L’arrêt époux Karnib : une révolution ? Question d’interprétation », R.C.D.A. n° 10 spécial, janv.-mars 2002, p. 46 ; NZUENKEU A., « Le juge de l’exécution… exécute : épilogue d’une confrontation décentralisation entre le droit OHADA et le droit processuel camerounais », in Le droit au pluriel. Mélanges en hommage au doyen Stanislas Meloné, MEBU CHIMI J.C. dir., PUA, Yaoundé, pp. 337 et s. ; TJOUEN A.-F., « Le législateur camerounais face à la question du juge du contentieux de l’exécution », Penant, 2013, vol. 123, n° 884, pp. 367 et s.

[235] Article 3, loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême.

[236] Articles 6, 16, 30 (1), loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006, précitée.

[237] A propos de l’expérience professionnelle, on note, au passage, des ruptures dans les textes. A titre d’exemple, et s’agissant des fonctionnaires de la catégorie A et des contractuels, d’administration pouvant être utilisés ici, l’article 5 de la loi n° 016/016 du 29 décembre exige que les concernés exploitent leur activité professionnelle depuis au moins 20 années consécutives. De son côté, la loi n° 2003/005 du 21 avril 2003 fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement de la Chambre des comptes, à son article 19, ne parle que de l’utilisation des « fonctionnaires de catégorie A et les contractuels d’administration de dixième catégorie au moins ». A son article 20, le texte concerné semble davantage libéral, ne serait-ce que parce que celui-ci offre des possibilités de choix soit entre la voie du recours aux magistrats en service extraordinaire, soit au recours à une autre voie qu’elle esquisse. Sa rédaction prévoit expressément que la Chambre des comptes peut également recourir au service temporaire d’experts ou consultants privés intervenant sous son autorité, dans des conditions règlementaires ou contractuelles ; les concernés étant au demeurant astreints au secret professionnel.

[238] KUATE TAMEGHE S.S., « La réforme du statut de la magistrature au Cameroun », De l’esprit du droit africain, Mélanges en l’honneur de Paul-Gérard Pougoué, Lamy, Paris, 2014, pp. 421-435.

[239] Voir l’article 14 du statut de la magistrature. Les décrets du 18 avril 2012 modifiant l’article 8 de ce statut réservent les fonctions de président de chambre à la cour suprême, dans les juridictions d’appel ou de même envergure aux magistrats hors hiérarchie ou au moins du quatrième grade. Ils révèlent que seuls pourraient être nommés procureurs généraux ou avocats généraux à la Cour suprême ou près les juridictions d’appel ou de ce niveau des magistrats hors hiérarchie ou du quatrième grade.

[240] Article 5 (2) a), loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006.

[241] Idem, article 5 (2) c).

[242] Article 12. 272 Article 11.

[243] L’article 25 (2) énonce assez laconiquement : « Pendant l’exercice de leurs fonctions, ils relèvent, sur le plan disciplinaire, des organes prévus à cet effet par le statut de la magistrature ».

[244] Article 26 (1). 275 Article 14.

[245] Article 26 (2).

[246] Article 11 (2).

[247] Articles 66, 105 (5), etc.

[248] L’exigence demeure lorsque sont concernées les décisions du tribunal de première instance et du tribunal de grande instance, lesquels en matière de détournement des biens publics statuent « sans appel ».

[249] Article 30 (1).

[250] Article 29, règlement intérieur de la cour.

[251] A vrai dire, les hauts magistrats en poste ici sont couramment rattachés chacun à plusieurs chambres. Cela ne surprend pas vraiment lorsqu’on sait que la cour est composée de quinze sections, mais qu’elle comprenait jusqu’à très récemment environ 61 magistrats dont 42 hors hiérarchie, 15 du 4ème grade, 4 du troisième grade.

[252] Article 21.

[253] En ce sens, voir par exemple l’article 8 (e) du protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes.

[254] POUGOUE P.G., « Considérations sur le droit traditionnel devant la Cour suprême du Cameroun », in CONAC Gérard (dir.), Les cours suprêmes en Afrique, Paris, Economica, tome IV, 1990, pp. 26 et s.

[255] Idem, p. 32.

[256] Article 37-1.

[257] Il était initialement attribué à cette section le soin de connaitre, « dans les matières relevant de la Common law, des pourvois contre les jugements rendus en premier et dernier ressort par les « juridictions judiciaires du Nord-ouest et du Sud-ouest ».

[258] Dans l’arrêt Texaco Cameroon S.A. and Peter Ngu, cette lecture transpire. Il y est résolu : « We need note however that the said Order 7 is applicable only in the two anglophone regions of our country and following this order the competence of the Fako High Court to hear this suit arose from the fact that the contract between the parties was to be performed in the Fako judiciail Division. As to the Wouri High Court, it competence in this same suit arose from the fact that the appelants who where defendants reside in the Wouri Division.

Incidently both courts are situted in regions which operate different types of legal systems, namely the English inspired Common law system in the Fako courts and the French inspired civil law system in the Wouri courts. It cannot be contested that because of the existence of these two lgal systems in our country there may be an abundance of cases like the one presently before us where parties may have to choose the proper law of their contract… Indeed, our Common law system allows the parties to a contract, if they so wish, to name the law they consider the proper law of their contract. This simply gives the parties the right to choose the legal system they want to see applied in the event of a dispute arising between them. Where they exercise this right, their choice shall be conclusive subject to the qualifications that such choice is bona fide and legal. This position was authoritatvely stated by Lord Atkins in R. vs. International Trustee (1937) A.C. 500, 529 reported in Chitty on Contracts Vol. 1… »

[259] Article 15 (3).

[260] Article 17 (1).

[261] Article 18 (2).

[262] Article 19 (1). 294 Idem.

[263] Article 19 (2).

[264] Article 21.

[265] Article 36.

[266] Article 44.

[267] Article 40.

[268] Article 24 (1).

[269] Article 28.

[270] Article 3.

[271] Article 37 (nouveau), loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006, tel que modifié par la loi n° 2017/014 du 12 juillet 2017 précitée.  304 Pour ne prendre qu’ un exemple, d’après les termes de l’article 11 de la loi n° 2012/011 du 16 juillet modifiant et complétant les dispositions de la loi n° 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création du tribunal criminel spécial, « les tribunaux de première et de grande instance saisis, lorsque le préjudice est d’un montant inférieur à cinquante millions de francs CFA, des infractions de détournement de biens publics et des infractions connexes prévues par le Code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Cameroun, statuent en premier et dernier ressort. Leurs décisions peuvent exclusivement faire l’objet d’un pourvoi ».

[272] Rapport annuel 2013, pp. 36 et s. Sur la période comprise entre 2013 et 2015, la Chambre des comptes a rendu d’avantage d’arrêts. A en croire le Rapport annuel 2015, il y en aurait eu 277. 216 de ceux-ci sont des arrêts provisoires, 61 des arrêts définitifs. D’autres statistiques sont fournies à propos de cette jurisprudence : 183 des arrêts rendus sont des arrêts d’injonction, 32 des arrêts définitifs de condamnation à des amendes, 16 des arrêts de débet, 6 des arrêts définitifs de gestion de fait, 7 des arrêts définitifs de décharge ; 2 des arrêts de dessaisissement au profit de la formation des sections réunies.

[273] Idem, pp. 39 et 40, 59-75, 232-234.

[274] Article 33 (1).

[275] Article 67 (1) et (4).

[276] Constitution, article 47 ; articles 3, 19, 20, 21, loi n° 2004/004 du 21 avril 2004.

[277] Idem, article 48.

[278] Article 9 (2).

[279] Voir les articles 72 et suivants de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006, précitée.

[280] Repris à l’article 35 de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême.

[281] Article 35 (d).

[282] On comprend aisément que dans l’ensemble des hypothèses où la signification est prévue, le délai court à partir du lendemain du jour de l’accomplissement de cet acte.

[283] Voir également les articles 473 et 474 du Code de procédure pénale.

[284] A l’évidence, ces délais sont modulés dans les procédures « spéciales » ou dérogatoires.

[285] Voir notamment les articles 44, 89, 114, loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006, préc.

[286] « Lorsqu’il y a infirmation de la décision en faveur du condamné, les sommes consignées lui sont restituées, totalement ou partiellement selon le cas », y peut-on lire.

[287] C’est le cas lorsque, après cassation d’un arrêt ou d’un jugement, la décision prononcée sur renvoi fait l’objet d’un autre pourvoi sur la base des moyens qui avaient initialement donné lieu à cassation.

[288] L’article 41 de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 est davantage précis sur ce point.

[289] Article 67 (1) et (4). A dire vrai, la réalité n’est plus celle-là de nos jours. En effet, des textes ont été signés qui nomment les membres du Conseil constitutionnel et son président (décrets du 07 février 2018 déjà évoqués). 327 Constitution, article 47 ; articles 3, 19, 20, 21, loi n° 2004/004 du 21 avril 2004.

[290] Constitution, article 48.

[291] Articles 600, 601, Code de procédure pénale ; article 78 Code de procédure civile et commerciale.

[292] Article 17.

[293] Article 138, loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006, préc. La formule du législateur est adoucie en pratique. Il a déjà observé que la décision de la Cour suprême est susceptible d’être frappée de nullité lorsqu’elle a méconnu le domaine de compétence de certaines juridictions communautaires à l’exemple de la cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA. On y ajoutera l’existence de la possibilité de réviser le procès. En matière répressive singulièrement, la révision peut être sollicitée au profit de personnes condamnées pour crime ou pour délit. Ce droit appartient au ministre de la justice, au condamné, à toute personne ayant intérêt à agir à cette fin, en cas de décès ou d’absence juridiquement constatée, d’un condamné. 332 Article 20 (2), loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006.

[294] Article 19 (3).

[295] Article 41 (2).

[296] Voir notamment l’article 514 du Code de procédure pénale.

[297] Article 36.

[298] Idem.

[299] Article 52, Statut de la magistrature.

[300] Article 26 (1).

[301] Article 28. 341 Article 33.

[302] Article 34. Le texte précise que le rapport contient, le cas échéant, « toutes suggestions utiles »… 343 Articles 63, 82, 99, etc.

[303] Article 3.

[304] Article 5. Dans le même sens, voir l’article 505 du Code de procédure pénale.

[305] Article 5 (2), (3), (5).

[306] Article 5 (c).

[307] Extrait de KUATE TAMEGHE S.S., La justice, ses métiers, ses procédures, l’Harmattan, Paris, 2021, pp. 438 et s.

[308] Quelques-uns peuvent être d’un autre avis en observant que, certes l’article 7 prévoit que le parquet près le tribunal administratif est le parquet général près la Cour d’appel du ressort du tribunal administratif, mais que l’article 10 décide de son côté que « Les magistrats du ministre public auprès du tribunal administratif sont nommés conformément au texte portant statut de la magistrature ».

[309] KEUTCHA TCHAPNGA C., « La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun », Juridis Périodique n° 70, avriljuin 2007, p. 26.

[310] Idem, p. 26.

[311] Article 8 (2).

[312] La consolation proviendra au moins partiellement des articles 84 et suivants de la loi n° 22/022 du 29 décembre 2006, lesquels prévoient et organisent les expertises. La latitude est d’ailleurs donnée au tribunal administratif, même d’office, de les ordonner « suivant la nature et les circonstances de l’affaire ».

[313] Article 12 (1).

[314] Idem, (2).

[315] Article 5 (2).

[316] Article 15 (1). La règle soulève des difficultés lorsque le contentieux est fiscal, singulièrement dans l’hypothèse où le demandeur est une entreprise relevant de la direction des grandes entreprises. En effet, bien que ces dernières soient disséminées sur l’ensemble du territoire de la République, il est considéré qu’elles ont leur domicile fiscal à Yaoundé. Du coup, bien que le tribunal administratif du lieu de leur siège social soit théoriquement compétent en matière fiscale, les grandes entreprises s’adressent généralement au tribunal administratif de Yaoundé. A la surprise de tous, l’administration n’a pas encore soulevé l’exception d’incompétence territoriale. Sur ce point particulier, lire ATEK A DJAM F., Droit et contentieux fiscal camerounais, l’Harmattan, Paris, 2017, p. 204. 358Il n’est pas sans intérêt de noter, sur la foi des prescriptions de l’article 15 (2) que le tribunal administratif du siège de l’autorité ayant pris la décision attaquée est également compétent pour connaître de l’action en réparation du préjudice imputable à la décision querellée, ainsi que des recours en interprétation et en appréciation de la légalité de l’acte litigieux intervenant sur renvoi de l’autorité judiciaire.

[317] Article 16.

[318] Article 119.

[319] Article 2 (2). Il n’est pas superflu ici, d’attirer l’attention sur certaines prescriptions du décret n° 2015/2527/PM du 16 juillet 2015 fixant les modalités d’application de la loi n° 017/2001 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des créances des cotisations sociales. Effectivement, et cela a déjà été signalé, celui-ci prévoit désormais, à son article 51, que les contestations contre les décisions du Comité de recours gracieux sont portées devant le tribunal administratif compétent. La suite ne surprend guère : la requête saisissant le tribunal administratif d’un recours contentieux suspend les poursuites engagées pour le recouvrement du reliquat de la partie non contestée de la dette, et arrête le cours des majorations de retard. Plus significativement, l’article 54 envisage que des recours soient introduits auprès de la Chambre administrative de la Cour suprême en contestation des décisions du tribunal administratif relatives au recouvrement des cotisations sociales.

[320] NLEP R.G., note sous CSCA, jugt. n° 12/CSCA/8/82, 28 janv. 1982, Dame Binam née Ngo Njom Fidèle c. Etat du Cameroun, RCD n° 25, 1983, pp. 104 spéc.

[321] Article 51.

[322] Article 14 (2). 365 Article 14 (3).

[323] Toutefois, et d’après les termes de l’alinéa 2 de l’article 3 (2), il est statué par la chambre administrative de la Cour suprême sur l’exception préjudicielle soulevée en matière de voie de fait administrative et d’emprise.

[324] Cet article a déjà été évoqué. Sa rédaction est celle-ci : « (1) Les tribunaux de droit commun connaissent (…), en outre, des emprises et des voies de fait administratives et ordonnent toute mesure pour qu’il y soit mis fin. 

Toutefois, il est statué par la Chambre administrative de la Cour suprême sur l’exception préjudicielle soulevée en matière de voie de fait administrative et d’emprise ».

[325] ABA’A OYONO J.C., « Chronique du grain de sable dans la fluidité jurisprudentielle à la chambre administrative de la Cour suprême du Cameroun », Juridis Périodique n° 78, avril-juin 2015, pp. 62 et s. ; KAMTO M., « La mise en cause des autorités administratives devant le juge judiciaire camerounais », Mélanges en l’honneur de Jean du Bois de Gaudusson, Presses universitaires de Bordeaux, 2013, pp. 335 et s. ; FALGAS A., La voie de fait administrative. Recherche sur la justification d’une notion prétorienne, l’Harmattan, Paris, 2015, pp. 32 et s.

[326] Il n’est pas sans intérêt de relever l’existence et le contenu de la loi n° 2003/016 du 22 décembre 2003 relative au règlement des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel. Le texte décide que les litiges concernés par son objet sont portés devant des commissions dont les modalités d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret du président de la République. A la suite d’une procédure contradictoire, ces commissions établissent des procèsverbaux au vu desquels l’autorité administrative statue en dernier ressort. A en croire l’article 2, « Est irrecevable, nonobstant toute disposition législative contraire, tout recours judiciaire en annulation d’un acte administratif pris pour le règlement des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel ».

[327] A l’opposé en effet, d’autres entrevoient la possibilité d’attaquer l’acte concerné par la voie du recours pour excès de pouvoir. Sur cette querelle, voir not. DJAME F.N., « Réflexions sur le statut des agents contractuels de l’administration au Cameroun », Juridis Périodique n° 105, janv.-mars 2016, pp. 129 et s.

[328] L’article 1er de la loi souligne que les établissements publics sont à caractère administratif, à caractère social, à caractère hospitalier, à caractère culturel, à caractère scientifique, à caractère professionnel, à caractère technique, à caractère économique et financier, à caractère spécial.

[329] L’article 2 de la loi souligne que les entreprises publiques qu’elle régit sont d’une part la société à capital public, d’autre part la société d’économie mixte. Elle ajoute toutefois que la société d’économie mixte régie par elle est celle dans laquelle l’Etat, une entreprise publique ou une collectivité territoriale décentralisée est majoritaire, à l’exclusion de celle où ces entités sont minoritaires.   373 Hier, la règle était développée à l’article 16 de la défunte loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic.

[330] L’article 46 de la loi n° 2017/010 du 12 juillet 2017 portant statut général des établissements publics est détaillé. Il retient que la responsabilité civile et pénale du personnel est soumise aux règles du droit commun, mais surtout que « Le conflit entre le personnel et l’établissement public relèvent de la compétence des juridictions de droit commun ». Avant d’en arriver là, l’article 43 déjà évoqué expose la nomenclature du personnel des établissements publics. Elle regroupe : le personnel recruté par l’établissement public, les fonctionnaires en détachement et les agents de l’Etat relevant du Code du travail mis à disposition, le personnel occasionnel, saisonnier et temporaire dont les modalités de recrutement, de rémunération et de rupture du contrat sont fixées par le statut du personnel.

[331] Décret n° 94/199 du 07 octobre 1994, modifié et complété par le décret n° 2000/287 du 12 octobre 2000.

[332] L’article 10-2 crée le trouble en posant que « Toutefois, en cas de silence ou de vide juridique des statuts des personnels visés (1) ci-dessus, le présent statut général leur est applicable ».

[333] Répertoire chronologique de la jurisprudence, Droit social, 1960-1980, tome 3, pp. 273 et s. ; Les grandes décisions du droit travail et de la sécurité sociale, préc., pp. 533 et s., obs. TCHAKOUA J.M. ; CS/CA, 27 oct. 1994, Tchamba Robert c. Etat du Cameroun, Juridis Périodique n° 38, 1999, pp. 29 et s., obs. ABA’A OYONO J.C. ; CS/AP, arrêt n° 01/A, 25 fév. 1999, Guiffo Jean Philippe c. Etat du Cameroun-MINEDUC, inédit.

[334] A rebours, il se comprend aisément que la juridiction a un spectre d’intervention réduit, voire inexistant lorsque sont en cause d’autres élections politiques à l’instar de celles qui débouchent sur la désignation des députés, des sénateurs, du président de la République. Elle n’a pas non plus à intervenir lorsqu’un référendum est à l’ordre du jour.

[335] Article 259.

[336] Article 260.

[337] Voir les articles 37 et 41.

[338] Article 27.

[339] Pour la jurisprudence, voir not. CS/CA, ord. n° 7, 3 juin 1978, Léré Gustave c. Etat du Cameroun, inédite ; CS, ord n° 14, 25 juin 1987, Fouad Etama c. Etat du Cameroun-MTPS, in Les grandes décisions annotées de la juridiction administrative du Cameroun, préc., n° 40, pp. 565 et s., ord. n° 30/OR/PCA/CS/2001-2002, 10 avril 2002, Union des populations du Cameroun-UPC (tendance Hogbe Nlend) c. Etat du Cameroun, Juridis Périodique n° 52, pp. 17 et s., obs. OLINGA A.D. ; CS/AP, ord. n° 11, 17 nov. 1983, Etat du

Cameroun c. Société Nangah Company Limited, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, Droit administratif, 19802000, pp. 229 et s. Adde : TPI Yaoundé Ekounou, ord. n° 102/Civ., 22 avril 2010, Anguissa Alexis c. Balla Benoît, inédit ; CS, ord. n° 01, 23 janv. 2009, Social Democratic Front, SDF c. Etat du Cameroun, Juridis Périodique n° 78, avril-juin 2009, pp. 21 et s., obs. KEUTCHA TCHAPNGA C. ; TA du Centre, ord. n° 01/REF/TA/Ydé, 07 mars 2014, Syndicat de la communication dit SYNACOM c. Cameroon Radio and Telecommunication dite CRTV, inédite ; ord. n° 06/REF/TA/Ydé, 22 août 2014, Onambélé Atangana c. Etat du Cameroun, inédite ; ord. no05/REF/TA/Ydé, 08 août 2014, Journal « La Scène » et Emok Christian c. Etat du Cameroun, inédite.

[340] TCHAKOUA J.M., Introduction générale au droit camerounais, op.cit., p. 294, n° 369.

[341] Article 30 (2).

[342] CS, ord n° 31/OSE/PCA/CS-98-99, Société Elf Serepca c. Etat du Cameroun-MTPS, Les grandes décisions annotées de la juridiction administrative du Cameroun, préc., n° 36, pp. 511 et s., note KEUTCHA TCHAPNGA C. ; ord. n° 08/OSE/CCA/CS/2013, Mouvement pour la renaissance du Cameroun MRC c. Etat du Cameroun-SG/PR, Juridis Périodique n° 95, juil.-sept. 2013, pp. 39 et s., obs. ONDOUA A ; CS, ord. n° 39/A, 23 juin 1983, Sala Mendou Gaston c. Etat du Cameroun, Répertoire chronologique de la jurisprudence, Droit administratif, tome 4, pp. 8 et 9 ; CS/AP, ord. n° 11, 17 nov. 1983, Etat du Cameroun c. Société Nangah Company Limited, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême, Droit administratif, 1980-2000, pp. 229 et s., préc. ; PTA du Centre à Yaoundé, ord. n° 48, 22 avril 2015, Atangana Henry Thierry c. Etat du Cameroun-MINJUSTICE, in KEUTCHA TCHAPNGA C. (dir.), Les grandes décisions annotées de la juridiction administrative du Cameroun, préc., n° 38, pp. 527 et s., note

NGUIMFACK VOUFO Th.

[343] Article 67.

[344] Articles 3, 10, etc.

[345] Article 7.

[346] Articles 6 et 7.

[347] Il n’est pas sans intérêt d’observer, au passage, que les règles de tenue des comptes ne dépendent pas du libre arbitre des comptables publics. De nombreux extraits du décret n° 2013/160 du 15 mai 2013 portant règlement général de la comptabilité publique en apportent la preuve.

[348] Article 17 (2, 3, 4).

[349] Article 26, alinéa 2.

[350] Article 18 (4).

[351] D’après les termes de l’article 18, le rapport contient des observations de deux natures. Les premières concernent la ligne des comptes. Quant aux secondes, elles découlent de la comparaison de la nature et du volume des dépenses et des recettes, avec les autorisations qui figurent dans les comptes administratifs et les budgets d’une part, et la vérification de la conformité des opérations comptables aux lois et règlements en vigueur d’autre part.

[352] Article 19. 397 Idem.

[353] Article 20.

[354] Article 8 (1).

[355] Articles 20, 21.

[356] Articles 23, 24.

[357] La suite se trouve à l’article 62 (1).

[358] A propos de la notification des jugements du tribunal régional des comptes, voir notamment les articles 52, 55, 56 et 57.

[359] Article 39 (1).

[360] L’article 35 (2) va au-delà et retient que le comptable n’est pas responsable ou peut être déchargé de sa responsabilité, en dépit d’une avance ou d’un défaut comptable, dans les hypothèses suivantes : le concerné a obéit à une réquisition régulière de l’ordonnateur ; l’exercice des contrôles prévus par les textes ne pouvait permettre de découvrir l’irrégularité ; la preuve est apportée que le concerné a accompli toute diligence pour assurer le recouvrement des recettes, procurer des gages au trésor ou éviter que la responsabilité civile de la personne publique ne soit engagée de son fait vis-à-vis des tiers ; si une force majeure a fait obstacle à l’exercice d’un contrôle ou d’accomplir un acte auquel il était tenu.

[361] OLINGA A.D., La constitution de la République du Cameroun, PUCAC, Yaoundé, 2013, p. 118. Voir également NGUELE ABADA M., « Le progrès de l’Etat de droit, avancée réelle ou poudre aux yeux ? », Vers une société de droit en Afrique centrale, Maugenest D. et Boukongou J.D. (dir.), PUCAC/Karthala, Yaoundé 2002, pp. 129 et s.

[362] LOTTIN D., « Avec l’introduction de la QPC, le Conseil constitutionnel acquiert le statut de juridiction », Les Cahiers du conseil constitutionnel, Hors Série, oct. 2020, https://www.conseilconstitutionnel.fr/publications/titrevii.

[363] Constitution, article 51 (2) (nouveau) ; article 7 nouveau, loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel.

[364] Idem, article 51 (1). Egalement, voir l’article 2 de la loi n° 2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel.

[365] Ibid., article 51 (4).

[366] Article 3, statuts des membres du conseil.

[367] Article 7 (6), loi n° 2004/004 du 21 avril 2004.

[368] Idem, article 22 (nouveau).

[369] Article 22 (nouveau).

[370] Constitution, article 51 (5) (nouveau). A en croire l’article 22 de la loi n° 2004/005 du 21 avril 2004 précitée, en cas de démission d’un membre du conseil, celui-ci ne peut postuler à une fonction élective avant un délai de trois ans à compter de la date de démission. 416 Article 8, statut des membres du Conseil constitutionnel.

[371] Idem, article 5.

[372] Il s’agit du décret n° 2018/104 du 07 février 2018 portant organisation et fonctionnement du secrétariat général du conseil constitutionnel, lequel abroge le décret n° 2005/253 du 30 juin 2005.

[373] Article 4, décret n° 2018/104 du 07 février 2018 précité. Au fond, cet article offre davantage de renseignements à propos des missions du secrétaire général. Il révèle que celui-ci est chargé, sous l’autorité du président du Conseil constitutionnel, de l’administration, de la coordination de tous les services techniques et administratifs, de la gestion des ressources humaines, matérielles et financières du conseil. A ce titre la charge lui revient de prendre les mesures nécessaires à la préparation et à l’organisation du travail du conseil ; d’assurer le secrétariat des réunions du conseil ; de valider le rôle des affaires à examiner aux audiences ; de préparer le rapport d’activités du conseil ; de confectionner le recueil des décisions du conseil ; d’accomplir toutes autres diligences prescrites par la loi.

[374] Article 5 du décret visé.

[375] En ce sens, voir notamment l’article 29, décret n° 2018/104 du 07 février 2018, préc. 421 Article 29, préc.

[376] Article 14.

[377] C’est l’essentiel des nouveautés introduites d’une part par la loi n° 2012/015 du 21 décembre 2012 modifiant la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel ; d’autre part par la loi n° 2012/016 du 21 décembre 2012 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel.

[378] Sur l’ensemble, lire OLINGA A. D., préc., p. 121. Voir également MBAFOU S.C., « Renforcer la contribution de la constitution au développement de la nation », in ABOUEM A TCHOYI D., MBAFOU S.C. (dir.), Améliorer l’efficacité de l’Etat au Cameroun.

Propositions pour l’action, op cit., p. 28.

[379] Constitution, article 47 ; articles 3, 19, 20, 21, loi n° 2004/004 du 21 avril 2004.

[380] Article 48. Pour aller plus loin, voir not. : NGUELE ABADA M., « Naissance d’un contre-pouvoir. Réflexions sur la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel camerounais », RRJ, 2005-4, pp. 2465 et s. ; ONDOA M., « Recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », RASJ, vol. 1, n° 2, 2000, pp. 20 et s. ; OLINGA A.D., « La constitution duale ; recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », RASJ, vol. 1, n°2, 2000 ; SIETCHOUA DJUITCHOKO C., « Introduction au contentieux des élections législatives camerounaises devant la Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel », Juridis Périodique n° 50, avril-juin 2002, pp. 81 et s. ; SINDJOUN L., Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine. Droit constitutionnel jurisprudentiel et politiques constitutionnelles au prisme des systèmes politiques africains, Brulant, Bruxelles, 2009.

[381] Article 67 (1) et (4).

[382] Lecture combinée de l’article 47 (2) de la constitution et de l’article 11 de la loi du 21 avril 2004, préc. Pour la jurisprudence, voir not. CC, Décision n° 01/SCA/G/SG/CC, 27 fev. 2019, affaire Sieur Mba Gibson Njey Tegha c. Président de la République, Président de l’assemblée nationale, Président du Sénat, Etat du Cameroun-Ministère des domaines et des affaires foncières, préc. ; Décision n° 03/SCA/G/SG/CC, 27 fev. 2019, affaire Sieur Nnomo Joachim c. Président de la République, Président de l’assemblée nationale, Président du sénat, Etat du Cameroun-Ministère des domaines et des affaires foncières, préc. ; Décision n° 04/SCA/G/SG/CC, 27 fev. 2019, affaire Bikié Jeannine c. Président de la République, Président de l’assemblée nationale, Président du sénat, Etat du Cameroun-Ministère des domaines et des affaires foncières, préc. ; Décision n° 01/SCCL/G/SG/CC, 10 janv. 2019, Sieur Ekouda Darius Mesmin c. Le Président de la République et autres, préc.

[383] Article 19 (7), loi n° 2004/004 du 21 avril 2004.

[384] On pourrait par exemple s’orienter vers la saisine du Conseil par un nombre de députés représentant le plancher pour la constitution d’un groupe parlementaire. En ce sens, le règlement intérieur de l’assemblée nationale à ce jour en vigueur décide que seules les formations politiques disposant au moins de quinze élus pourraient constituer un tel groupe. A l’évidence, cette solution a le mérite de permettre d’organiser progressivement l’accès du plus grand nombre au conseil constitutionnel, mais surtout de donner à  celui-ci le temps de se préparer à l’ouverture de sa saisine au citoyen.

[385] Article 107, loi n° 2011/002 du 06 mai 2011, préc.

[386] Voir les articles 15, 22, 23 et 28 de la loi n° 2019/014 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun.

[387] Constitution, article 49.

[388] Article 42, loi n° 2004/004 du 21 avril 2004, préc.

[389] Idem, article 57.

[390] Ibid., article 58.

[391] Constitution, article 50 ; article 15, loi n° 2004/004 du 21 avril 2004, préc.

[392] Article 27, loi n° 2004/004 du 21 avril 2004.

[393] Article 50 alinéa 1, constitution ; article 4, loi n° 2004/004 du 21 avril 2004.

[394] Article 16, loi n° 2004/004 du 21 avril 2004, préc.

[395] Idem.

[396] Lire les textes relatifs aux magistrats et aux auxiliaires de justice. Voir les ouvrages y relatifs dans la bibliographie, notamment celui relatif à La justice, ses métiers, ses procédures, l’Harmattan, Paris, 2021, pp. 815 et s.

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